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dossier 8. Quels liens sociaux dans une société où s'affirme le primat de l'individu ?


8.1. Lien social et individualisme

Le lien social désigne l'ensemble des relations qui unissent des individus faisant partie d'un même groupe social et/ou qui établissent des règles sociales entre individus ou groupes sociaux différents. Les liens sociaux sont des relations sociales concrètes, ils permettent d'assurer la cohésion sociale et l'intégration des individus.


A. L’évolution des formes de solidarité

Le projet de  Durkheim ( 1858-1917) peut se résumer à l’élucidation d’un paradoxe : « comment se fait-il que tout en devenant plus autonome, l’individu dépende plus étroitement de la société ? Comment le passage des sociétés traditionnelles aux sociétés modernes ne se traduit-il pas par une désagrégation du lien social ? ». La réponse est apportée dans sa thèse, De la division du travail social (1893), en passant de la solidarité mécanique à la solidarité organique, les sociétés modernes ont réussi à concilier individualisme et lien social.  

 

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Serge Paugam, Le lien social, PUF

 

     Les sociétés traditionnelles sont des communautés, elles sont relativement homogènes, elles connaissent des différenciations individuelles limitées et les divisions sociales que l’on y rencontre apparaissent essentiellement fondées sur la parenté, l’âge et le sexe. Dans les sociétés traditionnelles, la conscience collective – sentiments et représentations – imprègne les consciences individuelles, et la cohésion de l’ensemble repose sur une solidarité mécanique, ou solidarité par similitude, fondée sur la ressemblance entre individus et leur conformité aux normes, aux valeurs et aux rôles sociaux traditionnels.

  

Au fur et à mesure qu’augmente la densité démographique et morale des sociétés, celles-ci connaissent un approfondissement de la division du travail. Les tâches qui composent la vie sociale se subdivisent et les individus appelés à les remplir se spécialisent. Dans les sociétés complexes, la vigueur du processus de division du travail provoque une différenciation des individus et modifie les bases de la cohésion sociale. La solidarité organique, ou solidarité par complémentarité, conduit ainsi les individus, non seulement à se différencier, mais également à devenir plus autonomes. La socialisation prépare à la différenciation des individus et à leur spécialisation. Les consciences individuelles s’émancipent dans une large mesure de la conscience collective. Il y a concomitamment une interdépendance croissante des individus du point de vue du fonctionnement de la société et une individualisation grandissante des personnes.

 

 Les transformations du droit reflètent l’évolution des formes de solidarité car les normes juridiques expriment les normes sociales. Ainsi, les sociétés traditionnelles disposent essentiellement d’un droit répressif tout entier tourné vers la sanction des manquements aux moeurs, tandis que les sociétés complexes développent un droit restitutif, ou « droit coopératif », qui veille à réparer et à organiser et non plus seulement à sanctionner

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B. La coexistence des deux formes de solidarité dans les sociétés modernes

 Dans les sociétés à solidarité organique, la multiplication des communautés d’intérêts se substitue aux communautés traditionnelles. Les individus appartiennent à différents réseaux sociaux ou groupes qui leur permettent de prendre conscience de leur individualité et de se construire par des identifications transitoires et diversifiées. François de Singly distingue un individualisme abstrait et un individualisme concret. Le premier est fondé sur la raison et la conscience d’une commune humanité. Le second repose sur la singularité de la personne et son originalité (genre, religion, style de vie, ethnie, langue, etc…). La première modernité qui s’étend de la fin du 19e siècle aux années 1960, est dominée par l’individualisme abstrait, tandis que l’individualisme de la seconde modernité apparaît à partir des années 1960. Alors que l’expression des différences individuelles restait cantonnée dans la sphère privée avec l’individualisme de la première modernité, celles-ci se manifestent en continu dans le cadre de la seconde modernité, à l'égal des stars montrant l'exemple de la recherche d'individualité.

 

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 Durkheim n’avait pas totalement écarté l’idée que des formes de solidarité mécanique puissent persister même lorsque le niveau d’avancement du processus de division du travail a imposé de façon générale la solidarité organique. D’autres formes de regroupement, fondés sur une similitude forte (la famille) ou relative (les organisations professionnelles) sont nécessaires pour assurer la cohésion sociale. Des liens communautaires traditionnels reposant sur des croyances partagées et des valeurs communes persistent dans les sociétés modernes. On observe que nombre de liens sociaux contemporains entretenus par des groupes, des mouvements ou des institutions conservent des dimensions relevant de la solidarité mécanique :

 

- Des nouveaux mouvements sociaux défendant un style de vie particulier (néo-ruraux, hippies, anti-nucléaires, associations militantes, mafias)

 


 

Q1. Quelles raisons ont pu pousser les individus à rejoindre la communauté hippie d'IBiza

 

- Des mouvements religieux ou spirituels, plus ou moins rattachés à la tradition, continuent de rassembler les individus autour de croyances et de valeurs partagées ( grandes religions, sectes protestantes évangélistes, mouvements New age). La religion est créatrice de lien social notamment entre générations et au sein d’une même génération dans le partage d’expériences et de croyances communes. Les rites réguliers permettent aux individus de se rencontrer et d’échanger (exemple de la messe le dimanche), et les associations de bienfaisance qui gravitent souvent autour des institutions religieuses peuvent également permettre les relations sociales. si la proportion d’individus se réclamant de certaines religions a diminué, ce n’est pas le cas pour toutes et, par ailleurs, on constate que les individus ont aujourd’hui des manières très diverses de vivre le sentiment religieux, souvent en dehors d’une Église particulière. Le retour du religieux devient un débat de plus en plus politique, entraînant avec lui le débat sur la laïcité. 

 

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- Des communautés basées sur des affinités partagées, la langue ou l’appartenance ethnique ( associations, tribus, raves, réseaux facebook). En France, en 2008, selon l’INSEE, 35,6 % des hommes adhèrent à une association. 12,3 % des individus ont adhéré à une association sportive et 13,6 % des personnes de 75 ans et plus ont adhéré à une association du troisième âge.

 

A Paris, la colère de la communauté chinoise

 

Q1. La solidarité présente dans ce reportage est-elle mécanique ou organique ? 

 


Les Français, rois de la discussion

 

Q1. Quelle fonction peut avoir la conversation sur le lien social ? 

Q2. Le lien social mis en évidence ici témoigne t-il d'une solidarité mécanique ou organique ? 



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Q1. Facebook est-il un lieu communautaire ?

Q2. Quels sont les risques liés à l'utilisation de Facebook ?

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Toutes ces communautés manifestent une forte capacité d’intégration en développant une solidarité mécanique. Les liens sont fondés sur la similitude et la proximité d’origine (l’ethnie), de lieu (régionalisme et coutumes), de croyances (groupes religieux ou spirituels), de culture (style de vie) ou de valeurs (causes à défendre).  La sociabilité qui s'y développe c’est-à-dire l’ensemble des relations interindividuelles que ce soit dans la famille, avec ses amis, ses collègues de travail, ses voisins constituent la base du « capital social » de l'individu.  

C. Les risques liés au développement de l'individualisme

Même si la solidarité organique progresse au cours de l’histoire des sociétés, des dysfonctionnements empêchant la division du travail de produire de la solidarité organique peuvent apparaître. Ces formes anormales de division du travail ont été approchées par Durkheim à partir du concept d'anomie qu'il a défini comme une situation caractérisée par l’absence ou affaiblissement des normes collectives. Cette absence de cadre détériore le processus de socialisation des individus et peut remettre en question la cohésion sociale quand les lois et les règles ne peuvent plus garantir la régulation sociale. Cette situation anomique peut subvenir dans les périodes de crises sociales mais aussi dans les périodes de prospérité, en fait toutes les périodes où les aspirations sociales sont en décalages avec la satisfaction des besoins. Par exemple quand la parcellisation des tâches induit une perte de sens du travail pour les individus, qui n’ont plus alors conscience de leur utilité sociale, ni de la solidarité organique qui les relie aux autres individus. 

 

 Robert K. Merton a prolongé l'analyse de Durkheim en définissant l'anomie comme une dissociation entre les objectifs culturels et l'accès de certaines catégories sociales aux moyens nécessaires pour les atteindre. Quand les comportements non-conformistes prédominent, l’anomie et la déviance progressent remettant en question l'ordre social.

 

 

But +

But –

Moyen +

conformistes

Ritualisme

Moyen -

Innovation

anomie Évasion

 

R.Castel a montré que l'anomie résultait d'un processus de désaffiliation sociale, c'est-à-dire d'une trajectoire de dé-socialisation progressive par l'éloignement du monde du travail et l'appauvrissement des liens sociaux et familiaux. Pour Castel, l’individualisation fragilise les individus plongés dans la solitude et l’absence de relations sociales. La grille d'analyse de R.Castel de l'espace social combine deux dimensions : l'axe de la place dans la division du travail et celui de la participation aux réseaux de sociabilité. Cette combinaison, qui n'est pas une corrélation car la précarité peut être compensée par la densité des réseaux de sociabilité primaire. Il distingue plusieurs zones de cohésion sociale :

 *  La zone d'intégration associe travail stable et insertion relationnelle solide notamment familiale

 * La vulnérabilité sociale est une zone intermédiaire, instable qui repose sur la précarité du travail ou la fragilité des relations (à commencer par la fragilité du lien conjugal). Cette zone de vulnérabilité ne se nourrit pas seulement du chômage, mais aussi de la précarité de l’emploi. 

 *  La zone de désaffiliation associe l'absence de participation à toute activité productive et l'isolement relationnel.

     La promotion du salariat a été historiquement indissociable de la promotion de l’individu puisqu’elle a conduit à diminuer les tutelles traditionnelles (corporations, guildes, églises) et les liens de subordination. Cependant c’est par l’intermédiaire de nouveaux collectifs comme les syndicats que des protections sociales ont pu être mise en place et contribuer à l’autonomie des individus. L’affaiblissement actuel de ces collectifs entraîne le recul des protections et débouche sur un individualisme négatif, c’est-à-dire un individualisme par soustraction d’attaches, de protections, de statut et de reconnaissance. La pauvreté a tendance à limiter les relations sociales, car les sources de la pauvreté (chômage, exclusion économique et sociale) empêche les individus d’accéder à un réseau professionnel (capital social) et d’assumer les obligations sociales qui vont avec ce type de relations (recevoir ses amis, etc.). Dans Les chômeurs de Marienthal (1933), Paul Lazarsfeld avait montré que le temps libéré du travail des chômeurs coïncidait avec une diminution des activités sociales et à un repli sur soi. 

 

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Serge Paugam a montré que l’exclusion doit être envisagée comme un processus de disqualification sociale par lequel les individus mal intégrés sur le marché du travail intériorisent progressivement l’étiquette d’exclus que leur attribuent certaines institutions, en particulier celles gérant les aides sociales.  

 

 

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A contrario, des conditions socioéconomiques précises doivent être réunies pour permettre un individualisme positif. L’individualisation nécessite notamment une certaine stabilité de l’emploi et un État-providence fort et efficace.  

 


 

a) Montrez que la solidarité mécanique demeure dans une société où s'affirme le primat de l'individu.

b) Montrez que, selon Durkheim, dans les sociétés où s'affirme le primat de l'individu la solidarité ne faiblit pas.

c) En quoi la solidarité organique se distingue-t-elle de la solidarité mécanique chez Durkheim ?

 

 

Q1. Définir lien social, cohésion sociale, conscience collective, sociabilité, réseau social, capital social, anomie

Q2. Réaliser un tableau opposant solidarité mécanique et solidarité organique avec pour entrées : fondements, liens entre individus, conscience collective, forme du droit

Q3. Comment passe t-on des sociétés à solidarité mécanique à des sociétés à dominante de solidarité organique ?

Q4. Comment peut-on distinguer un individualisme abstrait d’un individualisme concret ?

Q5. La solidarité mécanique a t-elle disparu dans les sociétés modernes ? Développer un exemple permettant de démontrer votre affirmation

Q6. Pourquoi selon Durkheim, l’anomie se développe-t-elle autant dans les périodes de prospérité que dans les périodes de crise économique ?

Q7. Trouvez des exemples de comportements non conformistes

Q8. Montrez comment l’analyse de Serge Paugam et l’analyse de Robert Castel se complètent.

 


28/03/2016
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8.2. Les principales instances d’intégration sont-elles en crise ?

 

On peut pour schématiser définir quatre types de liens sociaux fondamentaux : le lien de filiation ou d'alliance, le lien de participation élective, le lien de participation aux activités socioprofessionnelles, le lien de citoyenneté. C’est à partir de ces quatre types de liens sociaux que les individus déclinent leur identité. Les origines familiales, la référence à la nation, l’appartenance à des groupes sociaux plus restreints, la profession se combinent et constituent le système de relations au sein duquel les individus développent leur vie sociale. La qualité de ces liens sociaux, leur force, leur stabilité ou leur adaptabilité permet de constituer le capital social des individus. Les institutions telles que la famille, le travail, l'école et la citoyenneté sont transformées par la montée de l'individualisme. Une institution est un ensemble de règles que subissent les individus, elle peut entrer en crise quand les rôles ne vont plus de soi et que les individus ne s'adossent plus à ces rôles pour régler leurs conduites. 

 

 A. La famille est-elle en crise ? 

 

Q1. Quelles sont les caractéristiques de la famille des années 50 et 60' ? 

Q2. Quelle loi va marquer une rupture de la famille ? 

Q3. Quel est le rôle des femmes dans les mutations de la famille contemporaine ? 

Q4. Quelles sont les caractéristiques de la famille contemporaine ? 

 

 

La famille produit de l'intégration sociale par les liens de filiation et d'alliance. Elle a un rôle principal dans la socialisation primaire, processus au cours duquel elle fournit des ressources affectives, morales, sociales et matérielles. La transmission des normes et valeurs au sein de la famille se fait par injonction, par imitation dans le cadre de nombreuses interactions. Plus les interactions sont prolongées et intenses, et plus les effets d’imitation mais aussi de contrôle exercé par la famille sont importants. Mais la famille se transforme avec la montée de l'individualisme qui pousse chacun de ses membres à rechercher un bonheur individuel. 

 

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La prégnance du sentiment amoureux, l’autonomie financière des femmes, la fin de la distinction entre enfants nés hors mariages et enfants légitime et la protection des époux en cas de divorce par la loi ont favorisé une augmentation des ruptures et des séparations. L’objectif d’être " libre ensemble", selon François de Singly conduit à des tensions et des ruptures quand les membres du couple notamment n’arrivent plus à se réaliser, à être authentiques.

               Ce phénomène se traduit statistiquement par une baisse du nombre de mariages compensée cependant par la hausse de PACS, une augmentation de l'âge au premier mariage, une hausse du nombre de divorces, de familles monoparentales et de familles recomposées. Les liens de filiation deviennent de plus en plus complexes eu égard à la multiplication des relations impliqués par les structures nées des divorces.  Cette complexité est amplifiée par le développement des naissances liées à la procréation médicalement assistée (PMA). Pour certains sociologues comme François Dubet, cette désinstitutionnalisation de la famille contemporaine aboutit à ce que les rôles sociaux ne vont plus de soi, les normes sont affaiblies, l'autorité est affaiblie, ce qui contribue à l'expansion de formes d'anomie familiale. 

 

    


 

Q1. Donner une définition de l'autorité

Q2. Y a t-il un rôle différencié dans la famille concernant l'autorité ? 

Q3. Quelles sont les fonctions de l'autorité ?

 

 Pour définir le lien social, on peut prendre en compte ce fondement essentiel qu’est la protection, c’est-à-dire le fait de pouvoir se dire « je peux compter sur qui ? ». Tout individu se pose cette question. « Je peux compter sur un système de protection sociale généralisé mais si celui-ci s’écroule, je peux compter sur qui ? Sur mes proches, certes, sur ma famille, sur mes collègues de travail etc. » Mais ce n’est pas la seule dimension du lien social : l’autre dimension, tout aussi fondamentale, est de savoir « est-ce que je compte pour quelqu’un ? », c’est-à-dire « comment je construis mon identité de façon à ce que l’on puisse me donner une certaine valeur dans la société, sur laquelle je peux aussi compter, pour me définir socialement, comme un individu membre de cet ensemble social ». Cependant, le groupe familial conserve une place essentielle dans la sociabilité des individus et l’intensité affective des relations entre apparentés contribue à la stabilité de leurs rapports. Selon le CREDOC, près de 9 personnes sur 10 ont avaient été aidées par leurs famille au cours des 12 derniers mois en 2006. 

 

 

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L’entraide familiale recouvre des dimensions variées et donne lieu à des flux de services, des flux de biens et des flux financiers relativement importants. Par exemple, les relations sociales familiales sont souvent mobilisées lors de l’insertion professionnelle des jeunes actifs mais aussi en offrant un soutien moral dans les périodes difficile comme un épisode dépressif. La solidarité familiale est un moyen de lutter contre les inégalités car elle permet non seulement de pallier les difficultés économiques des individus par des aides matérielles ou financières, mais également de s’appuyer sur un réseau de relations sociales fort. Malgré cela, les ressources familiales tout comme les liens familiaux sont inégaux d’un milieu social à l’autre. Par conséquent, lorsque la solidarité familiale croît afin de pallier les insuffisances de la solidarité publique par exemple, elle tend à accentuer les inégalités économiques et sociales.

 

 

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B. L’école peine à intégrer tous les individus

 

 

L’école contribue à la cohésion sociale par ses fonctions de socialisation, de transmission d'une culture qui permet aux jeunes de donner une compréhension du monde dans lequel ils vivent et de diffusion des savoirs et des qualifications qui leur permettent de trouver une place dans la division du travail. L’école poursuit un objectif de démocratisation de l’éducation tout en assurant une fonction de sélection en s’efforçant de respecter une égalité des chances entre les élèves. Cependant, les inégalités scolaires reflètent très largement les inégalités sociales, économiques et culturelles au point de mettre en question le principe méritocratique et sa légitimité.

               L’école ne fait que refléter les problèmes sociaux environnants : l'augmentation des inégalités concomitante de la massification contribue à l'hétérogénéité des publics scolaires à la fois sur le plan social et culturel. L’institution scolaire peine à trouver les formes pédagogiques adaptées à cette hétérogénéité, ce qui se traduit dans les classes et les établissements par diverses manifestations anomiques : violences, absentéisme, décrochage scolaire et déscolarisation. Si la massification favorise l'intégration en  socialisant en moyenne plus longtemps les jeunes, une partie non négligeable d'entre eux sortent de manière précoce du système scolaire sans qualification. Ainsi en moyenne selon l'enquête emploi en continu de l'INSEE, sur les années 2008, 2009 et 2010, 122 000 jeunes ont quitté le système scolaire sans diplôme ou uniquement avec le brevet en poche.  Le « désenchantement à l’égard de l’école » de certains milieux sociaux qui anticipent leurs difficultés d'insertion sociale se traduit par un manque de motivation et de sens pour les élèves. Dans ce contexte, l’échec scolaire est perçu comme un stigmate et vécu comme une forme de mépris. 

 

 

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L’école devient plus un marché qu’une institution. On peut caractériser le jeu de l’institution par l’emprise du rôle du maître et de l’élève sur la personnalité. La désinstitutionnalisation projette les relations interpersonnelles et subjectives sur le devant de la scène. Avec la généralisation de l’accès au diplôme, le sens de l’école est moins déterminé par les contenus et les valeurs que par l’acquisition de biens scolaires utiles : l’instrumentalisme scolaire se développe.

 

Q1. Les enfants aiment-ils l'école ?

Q2. Quelle est la conséquence de l'augmentation de la concurrence à l'école ?

Q3. Trouver un exemple qui permet de montrer que l'emprise du rôle a disparu ?

Q3. Quelles sont les attentes sociales vis-à-vis de l'école ?

 

  Par ailleurs, la prééminence du rôle de l’école et du diplôme en matière d’insertion professionnelle – plutôt renforcée que desserrée par les problèmes de l’emploi et la dévaluation des titres scolaires –, confère aux verdicts scolaires un poids considérable sur la destinée sociale des individus. La mobilisation des familles et leurs stratégies éducatives s’accentuent et contribuent ainsi à creuser les inégalités scolaires.

 

 

 

 

C. Le travail est une instance clé d’intégration de plus en plus fragile

 

Robert Castel  dans Les métamorphoses de la question sociale : une chronique du salariat, 1999, a montré que le salariat était synonyme de misère et de déchéance sociale au 19ème siècle (perte de son outil de production pour les artisans, risques de chômage, …), mais qu'il est devenu l’élément fondamental de l’intégration à la société à partir des années 1960, grâce au plein-emploi et aux droits sociaux garantis aux travailleurs salariés et à leur famille. En effet, le travail par l'identité professionnelle qu'il confère, contribue à la construction de l’identité sociale. Les relations de travail remplissent une fonction de socialisation secondaire et influencent la sociabilité des individus car les relations professionnelles donnent accès à diverses formes de participation sociale (syndicats, associations professionnelles). 

 

- Le travail constitue une expérience sociale dans laquelle l’individu est confronté au réel et donne la mesure de ses qualités et de ses compétences. Par l’intermédiaire de son travail, il fait la preuve de la maîtrise qu’il a sur un environnement qui peut être technique, naturel, relationnel etc. Il en retire une estime de soi et un sentiment d’épanouissement qui contribuent à asseoir sa personnalité, la confiance en soi et la dignité.

 


 

Q1. Les salariés sont-ils heureux au travail ? 

Q2. Quelles évolutions retracent ici Alain Mergier ? 

 

 - Le travail assure un revenu d’activité qui conditionne l’accès au crédit et à la société de consommation. L’activité professionnelle facilite alors le développement de liens marchands et de liens électifs souvent associés aux loisirs. 

 - Le travail donne accès à des droits sociaux qui concourent à la protection des individus face aux différents risques de la vie sociale ( maladie, accident, vieillesse) tout en en leur attribuant un statut social et donc une reconnaissance sociale.  La sécurité sociale en France repose sur des cotisations sociales et donc sur l'inscription dans un emploi. 

 

 

 

 

Le chômage qui concerne 10,5% de la population active en 2016 remet en question l’intégration par le travail. L’expérience du chômage, souvent douloureuse, risque de dégénérer en un processus cumulatif de rupture des différents types de liens sociaux comme l'ont montré Robert Castel avec le concept de désaffiliation et Serge Paugam avec celui de disqualification sociale. Les études sur l’estime de soi des chômeurs permettent de distinguer 3 phases liées à la perte d’un emploi : dans le premier temps du choc de la perte d’emploi, l’estime de soi est abaissée. Ensuite, au bout de 6 mois, les chômeurs mobilisent leurs ressources et retrouvent une bonne image d’eux-mêmes en cherchant du travail quotidiennement. Au bout d’un an, le chômage a un effet important sur la perte de l’estime de soi et l'engagement dans la recherche d'emploi ralentit. C'est donc plus que le chômage, le chômage de longue durée (un an et plus) qui a des effets négatifs. La honte ressentie incite les chômeurs à s’isoler de leur famille et de leurs amis. En 1987, Serge Paugam faisait apparaître que 43,5% des hommes au chômage depuis 2 ans ont vécu une rupture conjugale, contre 18,9% pour ceux qui étaient actifs. Le chômage des jeunes est lui aussi particulièrement délétère à un moment où la socialisation par le travail est constitutive d'une identité professionnelle. 

   

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CREDOC, enquêtes sur les « Conditions de vie et les Aspirations des Français », 2000-2001. 

 

 

Selon Serge Paugam, l’intégration assurée qui conjugue satisfaction au travail et sécurité de l'emploi laisse de plus en plus place à 3 autres formes d'intégration plus dégradées du travail  : l'intégration laborieuse, insatisfaction au travail et stabilité de l'emploi, l'intégration incertaine, satisfaction au travail et instabilité de l'emploi, enfin, l'intégration disqualifiante, double insatisfaction d'un travail aliénant et d'un emploi précaire. 

 

               Les mutations de l'emploi liées aux transformations de l’organisation du travail (flexibilité, intensification du travail et individualisation de la gestion des ressources humaines) affectent fortement la fonction d’intégration par le travail en augmentant la précarité, c'est-à-dire l'absence de garanties sur la durée de l'emploi. Les emplois précaires offrent une moindre reconnaissance sociale et les salariés qui les occupent ont du mal à se construire une identité professionnelle valorisante, ils subissent les formes de l'intégration incertaine ou disqualifiante.  Dans l'entreprise, la diversité des statuts juridiques (CDI, intérimaires, CDD, stagiaires, temps partiels) ne facilite pas la formation d'un collectif de travail, le salarié de la précarité cherche avant tout à préserver son emploi, il ne lutte plus.  Certains travailleurs cumulent plusieurs emplois sans arriver toutefois à sortir de la pauvreté.

 

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 Ensuite, il est fréquent que des droits moindres soient attachés à ces emplois (en particulier ceux accordés par les conventions collectives). De plus, l'augmentation des emplois précaires rend plus difficile la socialisation par le travail, les emplois précaires ou temporaires représentaient 1.24% de l'emploi salarié en 1975, en 2011 13.5% des salariés occupaient des emplois courts (CDD), des emplois d'intérimaires, des contrats aidés ou bien étaient stagiaires. Si l'on ajoute les emplois à temps partiels dont une grande partie est contrainte, on obtient la proportion d'emplois atypiques qui passe de 9% des salariés en 1975 à près de 34% en 2011 selon l'INSEE.

 

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Enfin, le renforcement des techniques managériales néo-libérales, dans un environnement économique plus risqué, place les travailleurs dans des situations de stress qui génèrent des problèmes de santé et un mal-être aux conséquences plus ou moins graves (maladies psychiques, stress, burn out, suicide etc.). L'individualisation des parcours professionnelle et le culte de la performance enjoint les salariés à devenir entrepreneur de leur propres qualifications, ils doivent travailler leur employabilité et prouver sans cesse leur engagement au service de l'entreprise. La diminution du syndicalisme et le rapport distant aux collectifs (de travail, conventions collectives) place les individus salariés dans un rapport psychologique à leurs propres échecs alors que ces difficultés  sont avant tout sociales. 

 


 

Q1. Quel est le type d'organisation du travail de Carglass ? 

Q2. Quelle est l'objectif de Carglass ?

Q3. Comment l'informatique permet-il de contrôler les salariés dans l'entreprise ? 

Q4. Selon le directeur de l'entreprise, comment rendre heureux les salariés ? 

Q5. Quelles sont les 4 étapes du secteur de services ? 

Q6. 19'. Quelles sont les conditions d'embauche ? 

Q7. Comment la technique du maillon faible est-elle mise en place dans cette entreprise ? 

Q8. Quels sont les exercices que doivent réaliser les cadres lors des formations ? 

Q9. Quelle est la fonction des enquêtes réalisée dans le centre d'appel de Barcelone ? 

Q10. Pourquoi le sport est-il sollicité par le management de Carglass ? 

 

Face à mutations de l'emploi qui remettent en question l'intégration par le travail, il est nécessaire de repenser notre façon de considérer notre rapport à l’emploi. 

 

D. Le rôle de la citoyenneté dans la cohésion sociale

 

 

 

La citoyenneté désigne le principe selon lequel les individus faisant partie d'une même Nation ont les mêmes droits, les mêmes devoirs et participent à la vie de la Cité. D'abord civils (droit de propriété, liberté de pensée, etc) et politiques (être éligible, voter, etc), les droits sont peu à peu devenus économiques et sociaux au XXème siècle avec l'affiliation à un système de protection sociale. Etre citoyen, ce n'est pas seulement avoir des droits c'est aussi observer un certain nombre de devoirs comme défendre la Nation, payer ses impôts, participer aux élections, participer à la vie associative, en bref faire vivre le lien social. La tradition républicaine française ne reconnaît dans la vie démocratique que des individus citoyens. Cela permet de transcender toutes les différences sociales et culturelles, notamment les communautés religieuses qui sont reléguées dans l'espace privé du fait du principe de laïcité (1905). Le développement de la protection sociale dans la deuxième moitié du XXème siècle a favorise l'intégration de populations autrefois laissées dans les marges de la société. Mais aujourd'hui le lien de citoyenneté rencontre de nombreuses difficultés. 

 

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 La crise d'efficacité de l'Etat-providence face à l'accroissement de l'insécurité économique rend de plus en plus difficile pour certains individus de se départir d'une défiance à l’égard des institutions. En effet, pour assurer des droits politiques, il faut d'abord que des conditions économiques et sociales permettant à chaque citoyen de vivre dans des conditions convenables. La désaffiliation et l'exclusion rejette une part de plus en plus importante des individus hors de la citoyenneté, tandis que le discrédit des hommes politiques se répand du fait de la multiplication des affaires. Les travailleurs précaires, les travailleurs pauvres, les chômeurs sont plus souvent abstentionnistes, s'engagent moins en politique et militent beaucoup moins dans les syndicats. La crise de légitimité de l'Etat-providence favorise une critique individualiste de la protection sociale où les "assistés" et des privilégiés profiteraient de systèmes de protection sociale trop avantageux.

 

 

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Le pluralisme culturel croissant que connaissent les sociétés démocratiques nourrit des demandes de reconnaissance d’identités de la part des différents groupes issus de l'immigration ou des communautés diverses (religions, gays, handicapés etc.). L’acuité aux différentes formes de discriminations devient plus importante et les formes de discrimination positive produisent des minorités qui risquent de céder au repli communautaire et miner ainsi le pacte républicain d'intégration individuelle à la nation en contournant par exemple le principe de laïcité.    

               Il faut néanmoins nuancer le propos, la protection sociale représente une part toujours croissante du PIB, et on assiste globalement à une amélioration des droits sociaux des individus les plus démunis  (RSA, CMU). Les revendications « communautaires » ne mettent pas en cause la citoyenneté politique, mais semblent plus souvent relever de la volonté de bénéficier d’une égalité des droits réelle et pas seulement formelle plus que de la reconnaissance de particularismes (« mariage  pour  tous »,  « CV  anonyme »,  « diversité » dans les programmes télévisuels, …). De plus, on peut remarquer que si l'exercice traditionnel de la citoyenneté politique semble aujourd'hui en déclin, il y a des formes nouvelles d'exercice de cette citoyenneté (vie associative, bénévolat).  

 

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Q1. Faîtes un schéma avec les 4 formes de liens ( trouver un exemple pour chacun)

Q2. Est-ce que l’on peut dire que dans la famille, les rôles ne vont plus de soi ? Pourquoi ?

Q3. Montrez que la solidarité familiale a des effets positifs sur le lien social

Q4. Pourquoi peut-on parler d’un développement de l’anomie scolaire ?

Q5. Faîtes le schéma de l’intégration par le travail avec les mots suivants : expérience professionnelle et sociale, reconnaissance sociale, statut social, estime de soi,  revenu d’activité,  accès au crédit et à la société de consommation, sentiment d’épanouissement,  accès à des droits sociaux,  protection sociale

Q6. Quelles raisons peut-on invoquer pour expliquer que l’emploi intègre de moins en moins ?

Q7. Comment peut-on caractériser la tradition républicaine française ?

Q8. Le lien citoyen est-il en crise ?


21/02/2016
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