6.1. Des inégalités économiques et sociales en augmentation
Société : les oubliés de Grigny
A. Des inégalités multiformes et cumulatives
1. Quelle distinction peut-on faire entre « différence » et « inégalité sociale » ?
2. Faites une liste, la plus exhaustive possible, des critères sur lesquels reposent les inégalités sociales.
3. Quelles sont les deux principales sources d’inégalités économiques ?
4. Pourquoi peut-on dire que les inégalités sont "cumulatives" ?
Il existe des différences entre les individus : entre les entre les riches et les pauvres, entre les hommes et les femmes, entre les beaux et les laids par exemple. Certaines différences ne deviennent pas des inégalités. Elles ne le deviennent que si elles concernent un accès différencié à des ressources socialement valorisées comme l’accès aux ressources économiques (revenu, patrimoine…), aux ressources sociales ou politiques (conditions d’existence, éducation, santé, accès au pouvoir…) et symboliques (titres scolaires, pratiques langagières…).
Les inégalités spécifiquement économiques reposent sur un partage inégalitaire des richesses, elles correspondent à des différences de revenus et de patrimoine entre individus ou entre groupes sociaux. Elles jouent un rôle important dans la mesure où elles engendrent souvent les autres formes d'inégalités sociales. Par exemple, les inégalités de revenu et de patrimoine donnent naissance à des inégalités d’accès au logement, d’accès à la santé, etc. Elles sont liées entre elles par des processus cumulatifs qui alimentent la polarisation de la structure sociale : les avantages des uns s’additionnent pendant que les désavantages des autres se renforcent mutuellement. De plus ces inégalités économiques et sociales ont tendance, comme le montrent les études sur la mobilité sociale, à se reproduire d’une génération à l’autre.
On peut distinguer les inégalités traditionnelles (hiérarchies des revenus, inégalités de conditions de vie selon les catégories socioprofessionnelles par exemple) et les nouvelles formes d'inégalités intra-catégorielles qui se constituent à l'intérieur de chaque catégorie en fonction des conditions d’insertion professionnelle. La dégradation de la condition salariale a modifié en profondeur la perception subjective et objective des inégalités en mettant au jour des inégalités générationnelles, des inégalités spatiales ou encore des inégalités selon la nationalité et l’origine ethnique.
Q1. A l’aide du schéma :Montrez que des inégalités sociales peuvent engendrer des inégalités économiques.
Q2. Montrez que des inégalités économiques peuvent générer des inégalités sociales.
B. La mesure des inégalités économiques et sociales
Le choix des inégalités à étudier n’est jamais neutre. Privilégier l’examen de la distribution de telle ou telle ressource repose toujours sur un jugement normatif concernant les ressources rares que l'on juge bonnes à acquérir. Il y a de nombreux choix possibles sur le type d’inégalités et, donc sur la variable que l’on veut expliquer : par exemple sur les inégalités d'accès à la culture (aller à l'opéra/aller au stade), sur les inégalités de richesse (revenu/patrimoine) etc. Il y a aussi un choix sur les groupes à comparer : inégalités hommes/femmes, inégalités entre PCS, inégalités entre homosexuels et hétérosexuels, inégalités entre individus ou entre ménages etc. Le choix d’une variable ou d'un groupe par rapport à d'autres peut conduire à donner une représentation différente de l’évolution des inégalités. Ainsi, analyser les inégalités de revenu par unité de consommation (inégalité de niveau de vie) est une mesure plus pertinente que par ménage mais elle laisse de côté les inégalités entre famille classique et famille monoparentales. Mesurer les inégalités entre PCS est assez classique, mais cette mesure ne permet pas de percevoir les inégalités intra-catégorielles.
Comment mesurer les inégalités ? Les journaux comparent souvent les revenus des grands patrons par rapport au SMIC. En 2012, le PDG de Dassault a gagné 14,9 millions d'Euros soit 1112 années de Smic. Cette mesure spectaculaire des inégalités ne permet cependant pas de révéler les inégalités de manière précise. On retient classiquement deux grandes méthodes de mesure. La première consiste à raisonner en termes de disparité en partant de moyennes relatives aux groupes considérés.
Ainsi, selon l'INSEE en 2012, les femmes gagnaient 20% de moins que les hommes. Et les cadres gagnaient en moyenne 2,4 fois plus que les ouvriers.
Un autre exemple classique en sociologie, les enfants de cadres obtiennent plus souvent leur bac que les enfants d'ouvriers. Une des limites de ce type de mesure est lié au fait que l’interprétation d’indicateurs moyens ne reflète pas l’hétérogénéité de la catégorie à partir laquelle elle a été calculée.
La seconde méthode de mesure conduit à étudier la dispersion, c’est-à-dire faire une analyse de la façon dont les ressources étudiées se répartissent au sein d’une population donnée. Pour cela, on utilise les fractiles : quintile, décile, centile etc. Le rapport interdécile est l’indicateur de dispersion le plus fréquemment utilisé, il mesure le rapport entre le revenu minimum des 10% de la population la plus riche et le revenu maximum des 10% de la population la plus pauvre. L’intérêt de cet indicateur est de résumer en un chiffre la distribution de la variable étudiée. Selon le fractile choisi, la représentation des inégalités n'est pas la même, les études récentes montrent que les inégalités remontent quand on analyse au niveau des centiles, des millimes ou même des dix-millimes (les 0,1% les plus riches).
Exercice : trouver le salaire médian
A partir du cumul des fractile, on peut construire une courbe de Lorentz. Plus on s'éloigne, de la diagonale, plus les inégalités sont fortes. Le coefficient de Gini est construit à partir de la courbe de Lorentz.
Exercice : Vous présenterez le document puis vous caractériserez les inégalités qu’il met en évidence.
Il existe également des indicateurs synthétiques inégalités sociales comme le BIP40 en France (non mis à jour depuis 2004), l’Indicateur global de santé social (ISS) aux Etats-Unis ou l’Indicateur de pauvreté humaine élaboré par le PNUD mais ils sont difficile à mettre à jour, font l’objet de controverses et manquent de précision. En France
l’observatoire des inégalités est une association qui dresser un état des lieux le plus complet possible, compte tenu de leurs ressources, des formes d’inégalités actuelles, pour le rendre accessible à un large public.
C. Les inégalités économiques et sociales augmentent de nouveau
Sur le long terme, on observe un mouvement de réduction des inégalités économiques corrélé à une augmentation du niveau de vie moyen. Au cours du XXème siècle, les inégalités économiques se réduisent. La forte baisse de la part des revenus les plus élevés dans le revenu total font basculer la société française d’une « société de rentiers » à une « société de cadres ». Cette forte baisse du revenu des plus riches est liée à la destruction physique du capital lors des deux guerres mondiales, l’instauration d’une fiscalité plus progressive et à la taxation des successions.
Selon Simon Kuznet, la croissance du niveau de vie et le développement économique devait conduire inéluctablement à une diminution des inégalités. Mais comme l’avait montré Karl Marx au XIXeme siècle, cette réduction des inégalités sur le long terme n’a rien de mécanique. En effet depuis les années 80, on peut observer une remontée des inégalités dans les pays développés, plus marquée néanmoins dans les pays anglo-saxons. Les inégalités de revenu sont plus faibles parmi les pays nordiques et les pays d’Europe continentale mais plus élevées parmi les pays anglo-saxons et les pays du Sud de l’Europe.
Pour rendre compte de l’évolution des inégalités des niveaux de vie en France depuis la seconde guerre mondiale, on peut distinguer quatre phases principales :
- De 1950 à 1968, malgré la très forte augmentation du niveau de vie moyen, la dispersion des salaires s’est accrue dans la mesure où le SMIG était indexé sur l’évolution des prix (et non sur celle de la croissance) et que les retraités ne bénéficiaient que de pensions limitées.
- De 1968 et 1984, les inégalités se réduisent sous les effets de l’indexation du SMIC sur la croissance économique, de l’augmentation des pensions retraites et de la mise en place de minima sociaux.
- De 1984 au milieu des années 2000, les inégalités face à l'emploi et la montée du chômage ont contribué à un essoufflement du processus de réduction des inégalités économiques : le rapport interdécile (D9/D1) du revenu disponible des ménages décroît, mais à un rythme progressivement plus faible. La France fait malgré tout partie des rares pays dans lesquels les inégalités de revenu interdécile ont diminué contrairement à la plupart des pays de l’OCDE.
- Depuis les années 2000, on observe en France, en utilisant des fractiles plus faibles, une accentuation des inégalités de niveau de vie « par le haut » de la distribution. En effet, aux nombreuses causes des inégalités par le bas peuvent être ajoutées celles des inégalités par le haut. Les dispositifs de protection sociale comme les minimas sociaux ne sont pas toujours facilement accessibles et ne garantissent pas un pouvoir d’achat suffisant pour sortir de la pauvreté. D’une manière plus générale, les inégalités par le bas sont liées à l’accès différencié à l’emploi qui engendre des inégalités cumulatives et multiples. Les inégalités par le haut sont plus récentes : a) Les revenus du patrimoine, qui représentent une part importante des revenus des ménages les plus riches, ont fortement augmenté. b) Les très hauts revenus salariaux ont explosé (stock-options et bonus des cadres, intéressements, etc.) comparativement aux évolutions des revenus médians. c) La fiscalité est devenue moins redistributive du fait des niches fiscales et aucune réforme n’est en vue pour la rendre plus transparente.
Q1. A quelle condition une différence devient-elle une inégalité ?
Q2. Faîtes un tableau dans lequel vous définirez les différentes formes d’inégalités, en donnerez un exemple, et trouverez une statistique pertinente :
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Définition |
Exemple |
statistique |
Inégalités spatiales |
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Inégalités selon la nationalité ou l’origine l’origine ethnique |
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Inégalités générationnelles |
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Inégalités de genre |
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Inégalités intra-catégorielles (PCS) |
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Q3. Faîtes un schéma du choix des inégalités à observer et expliquer : choix des inégalités à observer , variable choisie, choix du groupes, type d’inégalité
Q4. Remplir le tableau suivant
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Indicateur |
exemple |
disparité |
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Dispersion |
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Q5. Les inégalités économiques sont-elles globalement censées diminuer avec l’augmentation du niveau de vie ?
Q6. A quoi est due la disparition des rentiers au cours du XX siècle ? Faîtes des recherches sur l’instauration de l’impôt sur le revenu et les droits sur les successions.
Q7. Les minimas sociaux suffisent-ils à réduire les inégalités ?
Q8. Sommes-nous revenus à une société de rentier ?
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