7.1. Mesure et analyses de la mobilité sociale
Acquis de première : groupe d’appartenance, groupe de référence, socialisation anticipatrice, capital social
Les sociétés modernes sont des sociétés ouvertes qui se caractérisent par la liberté de choisir son destin, elles s’opposent aux sociétés traditionnelles ou le statut social se reproduit de générations en générations. La mobilité sociale est un enjeu central des démocraties qui peuvent ainsi diminuer les clivages sociaux, renouveler leurs élites. Mais attention une société à forte mobilité sociale n’est pas toujours égalitaire, on peut pouvoir changer de statut social par rapport à ses parents dans une société où les inégalités sont fortes.
1) quelle est la différence entre égalité des places et égalité des chances ?
2) Comment évolue l'égalité des places ?
3) Quelles sont les limites du modèle de l'égalité des chances ?
NOTIONS : Mobilité intergénérationnelle/intragénérationnelle, mobilité observée, fluidité sociale, déclassement, capital culturel, paradoxe d’Anderson
A. Mobilité géographique, professionnelle et sociale
Les sciences sociales analysent plusieurs types de mobilités :
- La mobilité géographique ou spatiale désigne les changements de résidence principale au sein d’un même pays, en général entre deux recensements, les changements de pays de résidence (migration). Les géographes et les sociologues étudient aussi la mobilité quotidienne comme les déplacements effectués dans la journée.
- La mobilité professionnelle (mobilité intra-générationnelle) décrit le les parcours individuels comme une succession d’états caractérisés par les indicateurs d’activité (emploi, chômage, inactivité) ou de professions (catégories socioprofessionnelles).
- La mobilité sociale intergénérationnelle (mobilité sociale) désigne le changement de statut social d’un individu ou d’un groupe dans l’espace social entre deux générations. L’emploi est une dimension structurante du statut social, on peut caractériser le statut d’une personne par sa profession actuelle, appelée position sociale, et par celle de ses (ou son) parent(s), appelée origine sociale. Lorsque la position et l’origine sociale sont identiques, on parle de reproduction sociale ; sinon, l’individu est en mobilité sociale.
La mobilité sociale peut être ascendante, descendante ou horizontale. Quand elle correspond à une amélioration du statut social pour la génération des enfants , il s’agit d’une promotion sociale ou mobilité ascendante de l’individu par rapport à sa famille. La mobilité descendante correspond à une diminution du statut. Quand l’individu a une profession différente de ses parents mais un statut équivalent, on parle de mobilité horizontale.
Au niveau individuel, une mobilité descendante intergénérationnelle peut être vécue comme une forme de déclassement social (perte de statut par rapport à ses parents) tandis qu’une mobilité ascendante va plutôt être vécue comme une promotion sociale. Des sociologues comme Vincent de Gauléjac à travers le concept de névrose de classe ont montré qu’une mobilité desendante peut cependant être vécue comme un arrachement voire une trahison de classe. Dans certains cas, les individus peuvent se sentir étrangers aux deux mondes qu’ils côtoient. Ces questions complexes ont été très bien décrites par la littérature : Annie Ernaux dans "la place", raconte la difficulté de s'arracher à son milieu social d'origine ouvrière.
Q1. Pourquoi Annie Ernaux présente t-elle son livre comme un livre de souvenirs ?
Q2. Quel est l'intérêt de rédiger avec une écriture plate ?
Q3. Pourquoi annie Ernaux dit-elle qu'entre son père et elle il n'y avait plus rien à se dire ?
Q4. Pourquoi le père avait-il un peu honte de sa fille ?
Q1. Quels sont les reproches que fait le fils à son père ouvrier ? Pourquoi ?
B. Principe de construction, intérêts et limites des tables de mobilité
La mobilité sociale est mesurée à partir des tables de mobilité. En France, l’INSEE collecte les données de mobilité sociale dans l’enquête sur l’Emploi depuis 1953 et dans l’enquête Formation et qualification professionnelle (FQP) depuis 1970. La dernière enquête a été réalisée en 2003. Ces enquêtes transversales interrogent un échantillon représentatif de fils de 40 à 59 ans en âge de travailler. On considère qu’à cet âge, le statut social acquis par le fils est représentatif. Ce sont les fils qui répondent au questionnaire à propos de la profession de leur père, par construction, le nombre de pères est égal au nombre de fils. Une table de mobilité présente de manière synthétique les effectifs de l’enquête dans un tableau à double-entrée avec en ligne les positions sociales (en pratique les catégories socioprofessionnelles des enfants) et en colonne les origines sociales (en pratique les catégories socioprofessionnelles des parents).
La table de destinée permet de mettre au jour la répartition des professions de la génération des fils de chaque catégorie. Ainsi en 2003, sur 100 fils d'employés, il y en a en moyenne 26 qui sont devenus ouvriers selon l'INSEE.
La table des origines sociales permet de mettre en évidence les catégories socio-professionnelles d'où sont issus les membres de chaque catégorie. Par exemple, on peut lire que sur 100 artisans, commerçants ou chefs d'entreprise de 40 à 59 ans, 29 d'entre eux avaient eu un père artisan, commerçant ou chef d'entreprise selon l'INSEE en 2003.
Outre le fait que la dernière enquête de la mobilité réalisée en 2003 commence à dater, on peut recenser des limites de la mesure de la mobilité à partir des tables :
Le nombre de catégories choisies influence la mesure de la mobilité sociale. Plus on prend de catégories, plus observera d’individus qui changent de catégories, et donc davantage de mobilité.
Les études sur la mobilité sociale comparent principalement le père et le fils et tendent à laisser dans l’ombre la mobilité sociale féminine. Prendre seulement les hommes est une hypothèse simplificatrice tenable, du fait de l’homogamie, la prise en compte du statut des femmes comme composante d’un statut familial ne change pas significativement les conclusions issues des tables. Cependant, les sociologues du genre ont critiqué l’invisibilité des femmes dans les enquêtes récentes, au moment où leur insertion sur le marché du travail est plus forte et transforme la stratification sociale. Exercice mobilité fille
Les tables de mobilité sociale ne permettent pas de rendre compte de la façon dont le statut socioprofessionnel est acquis, par exemple des différences qui existent entre un fils d’ouvrier devenu cadre qui a commencé ouvrier et un fils de cadre qui a été cadre toute sa carrière. Il faut les compléter par des enquêtes qualitatives comme des entretiens de parcours de vie qui permettent de reconstituer les trajectoires sociales. Ces études ont permis de montrer que la socialisation familiale transmet des ressources et de croyances qui constituent des forces de rappel du social sur les parcours individuels.
Quand on étudie l’évolution de la mobilité sociale, une même catégorie sociale entre le père et le fils peut avoir une signification sociale différente en termes de prestige, de pouvoir ou de richesse. De nouveaux métiers apparaissent.
C. La mobilité sociale fait du sur place
Dans les sociétés démocratiques, l'augmentation de la mobilité peut traduire une augmentation de l'égalité des chances, mais elle peut aussi cacher une augmentation des inégalités. En effet, il peut être facile de changer de position sociale, alors que les inégalités entre ces positions s'accroît. Selon François Dubet, le constat de la mobilité sociale peut même justifier les inégalités existantes.
Selon l'enquête FQP de 2003, 65% des hommes de 40 à 59 ans avaient eu une position différente de celle de leur père. Il y en a avait 57 % en 1970 et 49% dans l’enquête Emploi de 1953. On peut donc conclure à une augmentation de la mobilité observée sur le long terme, même si elle tend aujourd’hui à se stabiliser.
La mobilité structurelle désigne la mobilité intergénérationnelle résultant de la transformation globale de la structure socio-professionnelle. Quand le nombre de cadres augmente, l’accès à cette catégorie est mécaniquement plus ouvert. Même si tous les fils de cadres le devenaient, il reste des places pour les autres. A l’inverse, la diminution du nombre d’agriculteurs explique que seulement 22 % des fils le soient devenus eux aussi. La mobilité structurelle progresse : sur 100 fils âgés de 40 à 59 ans en 2003, 25 ont connu une mobilité structurelle, 5 de plus qu’en 1977.
Mais la mobilité dépend aussi de phénomènes qui ne sont pas liés aux transformations de l’emploi. On parle de mobilite « nette » ou de « fluidité sociale ». Pour la calculer, on déduit de la mobilité totale la mobilité structurelle. Cette mobilité nette est en quelque sorte un indicateur de l’égalité des chances d’accéder aux diverses positions sociales, liée par exemple à une meilleure scolarisation des milieux les moins favorisés. En 2003, la mobilité nette concernait 40 % des hommes et représentait donc près des deux tiers de la mobilité sociale totale, preuve que l’ascenseur social n’était pas bloqué. Mais après avoir progressé entre 1977 et 1993, elle a régressé entre 1993 et 2003. Au total, on est pourtant loin de l’égalité des chances.
Cependant la mobilité nette n’est sans doute pas la meilleure mesure de l’égalité des chances. Il est difficile de trancher sur la la question. On peut le voir avec ces 2 exemples:
Les travaux de Louis André Vallet démontrent que la fluidité sociale a progressé depuis 1953, à un rythme moyen de 0,5% par an. La fludité sociale, qui mesure le degré plus ou moins élevé d'égalité des chances d'atteindre un statut social donné, indépendamment de son statut social, a cependant cessé de progresser sur la dernière décennie.
Une étude de l’Insee note que si l’on prend deux hommes au hasard, l’un fils de cadre, l’autre fils d’ouvrier, le premier a huit chances sur dix d’occuper une position sociale supérieure ou égale à celle du second. Ce supplément de chance des fils de cadres s'est accru entre 1993 et 2003.
Depuis 2003, la situation de l’emploi s’est encore dégradée. Le sociologue Camille Peugny (La mobilité sociale est en panne) s’est intéressé à la situation des personnes ayant quitté la formation initiale depuis 5 à 8 ans en 2009. Il montre que depuis 2003 l’immobilité sociale stagne, voire tend à augmenter légèrement : un tiers des personnes appartiennent toujours à la même catégorie sociale que leur père.
D'où vient le sentiment que l'ascenseur social est en panne ? La structure sociale s'est transformée fortement pendant les Trente Glorieuses et a assuré une promotion sociale massive. La mobilité sociale ralentit alors que la dégradation de l’emploi frappe en premier lieu les jeunes générations plus qualifiées. Aujourd’hui le taux de précarité atteint 50% chez les jeunes (La précarité de l’emploi en France). Il faut un temps encore plus long pour s’insérer durablement dans l’emploi. Une partie des couches moyennes, issues de milieux modestes (ouvriers et agriculteurs notamment) voient leurs descendants peiner à atteindre un statut social plus élevé que le leur alors qu’ils sont plus diplômés qu’eux, ce phénomène est décrit comme le pardoxe d’Anderson.
Q1. Définir : Mobilité intergénérationnelle/intragénérationnelle, mobilité observée, fluidité sociale, déclassement, capital culturel, paradoxe d’Anderson
Q2. En quoi le changement de statut social entre les parents et les enfants peut-il poser problème ?
Q3. Pourquoi choisit-on d’interroger des individus de 40 à 59 ans pour établir les tables de mobilité ?
Q4. Donner 4 limites de construction des tables de mobilité
Q5. Donner la formule de la mobilité nette
Q6. Faîtes un tableau où vous rangerez les arguments qui soutiennent l’idée que l’ascenseur est en panne
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