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4.2. La socialisation politique

A. L'importance de la socialisation politique dans l'identification partisane 

Les attitudes politiques, c'est-à-dire à la fois les comportements politiques (s’inscrire ou non sur les listes électorales, s’abstenir ou participer, voter pour tel ou tel candidat) et les opinions politiques (valeurs qu’ils partagent, jugements qu’ils expriment sur tel ou tel responsable politique) sont incorporées par les individus au cours des processus de socialisation politique.

 

La socialisation est un processus d’interaction sociale dans lequel les individus, engagés de façon active, apprennent et intériorisent les normes et les valeurs de la société à laquelle ils appartiennent, et construisent leur identité sociale.  Elle se déroule tout au long de la vie. La socialisation politique désigne plus précisément l'acquisition de compétences à la fois techniques (connaissance des institutions), politiques au sens strict (acceptation et capacité à se situer politiquement sur un axe gauche- droite) et enfin sociales (intérêts pour la politique et engagements).  

 

  La famille, l’école, les médias, les religions, le militantisme syndical ou politique, les organisations culturelles et sportives sont les agents de socialisation qui participent à la socialisation politique. 

 La socialisation primaire s’effectue pendant l’enfance, principalement dans le cadre de la famille, mais aussi de l’école et du groupe de pairs ou des médias. La famille joue un rôle primordial : les deux tiers des Français votent comme leurs parents selon une enquête du CEVIPOF, menée en juin 2011. Par leur proximité quotidienne, par l’intermédiaire des échanges affectifs et des discussions plus fréquentes, les mères participent plus activement que les pères à la socialisation politique de leurs enfants. 

 

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La famille fournit les premiers repères et joue un rôle décisif sur la formation des choix ultérieurs, tandis que l’école (enseignants, savoirs transmis ou groupe de pairs) joue un rôle bien moindre. La primauté de la famille repose sur une intériorisation précoce, inconsciente et diffuse, plus par imprégnation que par inculcation. Ce mécanisme est d’autant plus efficace qu’il s’avance masqué.

 

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B. L'influence de la socialisation primaire en débat

 Selon Bourdieu, les compétences politiques sont socialement distribuées dans la société car elles vont dépendre du capital culturel et du capital social des familles dans lesquels les individus évoluent. Par exemple, plus les connaissances sur le système et la vie politiques sont grandes, plus les relations sociales sont intenses et plus la participation politique sera importante. Très tôt les préférences politiques des enfants sont organisées en termes de préférences partisanes qui auront une grande stabilité au cours de la vie. L'identification à un parti commence jeune et structure l'ensemble des attitudes politiques tout au long de la vie. 

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La reproduction familiale des préférences partisanes est cependant un modèle critiqué. Annick Percheron dans « La socialisation politique » (1985) insistera sur le fait que les compétences politiques peuvent être acquises dans tous les milieux sociaux. Il y a une grande plasticité qui se traduit par l'acquisition de compétences politiques tout au long de la vie. Par ailleurs, il faut aussi pour comprendre la formation des habitus politiques prendre en compte l'existence d'un capital politique, un enfant de syndicaliste, faisant partie de la classe ouvrière vit un processus de socialisation politique plus intense qu'un enfant de classe moyenne dont les parents ne sont pas politisés. 

Par ailleurs, les enfants peuvent être confrontés à des situations où il existe une dissonance de positions politiques entre les membres de leur famille. Les enfants ne reproduisent en fait majoritairement les opinions et les comportements politiques de leurs parents que si l'intérêt des parents pour la politique est fort, si les préférences politiques des parents sont marquées et si les parents ont des choix homogènes. Les préférences idéologiques des jeunes  sont d’autant plus influencées que les deux parents ont les mêmes opinions affirmées.

 

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Film : Famille, dispute et politique / 2012 Réalisation Anne Muxel

 

Q1. Quels sont les éléments favorables à la reproduction des opinions politiques des parents ? 

Q2. Quelle est la spécificité de la transmission maternelle de la politique ?

Q3. Y a t-il une tendance à l'homogénéité des choix politiques dans le couple ? Pourquoi ?  

Q4. Quelles sont les causes des disputes familiales autour de la politiques ? 

Q5. Pourquoi le sujet de la politique s'est-il dédramatisé ? 

 

L’identification à un parti politique comporte trois éléments : l’individu se reconnaît dans celui-ci et attend de lui qu’il défende ses intérêts ou ses opinions ; il manifeste à son égard un attachement affectif ; il s’approprie quotidiennement les cadres de pensée et les jugements de ce groupe de référence, selon une logique graduée qui va de la simple influence à l’allégeance partisane, en passant par l’adoption d’une lecture idéologique de tous les problèmes sociaux.

Des travaux en psychologie cognitive ont montré que face à la multitude et à la complexité croissante des enjeux collectifs, le citoyen recourait fréquemment à des raccourcis qui permettent d’émettre des jugements politiques, en minimisant la quantité d’informations et d’énergie mobilisée. Ainsi, l’étiquette partisane fait adopter les jugements du parti auquel appartient un candidat apprécié.

C. Le rôle de la socialisation secondaire

Le positionnement au sein du clivage gauche/droite peut être acquis assez tôt, en termes d’attitudes. En revanche, l’identification partisane qui désigne stricto sensu est beaucoup plus floue. Se sentir proche d’un parti nécessite d’autres séquences de socialisation (empruntées largement à la socialisation secondaire) ayant trait à une meilleure connaissance des jeux et enjeux politiques et tout autant à des expériences pratiques comme la participation à une manifestation par exemple, même si le lien entre comportement reconnu politiquement comme tel et orientation partisane n’est pas mécanique. Les positions partisanes peuvent évoluer au cours de la vie en fonction des expériences politiques que l'individu rencontre et du contexte général de la vie politique.

 

La socialisation secondaire se fait en interaction, au contact avec d’autres individus (conjoint, collègues de travail, amis...) et des réalités économiques, sociales et politiques. Elle peut transformer le regard de l’individu sur la politique et l’amener à ajuster ces normes et ces valeurs acquises dans l’enfance à la réalité nouvelle. On peut distinguer 3 effets : un effet de trajectoire, un effet de génération et un effet d'âge.

- Une trajectoire sociale ascendante peut induire un changement de préférence partisane si l'individu adhère aux valeurs politique de son nouveau groupe d'appartenance. Une mobilité sociale descendante peut amener les individus à se tourner vers des partis ayant des positions plus radicales sur questions liées à l'immigration ou au partage des richesses par exemple. 

- Le contexte politique : les évènements politiques peuvent notamment conduire à la construction de nouvelles dispositions politiques comme l’a montré Annick Percheron, et créer ainsi un effet de génération qui contribue à expliquer l’évolution des attitudes politiques (La Seconde guerre mondiale, Mai 68, dans une moindre mesure le mouvement lycéen de 1986, le CPE...). Dans « L’expérience politique des jeunes » (2001), Anne Muxel montre que la participation à des mouvements étudiants-lycéens en 1986 a des répercussions sur l’activité politique des individus dix ans plus tard. La « conjoncture historique et politique a donc aussi un rôle actif dans la construction de l’identité politique ».

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- L’âge : les années de jeunesse, de 18 à 25 ans, « moratoire électoral », se caractérisent par une faible participation à la vie politique conventionnelle. En revanche, leur participation protestataire est plus forte et leur intérêt pour la politique s’accroît depuis les années 1990 mais elle est très fortement corrélée au niveau du diplôme.

 


Gabriel Almond et Sydney Verba démontrent la corrélation très forte entre l’intérêt pour la politique et le niveau d’étude et le taux d’exposition aux médias des individus interrogés. L’attitude au politique est essentiellement déterminée à l’âge adulte et en fonction du niveau éducatif et de compétence professionnelle de l’individu.

 

D. Le rôle des médias

Les avis de spécialistes divergent sur la question de l’influence des médias sur le processus de socialisation politique. Le politologue Thierry Vedel distingue trois séries d’études.

 

- Un premier diagnostic, développé par des chercheurs américains entre 1950 et le début des années 1970, insiste sur la faible influence des médias : les électeurs s’intéressent peu aux campagnes électorales et l’influence des médias est filtrée par l’entourage selon le mécanisme de la  two-step flow communication (Paul Lazarsfeld et alii, The People’s Choice, 1948, Columbia U. Press) ; l’adhésion durable à un parti politique est beaucoup plus conditionnée par les traditions familiales que par la couverture temporaire des médias (modèle de l’université du Michigan); les électeurs sélectionnent les médias consommés en fonction de leurs opinions, et ont une perception et une mémorisation sélective de l’information.

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- Un second diagnostic, depuis le milieu des années 1970, présente l’influence des médias comme étant forte mais négative : une série d’études américaines a mis en relief la présentation dramatisée, spectaculaire et focalisée sur les sondages du discours politique, mais aussi le fait que cette image négative de la vie politique favorisait le cynisme et le désengagement civique des citoyens (Robert Putman, Bowling Alone, Simon & Schuster, 2000). Parallèlement, en France, une série d’études empiriques se sont donné pour tâche de reconstruire le « spectacle » subi par le téléspectateur : un formatage du débat politique par la télévision, qui appelle des stratégies en réponse des hommes politiques (contrôle de l’agenda des médias, recours à des « spin doctors », story-telling etc.)

 

 

 

Q1. Quelle est la différence entre spectaculaire concentré et spectaculaire diffus chez Gui Debord ? 

Q2. Qu'est ce que l'imposture de la satisfaction ? 

Q3. Que cache fondamentalement le spectacle ? 

Q4. Quelles sont les implications de l'abolition de l'espace géographique et du temps des voyages par le commerce ? 

 

- Depuis une quinzaine d’années, un troisième diagnostic considère les citoyens plus comme sujets communicants que subissant passivement le prisme déformant des médias. Les citoyens américains s’exposeraient rarement à des opinions adverses lors des conversations – essentielles à la formation de la culture politique – avec leur entourage, contrairement aux citoyens européens qui admettraient plus facilement la contradiction. Mais dans tous les cas, l’appartenance à un réseau social homogène renforce l’impact des messages médiatiques compatibles avec les orientations du groupe, alors que l’appartenance à un réseau hétérogène favorise un regard critique sur les médias et tend à diminuer la polarisation gauche-droite des comportements politiques (Thierry Vedel, Les médias, la communication et la science politique, Les Cahiers Français n° 350, La Documentation Française, mai-juin 2009).

 

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Q1. Définir : identification partisane, attitude politique, socialisation politique

Q2. Pourquoi la famille joue-t-elle un rôle plus important que l'école dans la socialisation politique ?

Q3. Pourquoi Annick Percheron conteste t-elle l'analyse de la reproduction familiale des préférences politiques ?

Q4. Quelles sont les conditions pour qu'un enfant reproduisent les opinions politiques de ses parents ?

Q5. Le mouvement social anti loi Khomry peut-il créer un effet de génération ?

Q6. Quelles sont les caractéristiques des jeunes de 18-25 ans ?

Q7. Qu'est ce que le mécanisme de la two step flow communication ?

Q8. Les réseaux sociaux jouent-ils un rôle dans la socialisation politique ? 

 

 

 



02/03/2016
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