7.2. Les déterminants de la mobilité sociale
A Le rôle de la transformation de la structure des emplois : la mobilité structurelle
Une partie de la mobilité sociale est engendrée par les modifications de la structure des emplois entre deux générations. La mobilité structurelle désigne la mobilité intergénérationnelle résultant de la transformation de la structure socio-professionnelle.
Depuis 1936, dans la société française, la part des agriculteurs, des artisans commerçants chef d'entreprise et des ouvriers a diminué, tandis que la part des cadres, des professions intermédiaires et des employés a augmenté. Ce changement structurel affecte de manière automatique la mobilité sociale inter-générationnelle : en effet dans la génération des fils, il sera relativement plus facile de devenir cadre quand la part des cadres augmente. En revanche, il sera plus difficile d'être agriculteur car tous les fils d'agriculteur ne pourront devenir agriculteurs. L’expansion des classes moyennes salariées et la réduction des catégories populaires a engendré mécaniquement de la mobilité sociale ascendante.
B. Le rôle de l'école dans la mobilité sociale
Le reste de la mobilité, nommée mobilité relative est liée à la démocratisation de l'école. On peut donner trois fonctions au système scolaire : socialiser les jeunes générations, transmettre une culture et sélectionner les individus pour qu'ils atteignent des positions sociales liées à leur mérite (méritocratie). A partir des années 1960, l'école va jouer un rôle de plus en plus important dans la mobilité sociale en permettant de mettre un frein à la reproduction sociale fondée sur la transmission du capital économique et l'homogamie. L’école est le vecteur de l’égalité des chances, en considérant les individus indépendamment de leur origine sociale, l’école permet à chacun d’accéder à une position sociale différente de celle de ses parents, et les jeunes peuvent acquérir une position sociale uniquement grâce à leur travail scolaire et à leurs diplômes ainsi obtenus.
A partir des années 1960, l'Etat va démocratiser l'Ecole en augmentant progressivement l'âge de la scolarité obligatoire (de 12 à 16 ans), en unifiant le collège, en créant de nombreux lycées, en créant des baccalauréats technologiques et professionnels, les IUT, les classes de BTS, les classes préparatoires aux grandes écoles ainsi que les universités. Enfin, en donnant les moyens financiers et culturels à la réussite de tous (développement des bourses, gratuité des livres scolaires, développement de l'Internet dans les établissements et desbibliothèques municipales en libre accès). L'augmentation des effectifs scolaire ( massification scolaire) s'est aussi traduite par une démocratisation de l'école (accès de tous les milieux sociaux aux différents échelons du système scolaire).
On observe, en effet, une démocratisation quantitative indéniable. En un demi-siècle, avoir au moins « le bac » est devenu la situation majoritaire, alors que celle-ci correspondait auparavant au fait d’être, au plus, diplômé du CEP.
Cette expansion de la scolarisation a davantage profité aux milieux modestes qu'aux milieux aisés et le lien entre origine sociale et diplôme s'est atténué.
Q1. Quels sont les raisons que donne la première fille pour expliquer son échec scolaire ?
Q2. Pourquoi la deuxième fille cherche-t-elle à contrôler son état amoureux ?
Q3. Pourquoi la mère se sent-elle coupable ?
Les familles d'origine populaire mettent en œuvre des stratégies de mobilité ascendante. Les ouvriers et les immigrés, en particulier, utilisent l'école comme tremplin pour une progression sociale intergénérationnelle et, poussé par leurs parents, la majorité les jeunes de 15 ans souhaitent changer de catégorie sociale. Les individus peuvent adopter, selon Robert Merton, un processus de socialisation anticipatrice en adoptant les normes et les valeurs d'un groupe de référence tout en cherchant à quitter leur groupe d'appartenance.
Ainsi, les ouvriers ont aujourd'hui un autre regard sur l’école. La crise du monde ouvrier rend difficile la transmission d’un héritage ouvrier, et la peur du déclassement et de la délinquance des enfants poussent les familles à ce que leurs enfants rejoignent le modèle estudiantin en continuant leurs étude le plus loin possible. La distance culturelle qui les éloigne de leurs enfants entraîne un clivage générationnel dans les familles ouvrières mais ne remet pas en question ce désir d'ascension sociale.
Les enfants d’immigrés aspirent aussi à la réussite scolaire. Pour un niveau de capital culturel donné, ceux-ci réussissent mieux à l'école que les enfants non immigrés, ils souhaitent plus souvent entreprendre des études supérieures, et choisissent majoritairement une filière technologique de l’enseignement supérieur court.
C. Des familles inégalement efficaces dans l’usage de l’école
De nombreux sociologues ont cependant montré les limites de l’égalité des chances de l’école. Le système éducatif est favorable aux milieux favorisés. On peut expliquer les différences de diplômes par les inégalités de revenu entre les familles du fait du coût (direct et d’opportunité) des poursuites d’étude. Mais dès les années 1940, on constate statistiquement que le revenu du ménage a une influence bien moindre sur les parcours scolaires des enfants que les diplômes de parents.
Les enfants des classes populaires obtiennent des diplômes, mais ces diplômes n'ont pas le même rendement social que les enfants des classes moyennes et dominantes. D'une part les enfants des milieux ouvriers et employés n'accèdent pas autant au niveau du baccalauréat et quand ils y accèdent, n'ont pas accès au même type de baccalauréat.
Ils accèdent aussi beaucoup moins facilement au diplôme du supérieur. Dans 80% au bac et après ?, Stéphane Beaud a montré que les élèves des classes populaires avaient une perspective plus faible d'obtenir des bons diplômes et qu’ils disparaissaient plus rapidement dans les premières années d'université.
Pour expliquer pourquoi les diplômes semblent se transmettre de génération en génération, la sociologie pointe le rôle clé des stratégies familiales. Pour Bourdieu, d’une part, l’origine sociale de l’élève a une influence sur ses résultats scolaires du fait de différences d’accumulation et de dotations en capital culturel. Cet ensemble de ressources culturelles légitimes vis-à-vis de l’école s'acquiert dans la famille par des discussions, des visites de musées, des façons de parler etc, il est incorporé dans un habitus. Le capital culturel des enfants des classes sociales supérieures a une forte rentabilité scolaire. Par ailleurs, les diplômes obtenus par les classes sociales supérieures ont une meilleure rentabilité en terme d’emploi et de revenu du fait d’un capital social supérieur. Boudon a montré, d’autre part, qu’à résultats scolaires équivalents, l’origine sociale a une influence sur les voeux d’orientation. Les attentes sur le niveau d’étude considéré comme acceptable varient selon le milieu social de la famille et notamment le groupe de référence auquel s’identifie la famille. Les effets des choix stratégiques d’orientation se cumulent au cours de la trajectoire scolaire.
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Avec l’accroissement du rôle de l’école dans la société, un diplôme devient nécessaire mais pas suffisant, le déclassement devient une peur commune aux classes populaires et aux classes moyennes. Les familles s’investissent davantage (choix d’habitation, cours particuliers, mère en temps partiel etc.). La concurrence s’intensifie et le « métier de parents » nécessite une mobilisation constante et demande un engagement de plus en plus fort.
La « simple » possession d’un capital culturel ne suffit plus à garantir la réussite scolaire. Le rôle du capital social prend de l’importance avec la démocratisation scolaire.
Q1. Définir mobilité relative, mobilité structurelle, habitus, déclassement, homogamie
Q2. Faîtes un schéma avec les 3 fonctions de l’école
Q3 Pourquoi peut-on dire que l’école est le vecteur de l’égalité des chances ?
Q4. Quelle différence peut-on faire entre massification scolaire et démocratisation de l’école ?
Q5. Pourquoi les familles d’origine populaire ont-elles des stratégies de mobilité par l’école ?
Q6. Pourquoi les enfants des milieux populaires ont-ils plus de difficulté à l’école que les autres enfants ?
Q7. Pourquoi le capital social devient-il plus important aujourd’hui ?
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