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10.2. L’efficacité des politiques de réduction des inégalités en question

A. Les crises de l'Etat-providence rendent plus difficile la redistribution

Selon P. Rosanvallon, depuis 1970, le ralentissement de la croissance induit une crise de l'Etat providence qui se situe à 3 niveaux : une crise de légitimité, une crise  de solvabilité financière, et une crise d'efficacité 

        Le choix d'une justice sociale est toujours en fin de compte idéologique. Il y a un désaccord, les conflits sociaux le montrent, sur l'idéal égalitaire qu'il convient de poursuivre dans une société. Ainsi, à droite du champs politique, le libéralisme économique est un critère central qui pose que l'Etat doit prélever la fraction la plus faible possible des revenus issus de l'activi tout en garantissant égalité des droits et la libre concurrence. La révolution néo-libérale prend son essor dans les années 80 au Royaume Uni ( Thatcher) et aux Etats-Unis (Reagan) tout en puisant dans les travaux des auteurs économiques comme F. Hayek, Gary Becker et M. Friedman, va s'employer à remettre en cause la légitimité de l'Etat-Providence. Le néo-libéralisme est un ensemble de doctrines et d'institutions qui cherchent à promouvoir le marché comme unique forme d'allocation des ressources tout en critiquant toute forme d'intervention directe de l'Etat. Selon M.Foucault, le néolibéralisme est une technique de gouvernement qui étend la logique de marché à toutes les dimensions de la vie (on peut retrouver cet empire idéologique dans l'omniprésence de l'idée de gestion dans notre vocabulaire : gérer sa carrière, son corps, ses enfants etc.). On peut retrouver une critique similaire chez P. Bourdieu, selon lequel le néolibéralisme est une tentative de déconstruction de toutes les formes de collectifs et par conséquence l'extension d'une logique individualisme.  En prolongeant son analyse on peut comprendre pourquoi la légitimité du système de protection sociale est remise en question quand les individus ne veulent plus payer pour les autres, le chacun pour soi l'emporte alors sur la logique des communs et de la solidarité sociale.

 


 

Q1. Le néo-libéralisme est-il un processus d'organisation de la diminution du rôle de l'Etat ? 

Q2. Que veulent produire les néo-libéraux ? 

 

      Par ailleurs, la solvabilité du système de protection sociale est fragilisée par une croissance faible qui s'accompagne de nouvelles prises en charge pour lutter contre l’exclusion et la pauvreté. Il existe des facteurs structurels à la crise de solvabilité de l’État-Providence : l’accroissement de la prise en charge de la santé et de la vieillesse liés à l'augmentation du niveau de vie (la santé est un bien de luxe dont la consommation croît plus fortement que le niveau de vie)  et au vieillissement de la population. Depuis quarante ans, les déficits budgétaires et le « trou » de la curité sociale alimentent chaque année une dette publique de plus en plus importante. Celle-ci représente aujourd'hui en France l'équivalent d'une année de produit intérieur brut (PIB}, soit 2 000 milliards d'euros.

 

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Les orientations en faveur de politique de rigueur destinées à lutter contre les déficits n'est cependant pas une solution, car la contraction des revenus de transferts aggrave les inégalités
 en pénalisant les plus modestes dont les revenus risquent de baisser, ce qui accentue les écarts de revenus. C’est aussi le cas, si la réduction des dépenses affecte les services collectifs (Santé, Culture, Éducation, Transports), qui ont des effets redistributifs et assurent l’égalité d’accès à des services, jugés essentiels, que les plus modestes ne pourraient pas financer. Dans le même sens, les déremboursements de médicaments, la hausse des franchises médicales accroissent les dépenses de santé à la charge des mutuelles ou des patients. Les plus pauvres n’ayant pas les moyens de contracter une mutuelle, tout en dépassant le plafond pour bénéficier de la CMU complémentaire, renoncent aux soins. Les inégalités face à la santé s’accroissent alors. 

 

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La crise d'efficacité repose sur le fait que les inégalités résistent aux mesures et aux dispositifs adoptés. Les inégalités d'espérance de vie entre les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) se maintiennent, voire s'accroissent, malgré les dépenses investies dans la santé. 

 

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Selon l'enquête internationale PISA, l'école française est une de celle où le poids de l'origine sociale influe le plus sur la ussite scolaire, malgré les dépenses conséquentes investies dans le système éducatif.

 

 

 

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Le nombre de mal-logés ou de sans-domicile reste considérable, le taux de pauvreté à 60% du revenu médian ne descend pas en dessous de 7,3 millions de personnes et ré-augmente depuis 2002

 

 

 

B. Les effets pervers des politiques publiques

La rhétorique des effets pervers a été étudié par A.O.Hirshman dans son ouvrage "Deux siècles de rhétorique réactionnaire". Selon cet auteur, les critiques des politiques publiques portées par les libéraux consistent entre autre à  dénoncer les effets pervers selon lesquels ces politiques conduisent à des conséquences directement contraire à celles qui sont prévues.

 

       Arthur Laffer a inspiré les réformes libérales des années 80. Cet économiste américain soutient que, passé un certain seuil de prélèvements, les agents économiques sont découragés d'offrir du travail et plus largement d'investir et d'entreprendre, car les prélèvements ponctionneraient une fraction trop importante de leurs revenus. Ils seraient ainsi désincités à travailler et à créer des richesses supplémentaires. Une trop forte imposition aboutirait donc à un effet paradoxal: en duisant l'activité économique, elle duirait la base sur laquelle les impôts sont prélevés, et donc les recettes fiscales finales. Un taux d'imposition de 100 % aboutirait à ne générer plus aucune recette fiscale puisque plus personne ne souhaiterait travailler.Autrement dit, pour reprendre l'expression devenue lèbre, pour Arthur Laffer,« trop d'impôts tue l'impôt». Il y a deux effets en jeu : une augmentation du taux d’imposition s’accompagne d’une baisse de l’offre de travail par un effet de substitution du loisir au travail, mais il y a aussi  un effet-revenu, qui joue en sens contraire dans la mesure où l’agent cherche à maintenir son revenu total en augmentant le nombre d’heures travaillées. La courbe de Laffer repose sur le fait que l'effet substitution l'emporte.  

 

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Il faut cependant être prudent dans le maniement de cette critique. Car, d'une part, aucune étude empirique n'est venue corroborer cette thèse, d'autre part, même si ces effets désincitatifs existaient bel et bien, on ne sait rien de leur seuil de déclenchement. Le Danemark ou la Suéde, par exemple, sont des pays les taux de prélèvements sont très élevés et où le dynamisme économique ne se ment pas. 

 

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Thomas Piketty a mené une étude sur les effets de la modification des taux marginaux d’imposition sur les tranches supérieures de revenus en France entre 1970 et 1996. Sur la période considérée, il y a eu de nombreuses modifications de ces taux marginaux supérieurs et l’étude conclut que ces modifications ont eu des effets très limités sur les revenus en question. En revanche, la littérature empirique sur l'optimisation fiscale pratiquée par les hauts revenus, grâce à des conseillers dont c’est la spécialité montre que la hausse du taux d'imposition s'accompagne en effet d'une baisse de l'assiette par évasion fiscale. 

 

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Une autre critique classique est celle qui s'attache à dénoncer les effets pervers des allocations diverses qui aboutiraient à créer des trappes à pauvreté, à inactivité ou à chômage. Le raisonnement se base sur l'idée que les individus, en toutes circonstances, font des calculs coûts/ avantages et arbitrent sans cesse entre offrir davantage de leur temps à travailler ou passer plus de temps à leurs loisirs. 

 

Dans les cas de la trappe à l’inactivité et de la trappe à chômage, les individus assistés par les minimas sociaux ou assurés par les assurances chômage n'auraient pas intérêt à trouver un emploi car les revenus procurés par cet emploi grevés par le coût d'une reprise d'activité (transports, garddes enfants, paiements des impôts ... seraient inférieurs aux minima sociaux et à leurs avantages annexes. L’assistance sociale inciterait ainsi à la paresse et à une perte de responsabilité. Pour les chômeurs, la théorie néoclassique du Jobsearch pose que la distribution d'allocations chômage vient perturber le calcul de recherche d'emploi, les individus seraient incités à poursuivre leurs recherches plus longtemps que s'ils n'avaient pas d'assurance et contribue au chômage. En effet, allié à l'incertitude d'un contrat de travail souvent précaire, pousserait les individus à préférer une « pauvreté assurée » à un travail aléatoire et finalement bien peu rémunérateur. Si ces effets existent, ils restent marginaux. Le taux d’activité des mères de deux enfants s’est réduit lorsqu’elles ont pu bénéficier de l’allocation parentale d’éducation à partir de 1994 alors que le taux d’activité des mères d’un enfant unique, non concernées, continuait à augmenter. On peut trouver quelques RSAstes heureux, mais le travail, par la socialisation et le sentiment d'utilité sociale qu'il procure est un bien désirable malgré les aides et les allocations sociales. De plus les réformes sur le RMI, puis le RSA et le revenu ont cherché à réduire les trappes à inactivité. Par exemple, le RSA Activité a visé à constituer une incitation financière au retour à l’emploi en accroissant la rémunération marginale du travail des personnes sans emploi et des titulaires de bas salaires.

 

Dans le cas de la trappe à pauvreté,  les personnes qui ont un emploi serait désincitées à accroître leur durée du travail et leurs efforts car elles perdraient un certain nombre d’avantages sociaux (allocation logement, bourses scolaires...) qui leur rapporteraient plus que le surcroît de travail. Les minima sociaux maintiendrait donc les pauvres dans leur pauvreté et ce d’autant plus qu’ils fournissent des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. 

 

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Cette vieille critique libérale de culpabilisation des défavorisés remonte aux premières lois sur les pauvres dans l'Angleterre à la fin XVIIIème siècle. R. Malthus et les détracteurs des Poor Laws ont été défavorables à l'assistance aux pauvres qui selon eux, déprécie le travail, abolit toute distinction entre le travailleur industrieux et le paresseux, entretient le cercle vicieux de l'assistance.

 

 

Q1. Expliquez en quoi le néo-libéralisme a favorisé la crise de légitimité de l’Etat-providence

 

Q2. Faîtes un schéma représentant la crise de l’Etat-providence : crise de l’Etat-providence, crise de solvabilité, crise d’efficacité, néolibéralisme, prises en charge des effets de la crise, chômage, précarité, montée des phénomènes de désaffiliation sociale, augmentation du niveau de vie, individualisme, augmentation des dépenses vieillesse, crise de légitimité, persistance des inégalités, persistance de la pauvreté, augmentation des dépenses de santé, augmentation de l’espérance de vie

 

Q3. Les politiques de rigueur des dépenses sociales sont-elles une solution à la crise de solvabilité de l’Etat-providence ?  

 

Q4. D’où proviennent les critiques de d’Etat-providence ? ( auteurs, courants de pensée)

 

Q5. Que peut-on répondre à l’idée selon laquelle « trop d’impôt tue l’impôt » ?

 

Q6. Montrez en quoi l’analyse des trappes à pauvreté, inactivité et chômage relève d’une analyse en terme de coûts/avantages. 

 

 

 

 

 

 

 

 



31/01/2016
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