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7.2. Comment se construit l’action publique européenne ?

 

 A.          Le partage de compétence et le principe de subsidiarité

 

1.   La coexistence entre institutions européennes et Etats membres nécessite d’avoir une répartition des tâches entre chaque niveau institutionnel. Depuis le traité de Lisbonne, ce partage des compétences se décline en trois domaines :

                  Les compétences exclusives de l’Union, qui ont fait l’objet d’un transfert total des États membres à l’Union. Les Etats ont dû abandonner ou transférer une partie de leur souveraineté à l’Union dans un certain nombre de domaines (politique protectionniste, politique monétaire pour la zone euro…). Les Etats ont dû également se conformer aux normes européennes décrétées par l’Union (normes sur les produits, pacte de stabilité, reconnaissance des diplôme…). Les décisions de l’Union s’imposent aux Etats.

                  Les   compétences partagées entre les États membres et la communauté. Les Etats ont dû coordonner un certain nombre de leurs politiques pour favoriser l’harmonisation de l’Union (politique sociale, cohésion économique, sociale et territoriale, agriculture et pêche, environnement, protection du consommateur...).

                  Les compétences exclusives des États membres – où encore « retenues » – qui relèvent de la souveraineté des États membres sans ingérence possible de l’Union européenne même si l’Union peut leur apporter leur appui (l’ordre public, la santé, la protection sociale, droit du travail…).

 

article 5 du Traité instituant la Communauté européenne : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

 

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2.   Le transfert des compétences a été progressif. Il a d'abord concerné le domaine politique pour s'étendre, ensuite, au social et au politique. On peut noter quatre grandes étapes :

 

                  Le Traite de Rome de 1957, crée un Marché commun qui prévoit l'abolition des droits de douane à l'intérieur de la CEE et un tarif douanier commun à l'extérieur. La Communauté a donc compétence pour négocier des traités commerciaux et  pour fixer des mesures douanières. A cela s'ajoute des politiques communautaires : la CECA, l'Euratom et la PAC (politique agricole commune).

 

                  L'acte Unique européen du 12 mars 1985, prévoit un Grand marché unique pour 1992, ce qui suppose la libre circulation  des  biens,  des  personnes  et  des  capitaux.  La  Commission  va  donc  hériter  d'un  pouvoir réglementaire pour harmoniser les règlements, les législations, une partie de la fiscalité et les diplômes et contrôler la concurrence intérieure. A cela s'ajoute la mise en place de politiques en faveur de l'éducation, de la recherche et du transport : Eureka, Esprit,...

 

                  Le  Traité  de  Maastricht  de  1992,  crée  une  monnaie  unique  (UEM),  l'Euro,  pour  1999,  gérée  de  façon indépendante par une Banque centrale européenne, ce qui suppose une coordination accrue des politiques économiques et sociales. De plus, une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) est mise en place (Europol, accords de Schengen...).

 

                  Le Traité constitutionnel signé en 2007(ou Traité de Lisbonne) devait modifier l’organisation et les compétences des principales institutions de l’Union mais il a fallu deux votes de la population Irlandaise pour qu'il soit adopté et mis en œuvre le 1er janvier 2010. Ce traité prévoit notamment, l’élection d’un président du Conseil européen (pour deux ans et demi renouvelable une fois) confié à Herman Von Rompuy, la conduite de la politique étrangère et de sécurité par un Haut Représentant (Mme Ashton), l’accroissement des pouvoirs du Parlement européen (mais aussi la réaffirmation du principe de subsidiarité) et l’application contraignante d’une Charte des Droits fondamentaux. Il a donc plusieurs objectifs :

                  ·                Une Europe plus démocratique : en donnant plus de pouvoir au Parlement élu et une plus grande initiative aux citoyens (droit d’initiative populaire) ;

                  ·                Une Europe plus efficace : en mettant fin à la règle de l’unanimité qui bloque les décisions dans un certain nombre de domaines au profit d’une « double majorité » (55% des Etats + 65% de la population) ;

                  ·                Une Europe plus sociale : la charte des droits fondamentaux est insérée dans le traité et est obligatoire pour tous les Etats membres ;

                  ·                Une Europe plus forte sur la scène internationale avec une entité juridique et un représentant pour les affaires étrangères.

 

3.   L’union européenne, dans ses domaines de compétences, peut édicter des actes juridiques, qui viennent alors encadrer les actions publiques des Etats membres :

                  Le règlement est un acte juridique européen. De portée générale, il est obligatoire dans toutes ses dispositions : les États membres sont tenus de les appliquer telles qu’elles sont définies par le règlement. Par exemple, le règlement  « Reach » adopté  par  le  Parlement  européen et  le Conseil  en  2006  modernise  la législation européenne en matière de substances chimiques, et met en place un système intégré unique d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation des substances chimiques dans l'Union européenne.

                  La directive quant à elle est un acte juridique européen pris par le Conseil et le Parlement qui lie les États destinataires de la directive quant à l’objectif à atteindre, mais leur laisse le choix des moyens et de la forme pour atteindre cet objectif dans les délais fixés par elle. Les États membres doivent donc transposer la directive dans leur droit national. Il s’agit de rédiger ou de modifier des textes du droit national afin de permettre la réalisation de l’objectif fixé par la directive et d’abroger les textes qui pourraient être en contradiction avec cet objectif. La non-transposition d’une directive peut faire l’objet d’une procédure de manquement devant la Cour de justice de l’Union européenne (comme cela a été le cas avec la directive sur le contrôle de la dissémination d’OGM pour la France).

    Enfin, les recommandations et avis n'ont pas force obligatoire.

 

4.   Dans le domaine des compétences partagées, le principe de subsidiarité consiste à réserver uniquement à l’échelon supérieur (l’Union européenne), ce que l’échelon inférieur (les États membres, que ce soit au niveau central, régional ou local) ne pourrait effectuer que de manière moins efficace.  De manière logique, ce principe ne concerne pas les domaines relevant de la compétence exclusive de l’Union, ni ceux qui demeurent de la seule compétence des États. C'est donc, pour l'action publique, la recherche du niveau le plus pertinent et le plus proche des citoyens. Il conduit à ne pas faire à un échelon plus élevé ce qui peut être fait avec la même efficacité à un échelon plus bas. Le niveau supérieur n'intervient que si le problème excède les capacités du niveau inférieur (principe de suppléance). À cet égard, on peut noter que le Traité de Lisbonne (entré en vigueur le 1er décembre 2009) reconnaît aux parlements nationaux la compétence pour veiller au respect du principe de subsidiarité.

 Art 5 – « La Communauté n’intervient que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou de l’effet de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire »

 

5.   Avec la construction européenne, les Etats membres ont donc transféré une partie de leurs compétences nationales à l’Union, ce qui a des effets concrets sur la conduite de l’action publique, entendue comme l’ensemble des mesures engagées par les pouvoirs publics pour répondre à un problème social.

 

B. Une gouvernance multi-niveaux.

 

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1.   L'Union européenne ne constitue pas un Etat au sens classique du terme. Elle ne dispose donc pas d'un gouvernement en tant que tel. Pourtant, des lois sont élaborées (directives, règlements, recommandations) et sont exécutées dans de nombreux domaines

 

2   Loin d'être un système politique centralisé et pyramidal, l'Union Européenne oblige une pluralité d'acteurs (publics et privés), intervenant à différents niveaux (européen, national, régional, local) et dans différents secteurs d'activités à collaborer entre eux pour fabriquer les politiques publiques. On peut qualifier le mode de construction de l'action publique propre à l'Union Européenne de gouvernance multi-niveaux qui correspond à un processus de prise de décision qui consiste à organiser des partenariats entre les différents niveaux de responsabilité des pouvoirs politiques (locaux, régionaux, nationaux, européens) pour mettre en œuvre des politiques européennes. Celle-ci induit la responsabilité partagée des différents niveaux de pouvoirs concernés dans la formulation des politiques et de la législation communautaire par l’intermédiaire de différents mécanismes (consultation, analyses d'impact territorial, …), comme c’est le cas en ce qui concerne la politique commune de la pêche. La mise en œuvre de la gouvernance à multiniveaux repose sur le respect du principe de subsidiarité, qui évite que les décisions soient concentrées en un seul niveau de pouvoir et qui garantit que les politiques soient conçues et appliquées au niveau le plus approprié.

 

C. Quels sont les effets de l’européanisation de l’action publique ?

 

1.   L'Européanisation de l'action publique correspond à l’influence de l’intégration européenne sur les politiques et les acteurs nationaux. Elle s'effectue par différents vecteurs :

 

                  La constitution d'un agenda politique européen : alors qu'auparavant la formulation des problèmes dignes d'une action publique était essentiellement nationale, elle est de plus en plus transférée au niveau européen. C'est particulièrement clair pour la politique environnementale (imposée à l'agenda politique français par l'UE) et par la politique agricole (les réformes de la PAC rythment l'agriculture : lutte contre les excédents, prise en compte des conséquences environnementales...).

 

                  La primauté du droit européen : le droit européen encadre l'action des pouvoirs publics au niveau national. Le droit européen (les traités mais aussi les règlements, directives, et décisions) l’emporte sur toute disposition contraire du droit national : c’est le principe de primauté. C'est le cas dans les trois politiques publiques étudiées, qui sont fortement encadrées par le dispositif législatif et réglementaire européen. Ainsi, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour l’insalubrité de ses prisons. On considère que 37% de la législation nationale procèdent des règlements et directives européens.

                 

La socialisation européenne des acteurs : apprentissage de normes, de valeurs, de référentiels européens qui structurent les représentations des acteurs de l'action publique et sont mis en œuvre dans la construction des politiques publiques nationales. C'est le cas dans tous les domaines de politiques publiques concernés. En ce qui concerne la politique de l'immigration, les échanges entre policiers,  gendarmes et fonctionnaires des différents pays ont contribué à la constitution d'un référentiel commun.

 

2.   Le degré d’européanisation des politiques nationales n'est pas seulement déterminé par les traités européens et le partage des compétences. Le cas de la politique de l'immigration en témoigne, en effet il reste de la compétence exclusive des Etats Membres, mais est encadré par un un Pacte européen pour l’immigration et l’asile qui prévoit l’harmonisation des politiques d’immigration et d’asile au sein de l’Union européenne. Le degré d’européanisation connu par un secteur des politiques publiques dépend plutôt de la manière dont les acteurs de l’action publique nationaux s’engagent dans et « utilisent » l’intégration européenne.

 

 Q1. Citer une compétence exclusive de l’Europe, une compétence partagée et une competence exclusive des Etats membres

Q2. Quelles sont les apports du traité de Lisbonne ?

Q3. Qu’est ce que le principe de subsidiarité ?

Q4. Comment est organisée la gouvernance multi-niveaux ?

Q5. Quels sont les 3 effets de l’européanisation de l’action publique ?

Q6. Est-ce que l’européanisation de l'action publique conduit à une fin du pouvoir des Etats ? 

 

 



01/06/2016
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