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6.1. Comment expliquer la participation et l'abstention électorale ?

A. Evolution de la participation électorale

 

La participation électorale est considérée comme l'un des traits les plus caractéristiques de la bonne santé d'un régime démocratique. L’abstention est le fait pour un électeur inscrit sur les listes électorales de ne pas participer au scrutin. On distingue les abstentionnistes des votes blancs qui correspondent aux électeurs participant au scrutin, mais choisissant de mettre un bulletin blanc dans l’urne, ainsi que des votes nuls qui sont les bulletins non valables. 

Etre inscrit ne signifie pas nécessairement être un électeur votant. La loi du 10 novembre 1997, pose que les jeunes ayant 18 ans lors d’une année électorale sont automatiquement inscrits sur les listes. En France, le taux de non inscription est estimé à environ 10 %, ce qui signifie qu’un français sur 10, en âge et en droit d’être électeur ne l’est pas en raison d’une non inscription (Etats-Unis : 30%).  

    Le taux de participation aux élections correspond au rapport entre le nombre de personnes ayant voté à une élection et le nombre d’inscrits sur les listes électorales tandis que le taux d’abstention rapporte le nombre d’inscrits qui n’ont pas voté rapporté au total des inscrits. Ainsi, en France, aux élections législatives de 2012, 57,2% des électeurs inscrits se sont déplacés au premier tour. De même, 79,5% des inscrits ont été votés en France au premier tour de la présidentielle.

 

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Depuis une trentaine d’année, l’abstention est un comportement qui se développe dans toutes les démocraties occidentales qui n’ont pas mis en place un vote obligatoire comme la Belgique ou la Grèce. De plus, au delà des abstentionnistes chroniques, la participation intermittente des individus qui votent de moins en moins, mais à qui il arrive tout de même de voter augmente.  Au niveau national, les études de l’Insee montrent que la diffusion de l’intermittence est l’une des évolutions les plus marquantes des deux dernières décennies. 

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Ainsi, en France, 40% des électeurs s’étaient abstenus aux élections européennes en 1979 et 60% à celle de 2008 soit une progression de 20 points. Il en est de même pour les législatives : 29% des inscrits s’étaient abstenus en 1981, 42% en 2012, soit une progression de 13 points. Désormais, seul un inscrit sur deux vote à toutes les élections ou presque. Dans les bureaux des quartiers populaires, la proportion est de l’ordre d’un sur quatre. On constate le même phénomène aux Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie.

 

L’abstention dépend du type de scrutin et des enjeux. En France, la présidentielle est considérée comme un scrutin majeur, en particulier depuis l’adoption du quinquennat, dont le résultat conditionne celui des législatives. En conséquence, l’abstention est la plus faible pour ce scrutin. L’absence de la gauche au second tour du scrutin de 1969 provoque une abstention record au second tour (31% des inscrits) alors que la future victoire de François Mitterrand en 1981 et celle de Nicolas Sarkozy en 2007 provoquent une abstention très faible (14% et 16%). Il en est de même pour les élections municipales qui sont les élections de proximité par excellence et connaissent de forts taux de participation.   

 

 

L'abstention plutôt stable à la présidentielle, en hausse aux autres élections

Les chiffres de l'abstention au premier tour des élections présidentielle, législatives, municipales et européennes de 1958 à 2017, en pourcentage des électeurs inscrits.
Created with Highcharts 4.1.90 %10 %20 %30 %40 %50 %60 %présidentiellelégislativesmunicipaleseuropéennes19581962196719691973197719791983198619891994199720012004200820122017
2012 présidentielle: 20,50 %

 

 

 

 

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B. Les déterminants sociaux de l'abstention et de la non

Exercice

 

 

Au delà d’une explication générale fondée sur le désenchantement vis-à-vis de l’offre politique, on peut donner deux grandes explications de l'abstention : le défaut d’intégration sociale corrélé à un faible intérêt pour la politique voire à un sentiment d'incompétence politique et le choix stratégique d'une abstention symbolique. 

 

Le désenchantement vis-à-vis de la politique est la toile de fond sur laquelle se développe l'abstention. L'alternance gauche-droite devenue systématique à partir du milieu des années 80, a contribué à ce désenchantement pour les catégories populaires qui votaient beaucoup et très largement en faveur des candidats de la gauche dans un espoir de changement de leurs conditions de vie. L'alternance politique n'ayant pas engendré de véritables améliorations, la méfiance et le scepticisme à l’égard de la politique, déjà caractéristique des catégories populaires, se sont largement accrus. Le clivage politique entre les élites (économiques, politiques et culturelles) tous favorables au "oui" au  référendum sur le traité européen en 2005 et une population plutôt opposée au traité a été une étape décisive dans la crise de la représentation. On peut aussi ajouter à ces facteurs de désenchantement la mise au jour récurrente des scandales politiques comme l'affaire Cahuzac. La progression des votes blancs ou nuls, mêmes si ceux-ci restent encore à des niveaux peu élevés traduisent cette insatisfaction croissante des électeurs vis-à-vis de l’offre électorale qui ne répond plus aux attentes de citoyens désenchantés.

 

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 L’abstentionnisme est lié à une plus faible insertion sociale. Si la hausse de l’abstention concerne tous les groupes sociaux et toutes les classes d’âge, ce sont plutôt les femmes au foyer, les jeunes, les précaires et les chômeurs, les individus de faible niveau socio-économique ou culturel, les habitants de zone isolées ou de grands ensembles qui sont plus touchés par l’abstention que les autres catégories sociales. Plus le lien social est faible, et plus les citoyens s’abstiennent ou ne s’inscrivent pas sur les listes électorales.

     La politisation, entendue comme « attention accordée au fonctionnement du champ politique », est inégalement distribuée dans l'espace social, et la principale variable explicative en est le niveau d'études atteint par les citoyens. Daniel Gaxie a parlé de "cens caché" pour désigner cette barrière à l'entrée dans le jeu électoral tout en faisant référence à la période précédant le suffrage universel où il existait un suffrage censitaire ; seuls ceux qui payaient le « cens », un impôt payé par les catégories aisées, pouvaient voter.  Certains électeurs ne choisissent pas vraiment au moment du vote de s’abstenir ou de voter pour tel ou tel candidat, car ils n’ont pas les moyens de connaître et de maîtriser tous les enjeux du champ politique. L’abstention peut ainsi résulter d’un sentiment d’incompétence écartant les plus démunis du droit de vote. Les catégories peu intégrées s'abstiennent par sentiment d'incompétence.

 

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      Pendant longtemps, ce moindre intérêt des catégories populaires pour la politique a été compensé par un véritable encadrement militant notamment par le parti communiste : au bureau, à l’usine mais aussi dans les quartiers, des collègues et voisins politiquement engagés étaient des figures appréciées du quotidien et jouaient un rôle important dans l'animation des sphères publiques locales : ils rendaient de multiples petits services, organisaient les fêtes de quartier, présidaient les clubs de foot, les associations de parents d'élèves, les amicales des locataires etc. Ils alimentaient un sentiment d’appartenance, contribuaient à politiser a minima les populations. Les jours de scrutins, leur seule présence représentait une incitation à voter pour les moins prédisposés à le faire.  Lors des élections régionales de 2010, l’abstention qui s’élevait à 51 % en moyenne, au premier tour, atteignait  70 % dans des communes populaires comme Garge-les-Gonesse ou Villetaneuse, et même 75 % dans le quartier du Mirail, à Toulouse, ou encore 72 % à Vaux-en-Velin. Aujourd'hui, les quartiers populaires où l’on enregistre les plus forts taux d’abstention sont devenus des déserts militants. Il n’y a plus de relais pour la politisation des habitants de ces quartiers où l’anomie et le sentiment d'être marginalisé se développent. Laisser l’organisation de ces quartiers aux associations religieuses n’est pas une solution à la crise de la représentation. 

 

       L’abstention des jeunes traduit aussi les difficultés d’intégration sur le marché de l’emploi.  En France comme dans la plupart des démocraties occidentales où l’on enregistre une hausse notable de l’abstention, le renouvellement des générations pourrait donc demain alimenter une dynamique abstentionniste encore plus marquée, que le vieillissement de la population pourrait ne plus être suffisant à neutraliser.

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       La crise économique entraînant des problèmes d’intégration sociale des populations précarisées est un facteur d’aggravation de l’abstention, d’autant plus que ces populations nourrissent alors plus facilement un désenchantement vis-à-vis de la politique.

 

L'abstentionnisme peut aussi être considéré comme un phénomène rationnel et stratégique, chaque électeur pesant sur les résultats de l'élection a tendance à se comporter en passager clandestin afin de ne pas subir les coût de participation électorale (réduction du temps libre).  Cette analyse économique de l'abstention oublie cependant le poids de la culture et de la socialisation politique dans un modèle de la citoyenneté hérité des lumières : le fait de voter est une norme sociale qui permet d'obtenir une reconnaissance sociale.

 

 

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Il reste cependant que l’abstention est un choix stratégique pour certains. Anne Muxel et Jérome Jaffré ont montré dans « S’abstenir : hors du jeu ou dans le jeu politique ? » (2000) que les deux-tiers des abstentionnistes restent « dans le jeu politique ». Ce sont souvent des jeunes, diplômés, qui s'abstiennent et qui se remettent à voter lorsqu’ils se reconnaissent dans l'offre électorale proposée ou que le scrutin présente un enjeu particulier. L’abstention est ici intermittente et plus stratégique : elle est fortement liée au contexte de l’élection (type d’élection, candidats). Elle donne ainsi l’image d’un électeur rationnel qui s’abstient pour protester, ou qui vote au regard des enjeux qu’il perçoit de l’élection.  Ces abstentionnistes « dans le jeu » se classent plutôt à gauche. 

     Il existe aussi un abstentionniste radical, libertaire et protestataire qui associe le vote ( même blanc) à une soumission à un ordre social inégalitaire qu’il faut changer. L’abstention devient alors un mot d’ordre symbolisant l’insoumission. Cette abstention militante est cependant minoritaire.

 

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Q1. Ecrivez les formules des taux d’inscription, de taux de participation et de taux d’abstention. A partir du blog, calculez ces taux pour les élections législatives de 2012.

Q2. Quelles différences peut-on faire entre l’abstentionnisme chronique et l’abstentionnisme intermittent. Illustrer votre réponse avec 2 statistiques concernant les élections de 2012.

Q3. Comment peut-on expliquer les différences d’abstention entre les législatives européennes et les municipales ?

Q4. Donner 3 raisons au désenchantement vis-à-vis de la politique

Q5. Quels sont les groupes sociaux les plus concernés par l’abstention ?

Q6. Pourquoi ne vote-t-on presque plus dans les « quartiers difficiles » ?

Q7. En quoi l’abstentionnisme radical diffère-t-il de l’abstentionnisme intermittent ?

Q8. Faîtes un schémas avec les termes suivants afin d’expliquer l’abstention : causes de l’abstentions, inefficacité de l’alternance politique, critique libertaire, niveau d’étude, intégration sociale en panne, sentiment d’incompétence, chômage et précarité, marginalisation de certains quartiers, choix politiques, désenchantement, choix rationnel, type d’enjeu, scandales politiques, sentiment de rupture entre les élites et les citoyens



 

 


 

 

 

 

 

 



 

 



23/04/2016
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