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partie 8 ordre politique et légitimation


dossier 8.4 Comment un phénomène social devient-il un problème public ?

Dossier 8.4. Comment un phénomène social devient-il un problème public ?

A. Quelle priorité à l'action publique ?

L’action publique est l’ensemble des relations, des pratiques et des représentations qui concourent à la production de politiques publiques. Ces relations engagent des acteurs publics (administrations) mais aussi des acteurs privés : associations, entreprises, syndicats et autres groupes d’intérêt.

 

Tous les problèmes sociaux n’entrent pas dans les priorités de l’action publique. Ainsi, la solitude des personnes âgées ou des adolescents, les difficultés de réinsertion des artisans ou commerçants qui font faillite, les problèmes de transport des familles nombreuses, les maladies comme l’anorexie, la drépanocytose, etc. n’ont pas la même attention que la lutte contre l’autisme, l’illettrisme ou l’alcoolisme au volant.

 

Pourquoi un gouvernement va-t-il privilégier un problème plutôt qu’un autre ? Pourquoi telle maladie (autisme) ou tel problème (illettrisme) seront considérés comme une « grande cause nationale » à la place d’autres difficultés sociales ?

 

L’analyse sociologique des politiques publiques montre que pour devenir un « problème de société » et être pris en charge par les pouvoirs publics, une cause, un problème doit d’abord être « mis à l’agenda politique ».

 

Il y a donc différentes étapes d’une politique publique et la mise sur l’agenda politique (ou inscription à l’ordre du jour politique) est souvent la première.

                Un problème sera d’autant plus facilement pris en considération et inscrit au calendrier des actions à mener, mis sur l’agenda politique, qu’il concerne un nombre élevé de personnes, a des effets dans de nombreux domaines, et engage de nombreux protagonistes (associations, partis politiques, administrations, médias, etc.).

B. La mise à l'agenda politique est le produit de l'action de nombreux acteurs.

 

 Il existe différents acteurs dans le processus de la mise sur agenda :

 

-         les citoyens, qui écrivent à leurs représentants (maires, conseillers généraux, députés), manifestent, pétitionnent, etc.

 

-         les associations et les groupes d’intérêts qui vont à la fois mobiliser les opinions publiques par des campagnes de médiatisation et/ou exercer, grâce à leurs carnets d’adresses, une influence sur les les autorités intellectuelles comme les centres de recherches universitaires, les groupes de réflexion et autres think tanks, qui produisent des études visant à donner des fondements scientifiques à l’acuité du problème

 

-         les médias qui vont relayer ou non les « causes » des citoyens, associations, intellectuels, et interpeller l’opinion et les responsable politiques via les éditoriaux, articles, débats, reportages, publication d’opinions partisanes ou de listes de pétitionnaires, etc. Ainsi, ils font le choix de mettre en «première page», «à la une », «à une heure de grande écoute» certaines préoccupations … et d’en occulter d’autres

 

-         les acteurs gouvernementaux (ministres, directeurs de cabinet, chefs d’administration) qui rencontrent ces différents acteurs, hiérarchisent les priorités, écrivent les programmes d’action, répartissent les budgets, etc.

 

Dans une société démocratique, il existe une concurrence pour le contrôle de l’agenda politique qui est une rivalité pour imposer la formulation d’un problème et les solutions à mettre en œuvre. Dans cette compétition tous les acteurs ne sont pas à égalité car les groupes sociaux n’ont pas les mêmes ressources et n’utilisent pas les mêmes répertoires d’action.

 

L’importance des moyens (humains, financiers, juridiques, symboliques, etc.) investis dans une cause facilite la mobilisation des médias et de l’opinion publique. La qualité du « carnet d’adresses » et de la capacité d’expertise influencent, tout autant que le nombre des personnes mobilisés, les décideurs publics.

 

  1. L'action publique est le produit d'une construction sociale

 

Ainsi, la réflexion en terme d’agenda politique nous permet de mieux comprendre les processus décisionnels : l’action publique est rarement consensuelle : elle est le résultat d’un compromis et d’arbitrages.

 

Exemple 1:  les mesures d’interdiction de fumer dans les lieux publics rencontrent l’assentiment des professionnels de santé et d’associations de parents d’élèves, mais aussi l’opposition des groupes de pression de l’industrie du tabac et des représentants syndicaux des débitants de tabac et des cafetiers.

 

La réflexion en terme d’agenda politique permet aussi de comprendre les processus de «construction» d’un problème social.

 

Exemple 2 :  la lutte contre l’illettrisme en France ne s’est pas imposée d’elle- même. L’engagement des pouvoirs publics dans cette cause est le résultat d’un long processus débuté dans les années 1970. Le père Joseph Wresinski, fondateur de l’association ATD Quart Monde, propose alors le mot « illettrisme » pour alerter l’opinion publique sur la situation de personnes, souvent majeures et nées en France, qui rencontrent des problèmes dans la vie courante à cause de leur incapacité de lire et d’écrire. Il y aura plus de trente ans entre cette alerte et la création de l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme (ANLCI). La statistique publique fera alors des estimations sur le nombre de personnes concernées et la lutte contre l’illettrisme deviendra une grande « priorité nationale ».

 

Le sociologue Bernard Lahire a analysé les efforts de médiatisation des nombreux acteurs pour imposer une perception des difficultés à l’écrit distincte de celle de la pauvreté : cette « invention de l’illettrisme » est le travail de nombreux acteurs qui utilisent différents registres (raison, émotion, etc.) pour mobiliser l’opinion publique. Ces acteurs imposent ainsi une vision du « problème social » qui favorise sa prise en charge par la collectivité mais a aussi des effets de domination symbolique, notamment en stigmatisant les « illettrés ».

 

 

La mise sur agenda est une étape dans la naissance d’une politique publique. Mais elle n’est pas la seule. Il existe aussi des initiatives autonomes (lois, décrets, circulaires) des parlementaires et/ou du gouvernement. De plus, à côté des mobilisations visibles et médiatisées, l’analyse des politiques publiques doit prendre en compte les « mobilisations silencieuses », celles des fonctionnaires, des experts, des lobbies, qui interviennent en amont dans la définition des problèmes et en aval dans la mise en œuvre des politiques publiques.

D. les modifications de l'action publique

L’action publique, c’est « l’État en action ». Les politiques publiques sont un des registres de l’action publique. Si ces « programmes d’action gouvernementale dans un secteur de la société ou dans un espace géographique » (cf. Yves Mény et Jean-Claude Thoenig, « Les Politiques Publiques ») restent les principaux moyens d’intervention des gouvernements, le cadre institutionnel de l’action publique connaît de profonds bouleversements avec la redéfinition de la logique de l’action publique par le Parlement (LOLF), la modification du contour et des missions des administrations par une Révision générale des politiques publiques (RGPP), l’identification d’opérateurs de l’Etat et la multiplication des partenariats publics-privés (PPP).

 

Le mouvement de décentralisation, l’européanisation du droit, l’élargissement des mécanismes de marché, etc. modifient l’action publique qui prend de plus en plus la forme d’une gouvernance multi-niveaux et multi-acteurs. Toutefois, quelque soit le niveau ou le nombre des acteurs, toute politique publique est un construit social et l’ensemble des problèmes ne font pas l’objet d’un traitement de la part des autorités publiques, ne bénéficient pas d’une « fenêtre d’opportunité » (réceptivité).

 

L’analyse en terme d’agenda politique permet de souligner que les faits sociaux ne deviennent pas des « problèmes publics » tout seuls et que l’action publique, sous forme de création de nouvelles normes (lois, de règlements, de décrets) ou d’engagement de nouvelles dépenses, est un processus long et incertain.


27/10/2014
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Dossier 8.3 Comment l'Etat-providence contribue t-il à la cohésion sociale ?

Dossier 8.3. Comment l’Etat providence contribue-t-il à la cohésion sociale ?

A. L’objectif de cohésion sociale

Ac versailles

L’Etat moderne a notamment pour objectif de favoriser la solidarité, qui désigne, au sens de Durkheim, le phénomène qui relie les différentes composantes d’une société, faisant que les parties de celle-ci s’intègrent dans un tout cohérent.

 

Il a donc pour ambition une cohésion sociale plus profonde, c’est-à-dire une plus grande stabilité et force des liens entre membres d’un groupe ou d’une société afin de limiter ce que Robert Castel nomme la désaffiliation, dernière étape du processus de fragilisation du lien social dans laquelle l’individu ne participe plus à aucune activité productive et se trouve isolé sur le plan relationnel.

 

Pour cela, il doit intervenir activement dans la sphère économique et sociale, développant son rôle d’Etat-providence. Plus précisément, il devient un Etat social en assurant la protection des individus et la cohésion sociale en intervenant par le droit (développement de la protection sociale) et la redistribution des ressources (fonction de répartition), mobilisant des moyens pour lutter contre les inégalités, l’exclusion, la pauvreté et les discriminations.


B. Les modalités d’intervention 

L’Etat social s’est affirmé au XXe siècle suite à l’émergence de la question sociale au XIXe siècle du fait de l’aggravation de la pauvreté engendrée par l’industrialisation. Les politiques sociales se développent alors selon trois axes :

 

Les deux premiers renvoient au développement de droits sociaux comme assurer un droit au secours des plus démunis (assistance, le RMI s’inscrit dans cette logique) ou mutualiser les principaux risques sociaux comme la maladie, la maternité ou les accidents du travail (assurance, importance de l’ordonnance du 4 octobre 1945 sur la sécurité sociale), et le dernier renvoie au développement des services publics (d’éducation notamment).

 

Si l’objectif de cohésion sociale leur est commun, les modalités pour l’atteindre diffèrent selon les pays. La typologie d’Esping-Andersen est généralement mobilisée pour rendre compte de cette diversité à travers trois modèles dont le critère principal de différenciation est le niveau d’indépendance du régime de protection sociale par rapport au marché.

Le modèle libéral (Etats-Unis, Grande-Bretagne) se limite aux plus démunis et n’intervient qu’en complément du marché dans l’allocation des ressources.

Le modèle social-démocrate (Pays scandinaves) fournit à l’ensemble de la société un niveau élevé de protection sociale, la place laissée au marché étant la plus faible des trois modèles.

Enfin, le modèle corporatiste (Allemagne, France) est fondé sur le travail salarié et les cotisations sociales qui déterminent les droits sociaux (système d’assurance), des prestations minimales sous condition de ressources pouvant être versées à ceux dont le travail ne permet pas d’accéder à cette protection (système d’assistance).

 

C. L’Etat social se transforme

Dans un contexte de raréfaction des ressources publiques, l’Etat social est entré dans un processus de rationalisation induisant une réduction du périmètre de l’Etat et un transfert au secteur privé d’une partie de la protection sociale.

 

Selon Bruno Palier, cela se traduit notamment par une dualisation du système de protection sociale : assurés d’un côté et bénéficiaires de la solidarité de l’autre. Le recul de l’assurance et le ciblage sur les plus démunis peut avoir un effet négatif sur la cohésion sociale en induisant des tensions entre « assurés » et « assistés » soupçonnés de profiter du système sans vouloir dépasser leur situation.

 

Des mesures d’activation sont mises en place afin d’inciter les bénéficiaires de l’assistance à la reprise d’un emploi. C’est dans cette logique que le revenu minimum d’insertion (RMI créé en 1988) a été remplacé par le revenu de solidarité active (RSA) en 2009 qui permet d’accorder un complément de revenu aux travailleurs pauvres tout en maintenant un revenu minimum pour ceux qui ne travaillent pas.

 

Pour autant, l’évolution des dispositifs ne permet pas de faire reculer significativement la pauvreté et d’enrayer les processus d’exclusion. De plus, les individus qui ont recours aux services sociaux sont victimes de ce que Serge Paugam nomme la disqualification sociale, processus selon lequel la dépendance à l’égard des dispositifs d’aide sociale peut mener à une stigmatisation de ceux qui en bénéficient, induisant un sentiment de honte et de rejet qui peut mener à une rupture du lien social entraînant misère et marginalisation.


27/10/2014
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8.2 Les formes institutionnelles de l'ordre politique

Dossier 8.2. Quelles sont les formes institutionnelles de l’ordre politique ?

A. Le développement de l’Etat de droit

Lors de son émergence, l’Etat était avant tout un instrument efficace de gestion des ressources du territoire et de la population : lever l’impôt et organiser l’armée. La progressive démocratisation des institutions politiques va inciter les gouvernants à développer des mécanismes qui encadrent le caractère oppressif de l’Etat (garanties en matière de droits de l’Homme) et assurent aussi que les institutions étatiques ne peuvent échapper aux règles de droit.

 

En effet, si nous sommes supposés égaux devant la loi, l’Etat lui-même et ceux qui lui donnent corps (gouvernements, hauts fonctionnaires) doivent se plier aux exigences de la Constitution et de la loi.

 

C’est pour cela que se sont développées des institutions, normes et procédures en charge de garantir les droits des citoyens contre une éventuelle oppression étatique ou encore ayant pour but de vérifier que l’Etat prend des décisions qui se conforment aux propres règles qu’il édicte:

 

a) Il en va ainsi du contrôle de constitutionnalité, pratiqué dans de nombreux Etats. Il consiste à vérifier que les lois sont en conformité avec la norme suprême, la Constitution. Adopté tardivement en France (Constitution de 1958), ses modalités ont évolué avec le temps. En effet, il ne pouvait à l’origine s’exercer qu’avant la promulgation d’une loi (une loi déjà promulguée et anti-constitutionnelle ne pouvait être abrogée par les juges constitutionnels). Seules des autorités politiques (Président de la République, Premier ministre, Président du Sénat, Président de l’Assemblée nationale) avaient le droit d’effectuer la saisine du Conseil, ce droit ayant été ouvert aux minorités parlementaires et sénatoriales en 1974. Le citoyen ne peut donc pour l’instant intervenir dans le processus de contestation d’une loi non promulguée.

 

Cependant, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a mis en place la « question prioritaire de constitutionnalité ». Ainsi, le nouvel article 61-1 dispose que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Le deuxième alinéa de l’article 62 prévoit désormais qu’une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

Ce rappel des transformations du contrôle de constitutionnalité en France montre de quelle manière l’Etat de droit semble s’y étendre.

 

b) Par ailleurs, de nombreuses autres institutions existent, qui ont pour but premier la protection des citoyens contre les abus des pouvoirs publics. Ainsi la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), instituée par la loi du 6 janvier 1978 est chargée de veiller à ce que l’informatique soit au service du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni à l’identité humaine ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle examine les projets de lois et de décrets qui émanent de l’exécutif et ont trait à l’usage des données personnelles. Elle permet aussi aux citoyens qui le désirent d’accéder aux fichiers intéressant la sûreté de l’Etat, la défense et la sécurité publique, notamment ceux des renseignements et de la police judiciaire.

 

Cependant, le processus de construction de l’Etat de droit ne peut être considéré comme achevé. En effet, il reste de nombreuses procédures qui font des détenteurs de positions d’autorité politique des justiciables particuliers. Le cas de l’ « immunité présidentielle » en cours de mandat en est une illustration forte.

B. Des organisations territoriales variées

L’organisation territoriale du pouvoir au sein d’un Etat peut connaître d’importantes variantes. Nous examinerons dans un premier temps la distinction entre Etats fédéraux et Etats unitaires, avant de nous pencher dans un second temps sur les différences entre Etats unitaires centralisés et Etats unitaires décentralisés.

 

a) Un Etat fédéral reconnaît en son sein l’existence d’entités territoriales (Etats fédérés pour les Etats-Unis d’Amérique, Länder pour l’Allemagne par exemple) pouvant légiférer. En effet, dans un Etat fédéral, la Constitution fédérale définit des domaines de compétences dans lesquelles il revient soit à l’Etat central de voter les lois, soit à l’échelon local.

                Prenons le cas de l’Allemagne. L’Etat fédéral (le Bund) légifère de manière exclusive (c’est-à-dire, sans partager sa compétence avec une entité locale) en matière de défense, de politique étrangère, de droit de la nationalité, de commerce international. Les Länder légifèrent exclusivement dans les domaines de l’éducation, de la culture et de l’organisation communale.

 

Pourquoi certains Etats ont-ils opté pour une organisation fédérale ? Deux grandes voies mènent au fédéralisme : l’association ou la dissociation. Dans le cas de l’association, on assiste historiquement au processus de rapprochement d’Etats anciennement souverains qui acceptent de transférer une part de leur souveraineté à un échelon territorial supérieur. La Suisse et les Etats-Unis d’Amérique ont connu ce mode de construction. Dans le cas de la dissociation, l’organisation fédérale résulte de la transformation d’un Etat anciennement unitaire, qui finit par transférer des pans de souveraineté à des échelons locaux. On retrouve ici le processus à l’œuvre en Belgique.

 

b) Un Etat unitaire est donc, par opposition, un Etat qui maintient l’indivision territoriale de l’exercice du pouvoir législatif. Mais si tous les Etats unitaires se caractérisent par le monopole étatique de la fonction législative, l’organisation territoriale des pouvoirs peut tout de même y prendre des formes diverses.

 

Deux grandes catégories d’Etats unitaires existent : les Etats unitaires centralisés (de plus en plus rares) et les Etats unitaires décentralisés. Pour comprendre la différence entre ceux-ci, il nous faut revenir à la définition de ce qu’est le pouvoir réglementaire.

 

Il existe de nombreuses règles de droit. Toutes n’ont pas la même force juridique : il y a donc hiérarchisation de ces règles.

                En laissant de côté la question des traités internationaux, la norme suprême du droit est la Constitution. Elle organise le fonctionnement général des institutions politiques et établit notamment les conditions dans lesquelles la loi doit être élaborée.

                Les lois constituent, en termes de force juridique, le deuxième échelon des normes juridiques. Elles font toujours intervenir dans leur conception les assemblées parlementaires (Assemblée nationale et Sénat), si l’on exclut le cas particulier du référendum. Au-dessous de la loi, subordonné à elle, s’étend le champ du règlement.

                Les règlements sont des actes juridiques pris par le pouvoir exécutif (il peut s’agir par exemple de décrets).


 

Dans un Etat unitaire centralisé, le pouvoir réglementaire est uniquement aux mains de l’Etat. Dans un Etat unitaire décentralisé, le pouvoir réglementaire est divisé entre l’Etat et d’autres entités, comme par exemple les collectivités territoriales. Celles-ci disposent donc d’une autonomie de décision, mais toujours dans la limite du respect de la loi.

 

La France est un cas typique d’Etat unitaire très fortement centralisé s’étant transformé en Etat décentralisé.

                Héritière d’une tradition monarchique fortement centralisatrice, perpétuée par le jacobinisme républicain, la France n’a pendant longtemps connu qu’un système unitaire et fortement centralisé. Cela a fortement évolué depuis les lois de décentralisation, qui ont organisé un transfert d’attributions du pouvoir central au profit d’entités locales, juridiquement distinctes de l’Etat et dotées d’organes élus par les citoyens concernés.

                Ainsi, la loi du 2 mars 1982 permet aux communes, départements et régions de disposer de leurs propres organes délibérant et exécutif élus, de leur propre budget. Les décisions prises par les collectivités locales sont exécutoires de plein droit : l’Etat central ne peut les autoriser ou interdire a priori.

C. Au-delà de la démocratie représentative

Selon le philosophe Jean-Jacques Rousseau, il ne peut y avoir de démocratie véritable que par le truchement d’un gouvernement direct. En effet, la souveraineté appartient au peuple qui ne doit pas la déléguer. Si nous suivons Rousseau, il ne peut y avoir démocratie que lorsque que le peuple prend directement les décisions politiques. Le philosophe considère donc le principe de la représentativité (selon lequel le peuple souverain délègue son pouvoir de décision à des représentants) incompatible avec celui de la démocratie comme il l’entend.

 

Cependant, Rousseau comprend lui-même que la démocratie directe qu’il évoque dans Du Contrat social (1762) est impossible à mettre en place pour des ensembles humains importants, et qu’encore, il faudrait avoir affaire à un « peuple de dieux » pour qu’elle fonctionne.

 

La démocratie représentative est le modèle de démocratie pragmatique qui va se développer au cours des XIXème et XXème siècles. Le principe en est simple : les citoyens choisissent, par le biais du vote, des représentants. Ces derniers siègeront effectivement dans les organes décisionnels. Ils sont contrôlés par les citoyens en remettant en jeu leur siège de manière régulière.

 

Cependant, cette approche, qui a constitué la base de la construction des régimes politiques démocratiques tels que nous les connaissons, fait l’objet de critiques de plus en plus en nombreuses. Par le biais de sondages, par la montée de l’abstention aux élections politiques, il a été diagnostiqué que choisir des mandataires ne comblait pas entièrement les attentes citoyennes. En effet, des reproches ont été adressés à l’impression de reproduction du milieu des élus, au détachement de ces professionnels du politique vis-à-vis des problèmes « réels » des citoyens.

En réaction, un certain nombre de mesures ont été expérimentées :

 

a) La plus ancienne est celle du recours à des formes de démocratie directe, d’appel à l’expression du citoyen, sans en passer par les élus. C’est le cas du référendum, qui consiste à poser une question fermée aux citoyens. Seulement, le texte sur lequel les individus sont appelés à voter n’a pas été élaboré par le peuple, il n’y a pas de changements, d’amendements qui puissent y être apportés. La pratique référendaire a ainsi été à plusieurs reprises critiquée pour son aspect démagogique : ce qui est recherché, c’est la légitimation par l’onction populaire.

 

Ainsi, d’autres procédures sont en train de se développer, qui visent à renouer un lien plus nourri entre le citoyen et la prise de décision. Quelles sont les modalités de cet « adoucissement » de la logique représentative ?

 

b) La démocratie participative emprunte à la fois à la démocratie directe et à la démocratie représentative. A la démocratie directe, elle reprend l’idée d’une intervention sans intermédiaire du peuple dans la prise de décision politique. A la démocratie représentative, elle emprunte la capacité à formuler des projets construits. En effet, contrairement aux procédures de démocratie directe, souvent protestataires et limitant l’intervention du peuple à un simple acquiescement/rejet d’un projet présenté « clé en mains » par les pouvoirs publics, la démocratie participative met l’accent sur la délibération.

 

Pour le philosophe Alain, « ce qui définit la démocratie, ce n’est pas l’origine des pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants ». La démocratie participative permet d’éviter que les citoyens  se contentent de n’intervenir sur les gouvernants qu’au moment des élections. Les citoyens sont en effet incités à agir dans la sphère publique de manière régulière, sans tomber dans le travers du « Vote et tais-toi ! » inhérent à la démocratie représentative.

 

Quels intérêts peuvent trouver les gouvernants à organiser des procédures de prise de décision qui les dépossèdent d’une part de leurs pouvoirs ?

Les procédures relevant de la démocratie participative permettent en premier lieu d’aboutir à des décisions dont la légitimité est peu contestable. En effet, si le peuple élabore sans intermédiaires un projet, ce dernier ne pourra être considéré comme ayant été bâti sans son accord. En second lieu, cela permet ainsi de réduire les risques de contestation populaire.

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27/10/2014
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Dossier 8.1. Pourquoi un ordre politique ?

A. De la féodalité à l'Etat-moderne

La féodalité était une forme d’organisation politique et sociale caractérisée par un partage du pouvoir souverain en principautés et fiefs gouvernés par des seigneurs et leurs vassaux. Le pouvoir était traditionnellement lié à la personne physique qui le possède (chefs de guerre, grands féodaux, rois, etc.). Un mariage sans descendance mâle, une guerre perdue ou une contestation des descendants modifiaient le titulaire et la nature du pouvoir.

               Face à une société fractionnée en seigneuries, il appartiendra au pouvoir royal d’imposer un nouvel ordre politique autour de nouvelles pratiques d’allégeances. On observe donc à ; la fin du Moyen-âge une centralisation du pouvoir politique. Les principales « maisons » puis « la maison de France » peuvent revendiquer avec succès de nombreux monopoles économiques, politiques ou symboliques.

               L’autorité des Capétiens s’impose, souvent par la guerre, aux dynasties rivales et à la papauté. Le roi impose la justice royale dans les conflits entre vassaux et seigneur, prélève des taxes nouvelles et généralise les prélèvements fiscaux réguliers qui permettent de financer une armée de professionnels. Il s’impose donc comme pouvoir suprême, voire divin.

               A partir de la fin du XVe siècle, l’État est devenue une réalité indépendante du souverain. Accumulation, unification et concentration de ressources territoriales, militaires, juridiques et financières renforcent un monopole de domination de type étatique. Au XVIe siècle, la sphère des activités politiques se distingue des pouvoirs religieux. La séparation du pouvoir temporel et du spirituel et l’esprit des Lumières transforment profondément l’ordre politique. La source de tout pouvoir va progressivement résidé dans le peuple qui, par l’intermédiaire de ses représentants, organise l’État au service du bien public.

 

B. L’évolution de l’État dans le monde occidental.

L’État est une forme d’organisation du pouvoir politique. Un État est une collectivité qui se compose d’un territoire, d’une population et d’un pouvoir politique organisé. Sur le plan juridique, l’État est la personne morale de droit public qui représente une collectivité, un peuple ou une nation, à l’intérieur ou à l’extérieur d’un territoire déterminé sur lequel elle exerce le pouvoir suprême par le biais d’un gouvernement qui administre un certain nombre de monopoles, via un appareil administratif nommé « bureaucratie ». D’une manière plus large, l’État est l’ensemble des administrations, déconcentrées ou décentralisées, qui assurent le fonctionnement du pays (ministères, préfectures, administrations, etc.).

 

Pour Max Weber, c’est d’abord le « monopole de l'exercice de la violence physique légitime » qui le caractérise : c'est-à-dire qu'à travers l'armée, la police ou la justice notamment, lui seul a le droit d'user de la contrainte par la force sur un territoire donné en vue d'y maintenir l'ordre. Ces fonctions dites régaliennes ne sont cependant pas les seules qu'il peut accomplir, au cours de l’histoire son rôle a évolué dans la fourniture de services publics, auxquels il est reconnu collectivement que tous les citoyen-ne-s doivent pouvoir accéder, notamment l'éducation, ainsi que dans la régulation de l'économie, afin, en particulier, de juguler le chômage et de favoriser le bien-être de la population. Ces fonctions et leur hiérarchisation ne sont pas données une fois pour toutes, mais évoluent au fil des temps et des lieux et surtout des aspirations des citoyen-ne-s que l’appareil d'État est censé servir. De manière générale, comme l'a remarqué l'économiste Adolph Wagner, plus la prospérité d'un pays augmente et plus les dépenses – et donc l'intervention- de l’État y sont élevées.

 

La souveraineté est la qualité d’un État qui n’est soumis à aucune puissance extérieure ou intérieure. Ainsi, l’État conduit les relations extérieures, garantit l’organisation de la justice, assure la direction de l’économie, de l’éducation. Il peut aussi, lorsqu’il se veut Providence, participer plus largement à la production de services sociaux via une plus grande redistribution des richesses, etc. Cependant, un État peut transférer certains de ses pouvoirs à des organisations internationales ou à d’autres États. Mais le transfert de souveraineté est volontaire. La France, par exemple, a transféré sa souveraineté monétaire à la Banque centrale européenne.

Toutefois, on doit distinguer État et nation. Le premier ayant une dimension juridique et institutionnelle, le second une dimension psychologique et culturelle. L’État moderne s’est construit parallèlement à l’affirmation de la nation.  

 

 C. Construction étatique et construction nationale

 

Les définitions de la nation sont diverses voire contradictoires. On peut opposer une conception élective de la nation, comme celle d’Ernest Renan présentée dans sa conférence à la Sorbonne (1882), qui met l’accent sur la volonté, le « désir de vivre ensemble », à une conception ethnoculturelle de la nation, qui la fonde sur des caractéristiques plus objectives comme la langue, la religion, la culture, etc. On peut de manière synthétique définir la nation  comme un groupement d’individus ayant entre eux des éléments communs à la fois objectifs (langue, mode de vie, attitude face à la religion, etc.) et subjectifs (histoire commune, sentiment communautaire, désir de vivre ensemble, etc.) qui les unissent. Le droit du sol est lié à la conception élective, tandis que le droit du sang est lié à la conception ethno-culturelle.

 

 En France, comme en Angleterre, l’action centralisatrice et unificatrice du pouvoir royal a contribué à l’émergence de la nation. Le sentiment national s’est lentement diffusé au sein de la population. Dans d’autres pays, l’idée de nation s’est développée en l’absence d’un cadre étatique unitaire. En Allemagne, la langue et la culture communes ont favorisé l’essor de l’idée de nation allemande avant l’unité politique (1871).

 

L’État-nation est un État dont la population forme une nation : la frontière de l’un et de l’autre coïncide. Toutefois, le sentiment d’appartenance à un groupe n’épouse pas toujours les institutions souveraines :

-         une nation peut ne pas disposer d’un État (les Palestiniens, les Kurdes) 

-         un État peut comprendre plusieurs nations (Espagne, Allemagne, Suisse, Royaume-Uni).

 


15/09/2014
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