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5.2. Les dimensions individuelles et collectives de l’action de protestation politique

A . Les répertoires d’action collective évoluent au cours du temps

 

La notion de répertoire d’action collectives fait référence aux travaux de Charles Tilly qui a montré les différences qui peuvent opposer de façon tranchée les façons de faire des contestataires des XVIIe et XVIIIe siècles à celles des contestataires des XIXe et XXe siècles et de regrouper les moyens d’action dont ils se servent pour s’exprimer et exprimer leurs revendications, leurs peurs, leurs haine… Aux mouvements spontanés et locaux des sociétés traditionnelles, se sont ajoutés des actions collectives plus nationales comme les grèves encadrées par les syndicats et cherchant à faire pression sur l’Etat au XIX, puis au XXeme siècle des actions ciblées et symboliques organisées par des associations agissant en réseau.  La notion de répertoire d’action collectives permet de montrer que chaque groupe social maîtrise un certain nombre d’actions (pour des sans papiers par exemple, manifester ne va pas de soi ; pour des prostituées non plus), que ses actions permettent de mettre en scène une identité spécifique (LGBT par exemple) et pour finir que les ressources dont disposent les groupes sociaux sont différentes.

 

Les actions qualifiées de « non conventionnelles » ou «protestataires» , obéissent à une autre logique que celle de la participation électorale. Selon Sandra Laugier, dans ce type d’action, le citoyen reprend sa voix, que ce soit de façon individuelle (pouvoir parler en son nom propre au travers d’un blog, d’une tribune dans la presse…) ou collective au travers de formes de protestation collective (intermittents du spectacle qui défendent leurs droits en se montrant nus sur les toits de l'opéra, permettant de rappeler aux représentants qu’on ne leur a pas donné « un chèque en blanc ». Ce sont des actions directes, qui mettent face à face les citoyens et les détenteurs d'un pouvoir quel qu'il soit, sans passer par la médiation des élites et les canaux habituels de la démocratie représentative.

                  Faire grève, manifester, occuper des locaux professionnels, bloquer la circulation, séquestrer son employeur sont des actions collectives, qui mobilisent ensemble des groupes de citoyens plus ou moins nombreux. Ce sont des actions revendicatives, défendant une cause ou des intérêts communs. Ce sont des actions autonomes et expressives qui échappent largement à la contrainte d'un cadre juridique et institutionnel (militants antipub qui détournent les affiches publicitaires dans les couloirs de métro). L’initiative en revient aux individus, qui en définissent le moment, les modalités et les objectifs. Ce sont des actions contestataires, dirigées contre le pouvoir en place, la politique qu'il mène, ou toute autre cible (jeunes portant des masques blancs sur les plateaux de télévision pour dénoncer la situation faite aux stagiaires dans les entreprises). Elles peuvent éventuellement, mais non  nécessairement  déboucher  sur  des  actions  illégales (manifestation  ou  grève interdite  désobéissance  civile),  voire  violentes  (affrontement  avec  les  forces  de  l'ordre,  barricade  pillage, enlèvement…). Ce sont enfin des actions publiques, qui se donnent à voir et leur publicité est généralement une des conditions de leur succès.

Les militants d’aujourd’hui ont un niveau de diplôme élevé et une connaissance des médias. Les trois fondateurs d’Act Up à la fin des années 1980 étaient journalistes. Ce qui se joue également dans l’émergence de formes d’action misant sur le spectaculaire et la communication, c’est la question de la précarité de ces diplômés. Si les réseaux sociaux (numériques) ne constituent pas une vraie innovation dans les formes d’action militantes, ils permettent d’accentuer des modes d’actions préexistants plutôt que de réellement innover : par exemple, Act Up a beaucoup utilisé le minitel ; et RESF les fax des préfectures.

 

B. Quelques exemples : grève de la faim, boycott, et attaques informatiques.

 

Il existe de nombreuses formes moderne de l’action protestataire non conventionnelle individuelles comme la grève de la faim ou le boycott mais aussi des formes collectives.

La grève de la faim permet de dénoncer des injustices face à un public. La souffrance mise en scène va à la fois susciter un public et son apitoiement humanitaire, son indignation, et symboliser la violence infligée par l'adversaire politique, souvent l'Etat, qui emprisonne ou refuse de régulariser. La souffrance physique du gréviste atteste de l'authenticité de son engagement et de la légitimité de ses revendications. Le risque corporel témoigne de la sincérité du protestataire, cela montre qu'il croit réellement à la cause qu'il défend.

Le boycott consiste à ne pas acheter un bien pour protester contre les pratiques de l’entreprise ou du pays qui le produit et le buycott  à acheter un bien plutôt qu’un autre pour promouvoir une cause. Ce sont les deux pratiques devenues incontournables de la consommation engagée. Selon l’enquête European Social Survey de 2002-2003, 17,4 % des Européens ont boycotté des produits et 24,3 % en ont acheté pour des raisons politiques, morales ou environnementales, sans pour autant qu’il soit affilié à une organisation, partisane ou associative. Ces résultats invitent à voir dans la consommation engagée une forme de participation politique individualiste qui trouve son ressort dans l’adhésion à des valeurs, refusant d’indexer leur conduite sur des directives d’un parti politique ou d’une Église, ils puisent leur activisme dans un sentiment de responsabilité individuelle à l’égard du monde ainsi que dans une confiance dans les conduites d’autrui.  

                  Les attaques informatiques menées au nom de la liberté d’expression et de la justice sociale sous l’étiquette « Anonymous » se multiplient. Anonymous est emblématique des mouvements de contestation qui s’étendent depuis 2011 aussi bien dans le monde arabe qu’en Europe et aux Etats-Unis.  D’un côté, des structures hiérarchisées, avec des dirigeants habilités à parler au nom de tous par des procédures de délégation de pouvoir, mais dont la légitimité a été affaiblie par la corruption, le favoritisme, le détournement des institutions. De l’autre, des collectifs délibérément dépourvus de chefs, qui rejettent le principe de la représentation au profit de la participation directe de chacun à des projets concrets. Leur diversité permet que la prise de décision se fasse par agrégation rapide de participants sur un sujet précis, plutôt qu’en dégageant une majorité officielle.

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  1. Quel est l’objectif de C.Tilly ? Réaliser une frise montrant l’évolution des répertoires d’action collective

  2. Pourquoi ces actions sont-elles appelées non conventionnelles ?

  3. Quelles sont les caractéristiques des participations non conventionnelles ? modalités d’action, fonction, type d’acteur, rôle des réseaux sociaux

  4. Pourquoi parle-t-on d'individualisation de l'action collective ?

  5. En quoi la grève de la faim est-elle un moyen d'action politique ?

  6. Distinguez boycott et buycott

  7. Quel est le mode de fonctionnement des mouvements comme Anonymous ?

 

 



19/03/2018
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