4.2. Le commerce international doit-il s'accroître ?
A. Le libre échange favorise la croissance
En ce qui concerne le commerce inter-branche, selon la théorie économique, les pays en se spécialisent dans les productions où ils ont un avantage comparatifs fondés notamment sur leur dotations factorielles relatives bénéficient d'un gain à l'échange. La division internationale du travail permet alors de mettre en place une économie où les facteurs de productions sont mieux employés. Les gains issus de cette spécialisation se répartissent entre les pays partenaires qui connaissent une croissance.
Les théories plus récentes du commerce international permettent d'expliquer l’essor du commerce international intra-branche entre pays de niveaux de développement comparables. Le libre-échange est supposé apporter des avantages aux consommateurs et aux producteurs, par différents effets :
Un effet de dimension : grâce à la spécialisation et à l’ouverture d’un marché mondial, chaque nation peut produire plus et plus efficacement. Les entreprises peuvent donc bénéficier d’économies d’échelle et d’effet d’apprentissage, qui améliorent la productivité et font baisser les coûts unitaires de production. Elles gagnent donc en compétitivité. Les producteurs peuvent trouver des débouchés supplémentaires, se procurer à moindre coût les biens dont ils ont besoin pour produire.
Un effet de diversification : grâce aux importations, les consommateurs, mais également les entreprises, ont à leur disposition une plus large diversité de produits pour satisfaire leurs besoins, que ce soit en terme de biens et services de consommation ou de biens de production. L'ouverture permet des transferts de technologie (acquisition de brevets, achats de produits de haute technologie...). Ces transferts de technologies se mettent d'autant plus en place que la concurrence accrue oblige les firmes à innover.
Un effet de concurrence : le commerce international et le libre-échange permettent l’entrée de nouvelles entreprises sur des marchés qui sont largement oligopolistiques (donc pas optimaux du point de vue du consommateur, du fait d’une concurrence pas assez intense). La situation de marché se rapproche alors de la Concurrence Pure et Parfaite, ce qui est favorable aux consommateurs (baisse des prix et amélioration de la qualité) et à l’économie toute entière (incitation à investir, à innover pour améliorer la compétitivité hors-prix.
En fin de compte, globalement, l’économie nationale bénéficie des gains liés à un usage plus rationnel des facteurs de productions. Plus spécifiquement, les producteurs bénéficient de gains de productivité, d’un élargissement du marché (et donc d’économies d’échelle), ainsi que d’une incitation à l’innovation pour maintenir leur compétitivité prix et hors-prix. Ils bénéficient aussi des transferts de technologie, qui leur permettent de moderniser leur appareil de production plus rapidement et de façon moins coûteuse que s’ils avaient dû eux-mêmes la produire. Les consommateurs quant à eux peuvent profiter de baisse des prix (du fait d’une concurrence plus intense, des économies d’échelle et des gains de productivité permis par la spécialisation), d’une hausse de la qualité ainsi que de la variété/diversité, grâce à la fois à la multiplication des offreurs présents sur le marché et à l’accélération de l’innovation induite par la concurrence.
B. Le protectionnisme peut être une solution temporaire
Le protectionnisme vise à interdire ou limiter les importations de biens et services afin de protéger les entreprises et activités nationales de la concurrence extérieure. En élevant les droits de douane, le pays va accroître ses recettes, ce qui peut lui permettre de rééquilibrer son budget. A partir du moment où le pays élève sa protection, les importations dont le prix s'élève diminuent, le pays équilibre ainsi sa balance des transactions courantes.
Le libre-échange favorise l'augmentation des inégalités entre pays. L’existence d’un gain à l’échange peut s’accompagner d’une répartition inégalitaire de ce gain. La division internationale du travail dominante a été justifiée du milieu du XIX' siècle aux années 1970 par les théories du commerce international, à savoir des pays développés spécialisés dans les produits nécessitant un important capital et du travail plutôt qualifié, échangeant avec des pays en développement spécialisés dans l'exploitation des produits primaires ou dans des industries utilisant une main-d'oeuvre peu qualifiée. Mais, les pays en développement ont connu une dégradation des termes de l’échange. exercice. Si certains pays émergents ont réussi à mettre en place des remontées de filière vers des produits technologiques ( Singapour, Corée du Sud etc.) de nombreux pays, comme les pays les moins avancés (PMA), sont restés cantonnés dans des produits dont les termes de l'échange se sont détériorés.
Les différences entre pays, qui expliquent leurs spécialisations, peuvent être le fruit des hasards de l’histoire ou de la géographie, ou encore de politiques volontaristes antérieures visant à modifier leurs avantages comparatifs. Les pays qui arrivent plus tard dans le libre échange sont moins performants. Il est alors justifié de mettre en place des politiques visant à améliorer la production nationale en protégeant les industries naissantes. Le pays peut profiter ainsi d'une protection qui lui permet de se spécialiser dans des produits dont il est plus facile d'extraire une valeur ajoutée plus importante, notamment dans les productions dont la technologie est plus développée. A l'abri du libre-échange, il est plus facile de se préparer à la concurrence internationale. Le protectionnisme éducateur (F.List) ne consiste pas à mettre des barrières douanières sur l'ensemble des importations mais à laisser entrer librement certains produits, tout en protégeant fortement une ou plusieurs activités. Il s’agit d’un protectionnisme qui se veut temporaire.
Il est aussi important de pouvoir protéger les industries en déclin ou non compétitives. Les productions locales, confrontées à la concurrence internationale, en disparaissant entraînent des coûts sociaux importants liés au chômage et aux inégalités en cascade que ce dernier entraîne. Plus les disparitions d'activité sont brutales, plus les restructurations micro-économiques qui en résultent risquent d'entraîner une forte récession macro-économique et des destructions d’emplois. Un pays peut pratiquer ce protectionnisme parce qu’il refuse l’abandon de certaines activités pour des raisons variées, stratégiques (défense) ou culturelles (appellation d’origine contrôlée en France par exemple A.O.C.).
La concurrence des produits des pays à bas salaires est souvent accusée dans les pays riches de faire pression à la baisse sur les salaires, spécialement pour la main d’oeuvre peu qualifiée. Le protectionnisme peut d'autant plus être justifié que certains pays pratiquent diverses formes de dumping ( social, fiscal ou environnemental). Il est toutefois difficile de définir le dumping notamment le dumping social : en principe les pays peuvent, et doivent interdire le commerce des productions qui ont été réalisées sans respecter les droits minimums des travailleurs définis par l’Organisation Internationale du Travail ( liberté d'association, interdiction du travail forcé, interdiction du travail des enfants et absence de discrimination sur le lieu de travail, y compris la discrimination fondée sur le sexe). Dans la pratique il est difficile d’identifier les productions qui n’ont pas respecté ces règles et les pays aux coûts salariaux très faibles, conséquence d’une main-d’oeuvre surabondante, sont souvent accusés de dumping social alors que leurs exportations reflètent leurs avantages comparatifs. Il faut cependant garder à l’esprit que les études empiriques des années 1990 et 2000 tendent à montrer que l’impact de la concurrence internationale sur les salaires dans les pays développés est moins fort que la pression à la baisse salariale par la substitution de capital au travail sous l’effet du progrès technique.
D. Du néo-protectionnisme au retour du protectionnisme
Le protectionnisme peut prendre la forme d'un protectionnisme tarifaire qui consiste à appliquer des taxes ou droits de douane sur les importations. Le multilatéralisme et la baisse des tarifs douaniers liés aux accords du GATT et de l'OMC n'ont pas empêché la mise en place d'un néo-protectionnisme reposant sur des mesures non tarifaires : quotas, normes, subventions, sous-évaluation de la monnaie.
- Les quotas consistent à limiter la quantité de produits importés en fixant des contingents ou quotas.
- Les normes de différentes natures, techniques et sanitaires notamment, peuvent constituer d’autres moyens de protéger le marché intérieur de la concurrence étrangère. Il convient cependant d’insister sur le fait que les normes techniques ne sont pas par nature protectionnistes. La fixation de telles normes par l’Etat est légitime dans la perspective de la protection du consommateur. Seules les normes qui seraient discriminatoires à l’égard de l’offre étrangère peuvent être considérées comme protectionnistes.
- Les subventions aux exportations et le dumping (pratique consistant à vendre moins cher à l’étranger que sur son marché national) peuvent également être assimilés à des formes de protectionnisme ex Boeing airbus
- Il en est de même de la sous-évaluation de la monnaie nationale qui augmente la compétitivité-prix des produits exportés. C'est le cas de la Chine.
Après l'échec des accords de Doha, les accords multilatéraux peinent à se mettre en place, ils sont peu à peu remplacés par des accords bilatéraux entre pays ou entre régions. L’accord Tafta entre les Etats-Unis et l’Europe appelé de ses vœux par Obama n’a pas vu le jour du fait de son impopularité en France et en Allemagne et de l’arrivée de Trump au pouvoir en 2016. Néanmoins, l'accord CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) entre l'Union européenne et le Canada a été mis en place, ce traité réduit drastiquement les barrières tarifaires et non-tarifaires, et traite également de la mise en place d'un cadre d'investissement stable et favorable aux entreprises européennes et canadiennes.
Les critiques contre ce type de traité sont aujourd’hui très fortes et, depuis la crise de 2008 de nombreuses voix protectionnistes se font entendre. C’est bien sûr le cas avec Trump aux Etats-Unis avec son slogan América first, avec les partisans du Brexit en Angleterre, mais aussi en France où l’on voit de nombreux partis politiques de toutes obédiences, comme le Rassemblement National de Marine Lepen, La France Insoumise de Jean Luc Mélanchon, porter les idées d’un retour du protectionnisme en défendant les catégories sociales populaires et moyennes perdantes de la mondialisation. Même Les Républicains de Laurent Wauquiez sont sensibles aujourd’hui aux sirènes du protectionnisme.
Le débat sur le protectionnisme restera présent tant qu’il y aura des gagnants et des perdants de la mondialisation. Pour l’instant les grands gagnants de cette mondialisation sont les catégories supérieures des pays développés qui ont toujours utilisé le protectionnisme quand cela les arrangeait et le libre-échange quand ils étaient sûr d’y gagner, même si toutes les catégories sociales ont pu bénéficier de gains de pouvoir d’achat. Ces cinquante dernières années, les pays riches se sont arrangés pour organiser le commerce en faveur de leurs entreprises dominantes, en acceptant de sacrifier des pans entiers de leur industrie. De leur côté, de nombreux pays pauvres, en se spécialisant (conformément à la théorie), se sont enfermés dans le sous-développement. Les grands gagnants du libre-échange sont les multinationales qui peuvent désormais produire là où le coût de la main-d’œuvre est le moins cher, vendre là où il y a du pouvoir d’achat et payer leurs impôts là où la fiscalité est la plus faible.
Q1. Définir : oligopole, économie d’échelle, compétitivité-prix, compétitivité hors-prix, dumping, quota, remontée de filière
Q2. Faîtes un schéma expliquant les effets attendus du libre-échange : effet de dimension, effet de concurrence, effet de diversification, baisse des prix, libre-échange, spécialisation, gains liés à la spécialisation, commerce inter-branche, commerce intra branche, gains liés au commerce intra-branche, variété, baisse des prix, innovation, croissance.
Q3. Donnez quatre arguments en faveur du protectionnisme
Q4. Pourquoi est-il difficile de lutter contre le dumping social ?
Q5. Faire un schéma sur les limites du protectionnisme : limites du protectionnisme, mauvaise spécialisation, hausse des prix, baisse du pouvoir d’achat, de rétorsion, de récession et d'inflation importée, guerre économique, effondrement des débouchés, appauvrissement des pays partenaires, faible élasticité-prix des importations
Q6. Qu’est ce que le néo-protectionnisme ? Chercher des exemples contemporains.
Q7. En quoi peut-on dire que le multilatéralisme est remis en question ?
Q8. Qui sont les gagnants et les perdants du libre-échange ?
Q1. En quoi le NAFTA est-il inquiétant ?
Q2. Les agriculteurs européens ont-ils à craindre de ce traité ?
Q3. Quels sont les objectifs de ce traité ?
Q4. Les multinationales ont-elles besoin de tribunaux arbitraux ? Quels sont les risques de ces cours privées ?
Q5. Citer 2 exemples de conflits entre multinationales et Etats.
TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), GMT (grand marché transatlantique)... est un accord de libre-échange entre les deux plus grandes zones économiques du monde, l'Europe et les États-Unis qui avait pour but d'abaisser le plus possible les barrières du commerce - qu'elles soient tarifaires (droits de douane) ou non tarifaires (normes) - pour que les entreprises trouvent des débouchés supplémentaires, produisent plus de biens et donc plus d’emplois. Et que les consommateurs obtiennent des biens moins chers et plus diversifiés.
Des critiques venant de la société civile contestent fortement ce traité qui n'a pas vu le jour mais qui pourrait bien revenir sur le tapis :
- L'Europe et les États-Unis font dans la grande majorité des cas du commerce intra-branche, c'est-à-dire qu'ils échangent des biens de même type, ce qui pourrait augmenter la concurrence et affecter certaines entreprises. L'agriculture européenne peut craindre la concurrence des agriculteurs nord-américains très productivistes.
- Il y a de fortes craintes sur l'imposition de normes nord-américaines. La fabrication des biens européens se fait en fonction de normes (interdiction des OGM, du poulet au chlore, du boeuf aux hormones etc.) plus contraignantes que la production nord-américaine.
- Le traité prévoit la mise en place de tribunaux arbitraux- appelés ISDS- qui permettrait aux multinationales d'attaquer les Etats qui porte atteinte à la souveraineté des États et à la possibilité de mettre en place des politiques publiques (service public, politiques salariales, politiques écologiques, réglementations etc.)
Q1. Quels sont les avantages attendus de TAFTA ?
Q2. Qui conseillent les commissions ?
Q3. A qui peuvent servir les tribunaux arbitraux ?
Un pays développé doit-il s’interdire tout recours à des mesures protectionnistes ?
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