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Louis Chauvel: «La spirale du déclassement»

Probablement le meilleur essai sociologique de l’année, cette nouvelle contribution(1) de Louis Chauvel apporte un regard remarquablement éclairé et éclairant sur des évolutions contemporaines majeures de la société française, à partir de données statistiques inédites et richement fournies. Une réflexion sociologique lucide dont le politique serait bien fort inspiré d'en saisir toute la substance.

 

Le travail s’inscrit directement dans le sillon tracé par son précédent ouvrage Les classes moyennes à la dérive (2), où le sociologue dressait déjà, dans la France contemporaine à partir du début des années 80, le portrait de classes moyennes vulnérabilisées par le déclassement social sous ses multiples facettes (3) et à la croisée entre deux chemins possibles aux directions opposées : « Stockholm ou Buenos Aires », pour reprendre les propos de l’auteur.

 

Le débat entre les sociologues sur le déclassement des clases moyennes n’est donc pas nouveau et on imagine bien que ce nouvel opus devrait le relancer avec vigueur. Les premiers contradicteurs du livre Les classes moyennes à la dérive avaient alors reproché à Louis Chauvel d’être plus dans un discours décliniste que dans une argumentation solidement étayée. D’autres, comme Dominique Goux et Éric Maurin (4), se sont même inscrits en faux contre cette thèse de la « panne de l’ascenseur social » pour les classes moyennes, en montrant qu’elles avaient au contraire plutôt bien résisté aux différentes formes de déclassement, depuis la fin des Trente Glorieuses (1945-1975). Pour autant, le travail démonstratif de ces deux sociologues  n’a en rien convaincu Louis Chauvel qui récidive donc en force avec ces nouveaux travaux, en partant d’un cadre définitionnel pertinent des contours du groupe social que l’on appelle la classe ou les classes moyennes. Par ailleurs, ces contours sont définitivement posés dès le début de l’analyse (5), alors qu’ils pouvaient être fluctuants, au gré des besoins de la démonstration, dans les travaux de Dominique Goux et Éric Maurin, une « fluctuation  définitionnelle  » dont il n’échappera à personne, même au plus néophyte, qu’elle ne peut qu’affaiblir la force analytique et explicative des principaux résultats statistiques mis en évidence.     

 

Selon Louis Chauvel, si c’est l’ensemble de la société française qui est en proie à la spirale du déclassement, c’est bien sous l’effet de l’effondrement en cours du socle historique des sociétés démocratiques, constitué par les classes moyennes, que le phénomène s’exécute. Un socle qui  « s'érode et se transforme en sable à mesure du remplacement générationnel » , et une érosion qui n’en serait qu’à son commencement. Bien que la question générationnelle, celle mise en avant dans son précédent opus (2), soit toujours centrale, le tour de force du sociologue va néanmoins consister ici à articuler la double dynamique des fractures générationnelle et des classes sociales qui sont à l‘œuvre dans la France d‘aujourd‘hui.  Le premier chapitre intitulé « le vertige des inégalités » nous rappelle dès lors l’accentuation des inégalités depuis le début des années 80, et plus particulièrement, en conformité avec les travaux de Thomas Piketty (6), les inégalités patrimoniales, surtout celles liées au patrimoine immobilier, dans un contexte fortement marqué par l‘envolée des prix sur le marché immobilier (une augmentation de près de 100 % de l’indice des prix au cours des années 2000), à l‘image de la situation dans les grandes capitales anglo-saxonnes.

 

C’est ce processus de « repatrimonialisation » qui est au cœur, selon l’auteur, de l’aggravation des inégalités des classes sociales et qui, de fait, va introduire une nette dichotomie tout particulièrement au sein des jeunes générations chez les classes moyennes, entre ceux qui possèdent un peu grâce au patrimoine de leurs parents et ceux qui ne possèdent rien, ces derniers démarrant donc dans la vie avec un lourd handicap, car condamnés à travailler deux fois plus longtemps que leurs parents pour accéder à la propriété d’un même bien ou à rester locataires. Une dichotomie de plus en plus aigue dépeinte par Chauvel comme «une distorsion croissante, préalable à un écartèlement, voire une rupture de continuité, entre les classes moyennes dotées d’un substantiel patrimoine net, sans remboursement de prêts, par opposition aux autres, propriétaires endettés ou locataires, dont les conditions économiques d’existence sont d’une tout autre nature.». En conséquence, c’est à un véritable déclassement résidentiel intergénérationnel auquel on assiste pour ces nouvelles cohortes, obligées de s’installer dans des lieux au moindre prestige résidentiel que ceux de leurs parents, alors pourtant mieux diplômées et ayant une part des dépenses consacrées au logement dans leur budget plus importante.        

Si la question patrimoniale nous amène au déclassement résidentiel, la problématique de « l’inflation scolaire », pour reprendre le titre de l’ouvrage de  Marie Duru-Bellat (7), nous renvoie directement à un autre type de déclassement à l’œuvre, celui du déclassement scolaire, défini comme le phénomène de la dévalorisation des diplômes. Louis Chauvel considère, en effet, que les jeunes adultes diplômés des classes moyennes sont en première ligne de cette tendance lourde, depuis les années 80, dans la société française. Un tel déclassement peut prendre deux visages pour un individu : accéder à une position sociale inférieure à celle de ses parents, tout en disposant d’un niveau de diplôme équivalent voire supérieur (on parle à ce sujet du paradoxe d’Anderson), et/ou occuper un emploi correspondant à un niveau de qualification inférieur à celui auquel le titre scolaire peut prétendre (situation dite de déclassement professionnel). Le sociologue rappelle en effet des évolutions maintenant bien établies sur le sujet, à savoir une croissance beaucoup plus lente, ces dernières décennies, des emplois qualifiés entrant dans les catégories des CPIS et des professions intermédiaires  par rapport à celle du nombre de diplômés du supérieur, condamnant donc nécessairement les aspirants aux catégories moyennes et supérieures à une rétrogradation vers le bas dans la hiérarchie des positions sociales (qualifiée par Chauvel d‘« effet de ruissellement naturel vers le bas »). Dans ce contexte, la dévalorisation sociale du diplôme est inévitable, ce qu’illustre Louis Chauvel à propos en particulier du titre du baccalauréat, naguère le « ticket d’entrée dans les classes moyennes intermédiaires », dont le « cours du titre »s’est littéralement effondré. Ainsi, selon les données du sociologue, pour les premières cohortes du baby-boom (celles de la fin des années 1940), le baccalauréat correspond à 60 % de chances d’accéder au moins aux professions intermédiaires, soit le double de ce qui prévaut pour les jeunes générations d’aujourd’hui !

 

La diminution de la rentabilité sociale du diplôme ne se limite pas au titre du baccalauréat, mais commence aussi à devenir sensible au cours des années 2000 pour les niveaux de l’enseignement supérieur, constat effectivement corroboré par d’autres travaux empiriques, notamment ceux de Philippe Lemistre (8) ou encore de Marie Duru-Bellat (9). Par ailleurs, le sociologue souligne que, en dehors des pays du sud de l’Europe, la France se singularise nettement des autres pays pour l’intensité du déclassement scolaire qui est à l’œuvre. En final, ce dernier est porteur de désillusions et de frustrations croissantes envers l’institution scolaire. Louis Chauvel rappelle alors avec juste raison que le mouvement de démocratisation de l’enseignement, dont a pu bénéficier largement la classe moyenne, est en trompe-l’œil, car il recouvre, pour une très large part, un phénomène purement quantitatif de massification scolaire, n’ayant réduit que de façon limitée le poids des inégalités sociales dans la réussite scolaire (10). En dépit de leur dévalorisation, les diplômes  restent néanmoins toujours discriminants du point de vue de l’insertion sociale des individus, car ils diminuent leur vulnérabilité face au risque du chômage (le taux de chômage est d’autant plus faible que le niveau du diplôme est élevé), d’où une course aux diplômes sollicitée par les familles, pour un rendement décroissant du titre scolaire en termes d’accès aux différentes positions sociales au fil des générations.       

 

Le déclassement des classes moyennes est donc bel et bien, en France, un processus en cours, d’une ampleur conséquente, même si, Louis Chauvel nous fait observer que l’évolution du pouvoir d’achat du salaire à temps plein des professions intermédiaires, le cœur même de la classe moyenne, ne traduit pas un phénomène de paupérisation absolue, car ces dernières connaissent une quasi-stagnation de leur pouvoir d‘achat sur la période post-Trente Glorieuses étudiée 1975-2010 (en baisse néanmoins de près de 8 % entre 1975 et 1995)……mais avec une formation de près de deux années d’études supplémentaires en moyenne !  Pour autant, il est clair qu’il y a une paupérisation relative importante, si l’on étudie l’évolution de l’écart relatif entre le pouvoir d’achat du salaire net de ces mêmes professions intermédiaires et celui des ouvriers, qui passe ainsi de 120 % en 1970 à 37 % seulement en 2010 ! Comme le souligne l’auteur, la réduction sensible de l’avance des professions intermédiaires par rapport aux catégories populaires évoque le toboggan de Spelbound.  Cette dernière métaphore apparaît d’autant plus pertinente lorsqu’on raisonne en pouvoir d’achat du  revenu disponible des ménages (après prélèvements obligatoires et redistribution). On observe alors, sur la même période, un  déclin relatif du revenu des professions intermédiaires par rapport au revenu moyen toutes catégories sociales confondues, alors que l’écart de revenu se creuse entre les cadres et les professions intermédiaires.

 

En conclusion, selon le sociologue, la société française est sur le chemin de ce qu’il nomme « le grand déclassement », un déclassement systémique qui renvoie à un processus commençant par s’attaquer aux  fondements mêmes de « la civilisation de la classe moyenne », c’est-à-dire, en particulier, une société fondée sur le salariat, permettant aux individus par leur salaire d’accéder à un niveau de vie confortable, de disposer d’une large protection sociale, de pouvoir espérer une mobilité sociale ascendante et d’obtenir des  progrès du point de vue de la réduction des inégalités sociales face à la réussite scolaire. Sous l’effet combiné de deux dynamiques se renforçant mutuellement, celle de la fracture des classes sociales et celle de la fracture générationnelle (11), ce sont donc tous ces fondements qui sont mis à mal à partir des années 1970, redonnant force à la logique de la reproduction sociale et à un mouvement de régression sociale, et  fragilisant du même coup dangereusement la cohésion sociale.  Ce tourbillon post-Trente Glorieuses est par ailleurs renforcé par le phénomène de la mondialisation et la montée des classes moyennes émergentes qui l’accompagne, accentuant encore plus la fragilité des catégories populaires et des fractions inférieures des classes moyennes des pays avancés, et bouleverse aussi profondément l’horizon de ces catégories sociales pour lesquelles  « il ne fait donc plus sens de regarder au-dessus, où l’espoir d’ascension se réduit, alors qu’en revanche la menace pourrait venir d’en dessous.».

Il y a donc urgence pour Louis Chauvel d’enrayer la spirale du déclassement qui tempête depuis plusieurs décennies contre la société française, et plus généralement d’ailleurs contre la société salariale. Si rien n’est fait, elle ne peut que conduire à un effondrement systémique et civilisationnel, laissant aux générations futures un monde social invivable. L’auteur en appelle donc à rompre avec le déni de réalité ambiant au sein de « la société des illusions », dont font preuve notamment les responsables politiques et les élites, quant à l’effectivité d’un processus qui ravage lentement mais sûrement notre tissu social - paradoxalement trop souvent masqué dans son ampleur aux yeux mêmes de ses principales victimes, en dépit de la violence sociale qu’il exerce à leur encontre. Mais aussi à engager une réflexion réelle sur la soutenabilité intergénérationnelle des politiques menées, notamment du point de vue des investissements nécessaires à réaliser pour la construction de la société de demain, dans laquelle notre jeunesse doit pouvoir avoir envie de s’y projeter. Ce n’est pas Louis Chauvel qui me démentira, en disant que l’affaire est loin d’être gagnée d’avance et, qu’en conséquence, l’incertitude est totale, notamment du point de vue du devenir de notre démocratie, quant à l’issue d’une telle déstabilisation ravageuse pour la société française.

 

30 DÉC. 2016 PAR YVES BESANÇON


05/09/2017
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La mobilité sociale est tombée en panne

Il s'agit ici d'un résumé de l'article "La mobilité sociale est tombée en panne", disponible dans le numéro de mars 2017 d'Alternatives Économiques, n°366. On peut le lire en ligne sur le site de la revue d'Alternatives Economiques en activant le lien ici.  Yves Besançon

 

Après une phase de progrès durant les Trente Glorieuses, au demeurant modestes, l’ascenseur social au sein de la société française s'est figé depuis une vingtaine d'années. Résumé des évolutions majeures de la mobilité sociale en France depuis le début des années 50.

 

Dans nos sociétés démocratiques fondées sur le principe d’égalité des droits, l'égalité des chances à la naissance est un leurre, les statuts sociaux étant acquis dans le cadre d’une compétition scolaire et sociale "non libre et faussée", faisant la part belle à l’hérédité sociale dans le destin des individus. Pour autant, l'intensité de l'inégalité des chances et de la reproduction sociale qui lui est associée peut évoluer dans le temps. Qu'en est-il pour la France depuis le début des années 50 ?

 

L'étude de la mobilité sociale intergénérationnelle, à partir des tables de mobilité fournies par l'Institut national de la statistique et des études économiques, permet de rendre compte de cette question, en comparant la position sociale des enfants à celle de leurs parents. La notion de mobilité sociale intergénérationnelle est complexe. Il faut tout d'abord distinguer les flux de mobilité ascendante des flux de mobilité descendante. Par ailleurs, il est nécessaire de distinguer dans les flux de mobilité observée (mobilité brute), ceux "contraints" qui relèvent des transformations structurelles économiques ou socio-démographiques (la mobilité structurelle) - par exemple l'impact de la modernisation de l'agriculture sur la raréfaction des emplois dans l'agriculture expliquant pour une part la mobilité sociale des enfants d'agriculteurs - du reste des autres flux (mobilité nette). Les premières études sociologiques sur le sujet interprétaient l'évolution de cette mobilité nette comme un indicateur des progrès réalisés en termes d'égalité des chances à la naissance.

 

Néanmoins, les sociologues lui préfèrent maintenant la notion plus pertinente de fluidité sociale, mesurée à partir des "rapports de chance" d'accès aux différentes positions sociales (odds ratios en anglais). Par exemple, si l'on s’intéresse à la situation respective des enfants d'ouvriers et des enfants de cadres, le rapport de probabilités se lit de la façon suivante : les enfants de cadres ont, statistiquement parlant, X fois plus de chances que les enfants d’ouvriers de devenir cadre plutôt qu'ouvrier.

 

Les principaux résultats de la compilation des tables de mobilité masculine, établies depuis 1953, sont présentés de façon synthétique par le tableau suivant.

article-mobilite

Le premier constat fait état d'une amélioration durant les Trente Glorieuses. On notera le rôle important de la mobilité structurelle dans la hausse de la mobilité sociale, en lien, entre autres, avec la tertiarisation de l'économie entraînant une progression importante des emplois qualifiés de cadres et mettant  les générations nées avant 1955 dans une situation très favorable sur le marché du travail. La démocratisation scolaire des années 1970 et 1980 va permettre, quant à elle, de réduire certaines inégalités scolaires, notamment celles concernant l’accès au baccalauréat (près de 80 % d'une génération obtiennent le BAC aujourd'hui contre moins de 20 % au début des années 70), contribuant ainsi à rendre plus fréquentes les trajectoires de mobilité ascendante pour les jeunes de pères ouvriers ou employés.

 

Le tableau s'assombrit en revanche depuis une vingtaine d'années sous l'influence de la dégradation de la situation de l'emploi (développement du chômage de masse et précarisation de l'emploi) et des effets de la mondialisation en termes de dualisme sociétal : diminution depuis le milieu des années 80 du ratio mobilité ascendante/mobilité descendante selon les travaux du sociologue Louis-André Vallet (1), déclassement scolaire (défini comme la dévalorisation du titre scolaire) selon la chercheuse Marie Duru-Bellat (2), spirale du déclassement selon le sociologue Louis Chauvel (3), stabilisation à un niveau encore élevé du "rapport de chances" entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers (en 2012, un fils de cadre avait ainsi près de trente fois plus de "chances" qu’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier), etc.

 

En conclusion, les évolutions de long terme de la mobilité sociale en France depuis le début des années 50 font apparaitre des progrès bien modestes vus sous le double angle, d'une part, du lien entre l'origine et la destinée sociale et, d'autre part, du déterminisme social dans la réussite scolaire qui reste encore élevé (plus de 20 % des enfants d'ouvriers et d'employés sortent du système scolaire sans diplôme contre seulement 7 % des enfants de cadres), avec l'émergence de nouvelles dynamiques ces deux dernières décennies favorables aux forces de la reproduction sociale.

___________________

(1) Voir "Mobilité observée et fluidité sociale en France de 1977 à 2003", par Louis-André Vallet, Idées économiques et sociales no 175, mars 2014, et "Quarante années de mobilité sociale en France. L’évolution de la fluidité sociale à la lumière de modèles récents", Revue française de sociologie no 1, 1999.

(2) Voir L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie, Le Seuil, 2006.

(3) Voir La spirale du déclassement, par Louis Chauvel, Le Seuil, 2016. Fiche de lecture disponible ici.


05/09/2017
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tous des casseurs


16/05/2017
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correction l'école favorise t-elle la mobilité sociale ?

 
 

L’école favorise-t-elle la mobilité sociale?

 

 

 

.Introduction

 

 principe méritocratique  ascenseur social

 

mobilité sociale : ensemble des changements de position des individus dans l’espace social, est  estimée par leur position socioprofessionnelle, soit au cours de leur vie active (mobilité intragénérationnelle), soit d’une génération à lʼautre (mobilitéintergénérationnelle).  

 

Ecole : fonction de transmission culturelle, de socialisation, de séléction

 

I l’école favorise la mobilité sociale

 

A. L’école joue un rôle essentiel dans la mobilité sociale...

 

Fournit les qualifications qui permettent d’avoir un emploi .

 

mutations du système éducatif : massification et  démocratisation scolaire.  

 

Les enfants des catégories populaires accédent aux diplômes du second degré puis du supérieur. Ainsi plus de 50% des enfants dʼouvriers et dʼemployés nés entre 1983 et 1987 obtiennent le baccalauréat contre seulement 21% pour la génération née entre 1964 et 1968  doc 4

 

 29%des bacheliers en 2011 sont fils dʼouvriers, 21%sont fils de professions intermédiaires et 23% fils de cadres. (doc 2)

 

 

B. ... et participe donc à la mobilité sociale verticale intergénérationnelle ascendante

On constate, grâce au document 3, que17% des fils dʼouvriers appartiennent en 2003 à la catégorie «professions intermédiaires» et que par exemple 26% des fils de «profession intermédiaires» appartiennent en 2003 à la catégorie «cadres et professions intellectuelles supérieures». On imagine

certes qu

ʼ

une partie de ces cas de mobilité verticale ascendante s

ʼ

explique par les changements de la

structure socioprofessionnelle (mobilité structurelle). Toutefois, ces «mobiles sociaux» le sont devenus

aussi grâce à leur réussite scolaire. L

ʼ

école favorise donc la mobilité sociale verticale ascendante.

L

ʼ

école accompagne la mobilité structurelle. En répondant aux besoins croissants del’appareil productif en main-dʼœuvre qualifiée par la création de nouveaux diplômes, lʼécole facilite les possibilités de mobilité liées à lʼévolution de la structure socioprofessionnelle dʼune génération à lʼautre. Prendre des exemples de

catégories en déclin, dʼautres en expansion (document

 

3).Si lʼécole joue, à lʼévidence, une fonction importante dans la mobilité sociale, il faut admettre toutefois que son influence demeure limitée.

 

 

II. ...quʼil convient cependant de nuancer

 

A. Une réussite scolaire sous influence

Le niveau de diplôme des parents influence la réussite scolaire et joue encore un rôle décisif dans lʼobtention du baccalauréat. Ainsi, les enfants nés entre 1983 et 1987 dont le père est ouvrier ou employé ont 52% de chances dʼobtenir le baccalauréat. Ce taux monte à 85% si leur père est cadre ou profession

intermédiaire (cf cours). Or, on vient de le voir, le diplôme est déterminant pour accéder à un statut professionnel élevé.

 

Autre illustration (doc 2)

: 38% des élèves de 6° en 1995 sont fils dʼouvriers, 16% sont fils de «cadres et de

professions intellectuelles supérieures». En revanche, 9% des élèves inscrits en classe préparatoire aux grandes écoles sont fils dʼouvriers, 55% sont fils de «cadres et de professions intellectuelles supérieures.

 

Cela montre comment lʼécole participe à la reproduction sociale. Les enfants de parents diplômés héritent, selon Pierre Bourdieu, dʼun capital culturel en adéquation avec les attentes de lʼécole. Lʼinégalité sociale à lʼécole sʼexplique donc par la proximité entre la culture des milieux les plus favorisés et la culture scolaire.

Ne disposant pas des codes culturels (maîtrise de la langue, culture générale...) propices à la réussite scolaire, les enfants des catégories populaires (peu diplômées) sont plus souvent en échec scolaire. Cette inégalité sociale à lʼécole contribue fortement à la reproduction sociale.

 

B. Le marché de lʼemploi reflète les inégalités scolaires

Le rendement social des diplômes est lui aussi inégal selon le sexe et le milieu social dʼorigine. Lʼaccès à une profession de cadre ou de profession intermédiaire pour les diplômés du baccalauréat est marqué par des inégalités selon le sexe et le milieu dʼorigine. Ainsi, 30% des hommes diplômés du baccalauréat accèdent à une profession de cadre ou de profession intermédiaire, contre seulement 27% des femmes.

 

Lʼinégalité est encore plus forte selon le milieu dʼorigine puisque si 37% des personnes dont le diplôme le plus élevé est le baccalauréat et ayant un père cadre ou profession intermédiaire deviennent cadre ou profession intermédiaire, ce pourcentage baisse à 25% lorsque le père est ouvrier ou employé

 

(document1).Cela peut sʼexpliquer par les stratégies des acteurs (Boudon) et le K social (Bourdieu). Les enfants des milieux les plus favorisés ont ainsi tendance à sʼinscrire dans des réseaux sociaux pré-établis par leurs parents qui leur permettent de valoriser leur diplôme scolaire.

 

Certains effets pervers de la démocratisation scolaire limitent le rôle de l

ʼ

école dans la mobilité sociale. Premièrement, si le nombre de diplômés augmente plus rapidement que le nombre de postes qualifiés, alors une partie de ces diplômés nʼaura pas accès à ces emplois qualifiés. Deuxièmement, la généralisation de certains diplômes contribue à les dévaloriser sur le marché du travail, leur obtention nʼest donc plus suffisante pour permettre la mobilité sociale(On retrouve encore la stratégie des acteurs de Boudon). Le document4 illustre ce paradoxe mis en évidence par Charles Anderson (à développer en

reprenant le DUT par rapport aux études du père).

 

Conclusion

En définitive, il apparaît que lʼécole, en promouvant lʼégalité des chances, enaccompagnant les mutations de la structure sociale, en participant par lʼobtentiondʼ

un diplôme à lʼinsertion professionnelle, joue un rôle important dans la mobilité sociale. Ce rôle demeure cependant limité par le maintien de profonds

déterminismes dans la réussite scolaire (effet du capital culturel) et dans les conditions dʼinsertion professionnelle (effets du capital social) et par les stratégies des acteurs. À lʼextrême, certains considèrent que lʼécole, en ne garantissant pas pleinement lʼégalité des chances participe à la reproduction sociale.

 

 

 

 

18/04/2017
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Le déclassement augmente-t-il ?

 

    Un cas exemplaire de déclassement serait celui d’une fille hôtesse d’accueil (employée administratif d’entreprise) avec un bac +2 dont le père est cadre. Le père, niveau d’études BEPC, est cadre dans la fonction publique. La fille, niveau d’études bac + 2, se retrouve à faire l’hôtesse d’accueil, « C’est dingue quand on y pense » répète- t-elle. Le déclassement social se juge par la comparaison des positions sociales entre le père et la fille. Avec un niveau d’études supérieur, la fille occupe une position sociale moins prestigieuse que celle du père.

 Chauvel a montré que les générations entrantes connaissaient un déclassement. Selon Éric Maurin, il y aurait en France plus une « peur du déclassement » qu'un déclassement objectif.

  Il y a une difficulté objective de juger d’un déclassement social car il sous-entend un jugement de valeur sur la trajectoire suivie et dépend de plus d'autres données plus objectives comme l'évaluation des positions sociales dans le temps.

 

 Ce débat est assez complexe du fait de la polysémie de la notion de déclassement. On peut définir le :

-        déclassement social comme le fait d’avoir une position sociale inférieure à celle de ses parents  (déclassement  social = mobilité sociale intergénérationnelle descendante)

-        déclassement scolaire :   baisse du rendement social du diplôme

-        déclassement salarial : le fait d’avoir un salaire inférieur à ce que permet d’avoir son diplôme

-        déclassement subjectif : le fait de penser que l’on a un métier qui ne correspond pas à son niveau de diplôme

-        déclassement face à l’emploi : le fait de perdre un emploi stable.
Rendement social : valorisation sociale du diplôme qui se traduit par un accès privilégié aux position d’encadrement et par une protection contre le chômage.

    

 

Exercice : illustrez chacune de ces propositions dur le forum à l’aide des documents

 

Proposition 1. Le paradoxe d’Anderson : L’obtention d’un meilleur diplôme que ses parents ne garantit pas une mobilité sociale ascendante

 

Proposition 2. Un diplôme identique peut donner accès à des positions sociales moins élevées que celles de ses parents.

  

Proposition 3. Il y a fils de cadre et fils de cadre

Proposition 4. Le diplôme a cependant une grande valeur parce qu’il protège encore plus aujourd’hui contre le chômage 

 


07/02/2016
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