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13 NOVEMBRE : L’ENQUÊTE DÉVOILE UN PROJET TERRORISTE DE GRANDE AMPLEUR

 

L’organisation des planques, le nombre d’hommes impliqués, les cibles envisagées, tout confirme la piste d’une cellule aux ambitions initiales encore plus vastes que les tueries perpétrées à Paris et Saint-Denis.

 

LE MONDE |  • Mis à jour le  | Par 

 

 

Lors d’une opération de police à Schaerbeek,  le 24 mars. La preuve des ramifications des attaques du 13 novembre avait été découverte fin mars à proximité d’une des dernières planques des djihadistes, rue Max-Roos, dans cette commune de l’agglomération bruxelloise.

Pas à pas, l’enquête progresse sur les attentats du 13 novembre 2015, revendiqués par l’organisation Etat islamique. Et pas à pas, elle laisse apparaître une organisation beaucoup plus complexe qu’on pouvait l’imaginer au départ. Le système des planques, le nombre d’hommes impliqués, les cibles envisagées, tout confirme la piste d’une cellule aux ambitions initiales bien plus vastes encore que les tueries perpétrées au Stade de France, sur les terrasses du 11e arrondissement et au Bataclan. La mise au jour de toutes les ramifications de ce réseau permet de mieux comprendre comment Salah Abdeslam a pu être en cavale durant quatre mois, et prouve plus que jamais que les attentats de Paris et ceux de Bruxelles, le 22 mars, sont le fait d’une même cellule, voire d’un seul et même projet initial.

La preuve, écrite noir sur blanc, a été découverte dans un ordinateur retrouvé fin mars, au lendemain des attentats bruxellois, dans une poubelle située à proximité d’une des dernières planques des djihadistes, rue Max-Roos, à Schaerbeek, une des communes de la capitale belge. Il y avait beaucoup de choses, dans ce petit portable : des testaments, des listes de cibles (le quartier d’affaires de la Défense, l’association intégriste Civitas, étrangement rangée dans un fichier intitulé « jeunesse catholique, royaliste, punk »), des recherches sur les explosifs, etc.

Les terroristes avaient pris soin d’en chiffrer les données. Un dossier a toutefois pu être retranscrit, dont le contenu n’avait pas encore filtré. Il était enregistré sur le bureau et laisse apparaître toute l’architecture de la cellule. Le véritable « plan des attentats terroristes du 13 novembre », « voire d’attaques futures », selon les policiers, qui savent que cet ordinateur, à la différence d’autres, a été transporté de planque en planque par les terroristes.

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Pas de certitudes définitives

Baptisé « 13 novembre », ce dossier contenait plusieurs sous-fichiers. Le premier était nommé « groupe Omar », le second « groupe Français », le troisième « groupe Irakiens », le quatrième « groupe Schiphol ». Le dernier : « groupe métro ». Autant d’intitulés faisant directement écho à la façon dont ont été mises en œuvre les tueries. « Omar » était le surnom d’Abdelhamid Abaaoud, le leader du commando qui a pris pour cible les terrasses des cafés parisiens. L’équipe du Bataclan n’était composée que de kamikazes français (Foued Mohamed-Aggad, Samy Amimour et Ismaël Omar Mostefaï). Deux des hommes qui se sont fait exploser au Stade de France étaient des ressortissants irakiens.

Les enquêteurs n’ont pas de certitudes définitives sur les deux derniers groupes. L’équipe « Métro » visait-elle initialement le métro parisien et s’est-elle rabattue sur celui de Bruxelles, le 22 mars ? Le groupe « Schiphol » correspondait-il à un projet d’attaque contre l’aéroport d’Amsterdam, ainsi nommé ? Les vérifications en cours laissent en tout cas penser qu’initialement, l’équipe « Schiphol » devait bien agir dès le 13 novembre.

A CHAQUE FOIS QU’UNE NOUVELLE ÉQUIPE ARRIVAIT DANS UNE PLANQUE, LE FRIGO ÉTAIT PLEIN, UNE NOUVELLE TABLETTE AVEC CONNEXION INTERNET ÉTAIT BIEN SOUVENT PRÉSENTE POUR OCCUPER LES HEURES, SUIVRE L’ACTUALITÉ. DANS L’UNE DES PLANQUES, LES DJIHADISTES ONT MÊME EU DROIT À UNE PLAYSTATION

Deux hommes soupçonnés d’être en lien avec ce projet ont été arrêtés au hasard de la traque des différents protagonistes des tueries de Paris et de Bruxelles. Le premier, Sofien A., 23 ans, d’origine tunisienne, a été interpellé le 18 mars, au même endroit que Salah Abdeslam, rue des Quatre-Vents, à Molenbeek. Le second, Ossama K., d’origine syrienne et de nationalité suédoise, a été surpris le 8 avril à Anderlecht, en même temps que Mohamed Abrini, « l’homme au chapeau » de l’attentat à l’aéroport de Bruxelles.

On sait peu de chose du premier, Sofien A., si ce n’est qu’il envisageait de mourir en martyr. Qu’il est passé par la Syrie, où il aurait hésité entre une formation d’artificier et une carrière de fantassin dans les rangs de l’EI. Et qu’il aurait déjà été mêlé à des projets terroristes en Tunisie. Ossama K. lui, âgé de 23 ans, originaire d’une cité modeste de Malmö, avait quitté la Suède pour la Syrie, début 2015.

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Un autre commando

La sous-direction antiterroriste (SDAT) française a pu établir qu’ils avaient tous les deux pris un bus Eurolines de la gare de Bruxelles-Nord pour Amsterdam, le 13 novembre. Qu’ils avaient utilisé, à cette occasion, de fausses pièces d’identité. Et que leur ticket n’était qu’un aller simple. Interrogé, Ossama K. a indiqué avoir réservé une chambre d’hôtel dans la ville néérlandaise pour une nuit, avant de revenir sur ses déclarations et d’expliquer qu’ils avaient fait l’aller-retour dans la journée. Pourquoi ne sont-ils pas passés à l’acte ? Devaient-ils être plus nombreux ? Ces questions sont pour l’instant sans réponse.

Les investigations en cours mènent aujourd’hui jusqu’en Hongrie. L’analyse de la téléphonie de Salah Abdeslam et des transferts d’argent montrent qu’il y a bien eu un homme ou une cellule-relais dans ce pays pendant plusieurs mois, a minima entre fin août et début novembre 2015. Un individu y ayant transité pourrait être arrivé par la route des migrants, comme plusieurs autres membres des commandos du 13 novembre. Etre venu jusqu’à Bruxelles, et avoir séjourné dans plusieurs planques de la cellule franco-belge. Un profil ADN non identifié a été repéré dans plusieurs d’entre elles.

L’enquête a depuis plus longtemps permis d’établir qu’un autre commando avait été retardé sur cette voie des Balkans et n’avait pu arriver à temps pour le 13 novembre. Ce commando, dit « autrichien », a été interpellé, en décembre 2015, à Salzbourg, dans un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile. Quatre hommes, au total, ont été arrêtés en Autriche. Deux sont passés aux aveux. Ils ont reconnu qu’ils avaient pour mission initiale de passer à l’acte, à Paris, le 13 novembre. Arrivés à bord du même bateau que les Irakiens kamikazes du Stade de France, ils ont été bloqués vingt-cinq jours en Grèce, après que leurs faux documents syriens ont été repérés.

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Logistique élaborée

D’autres individus, toujours dans la nature, sont également soupçonnés d’avoir été en contact avec des membres de la cellule franco-belge, sans qu’il soit possible, en l’état, de les raccrocher directement à ses projets d’attentats. L’existence de possibles complices toujours en liberté inquiète d’autant plus les enquêteurs qu’après les attentats du 13 novembre, les membres survivants de la cellule ont montré leur détermination à achever leur mission, mise à exécution le 22 mars lors des attentats de Bruxelles.

Pour préparer leurs attaques, la cellule disposait d’une logistique élaborée. Près d’une dizaine de planques ont été découvertes au fil des mois, la plupart autour de Bruxelles (Auvelais, Charleroi, Schaerbeek – à deux adresses différentes –, Jette, Forest, Laeken, Etterbeek, Anderlecht…). Une vie de clandestinité très organisée, où chacun avait son rôle, certains complices étant spécifiquement chargés de louer les appartements sous de faux noms, de faire les courses, et de jouer les chauffeurs en déplaçant les équipes de lieu en lieu. A chaque fois qu’une nouvelle équipe arrivait dans une planque, le frigo était plein, une nouvelle tablette avec connexion Internet était bien souvent présente pour occuper les heures, suivre l’actualité. Dans l’une des planques, les djihadistes ont même eu droit à une PlayStation.

La cavale de Salah Abdeslam a ainsi pu être en partie reconstituée. Selon les déclarations d’un des mis en examen, le djihadiste est arrivé dès le lendemain des tueries parisiennes, le 14 novembre « dans la nuit »,dans l’appartement de Schaerbeek, rue Henri-Bergé, qui avait servi d’atelier pour les ceintures explosives. A deux pas de là où il avait été lâché en voiture le jour même. Les enquêteurs pensent que Salah Abdeslam a ensuite été transféré durant environ un mois, en décembre, dans un appartement au neuvième étage d’un immeuble de Jette, en périphérie de Bruxelles. Un endroit où il s’est retrouvé en compagnie de Mohamed Abrini et de Ossama K.

Début janvier, les trois hommes ont été denouveau transférés, à Forest, rue du Dries. Là où, le 15 mars, lors d’une perquisition, une équipe d’enquête tombe nez à nez avec le commando, déclenchant un échange de tirs nourri et précipitant sans doute la mise en œuvre des attentats de Bruxelles. Salah Abdeslam, lui, sera arrêté quatre jours avant les attaques, le 18 mars.

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13/11/2016
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