thepremierees

9.2. Les conflits sociaux, changement social et cohésion sociale

 

Les nouveaux mouvements sociaux ont pour objet la transformation des modèles culturels, par définition leurs objectifs portent sur la transformation de certaines valeurs et certaines normes.

        Ainsi en est-il des mouvements féministes qui ont permis de mettre en place un certain nombre de lois : ainsi la loi Neuwirth ( 1967), la loi sur l'IVG ( 1975), la loi sur la parité (2000) plus récente illustrent la façon dont un mouvement social  permet peu à peu de transformer la société par une institutionnalisation du conflit. Le constat d'une domination masculine engendrant une exploitation des femmes au sein de la sphère domestique, dans l'emploi et dans la politique ont abouti à une contestation des rapports sociaux de sexes à travers des manifestations et des actions parfois provocatrices comme les Femen.

 

Capture d'écran 2016-04-21 11.55.57.png

Capture d'écran 2016-04-21 11.47.05.pngCapture d'écran 2016-04-21 11.53.50.png

Il est difficile de faire la liste de tous les mouvements sociaux qui ont participé aux changements sociaux, mais il faudrait développer l'importance du mouvement des droits civiques qui  a permis de mettre en place une égalité plus grande entre les populations noires et blanches aux Etats-Unis. Les mouvements écologistes participent aussi d'un changement social puisqu'ils visent à transformer nos modes de production et de consommation. Les mouvements homosexuels dont les manifestations sous forme de gay pride cherchent à transformer nos rapport à la sexualité etc

.Capture d'écran 2016-04-21 12.13.33.png

 

 

Les nouveaux mouvements sociaux se sont adaptés à la société du spectacle. L'objectif, pour ces mouvements sociaux est de mobiliser à la fois les médias et d'être facilement lisibles par le public auquel ils s'adressent. Les militants des mouvements sociaux jouent alors avec les cadres de l'action collectives : lieu de l'action, symboles utilisés, type de sentiments etc. de façon à travailler sur la signification de leur mouvement afin d'établir une organisation durable tout en maintenant actifs leurs soutiens. Ce processus de cadrage peut prendre la forme d'une dramatisation de l'action qui distribue des rôles (les bons ou les offensés devront être sauvés et les méchants punis) et racontent une histoire. A ce jeu certaines catégories comme les intermittents du spectacle, Greenpeace ou Act-Up sont meilleurs que les malades de l'amiante par exemple. Cette mise en scène de l'action collective peut cependant avoir l'effet pervers de rendre seules visibles et donc efficaces les manifestation pour journalistes, les autres étant renvoyées dans l'anonymat.  

 

 

Capture d'écran 2016-04-21 12.14.00.png

 

 

2.  Tandis que d'autres peuvent s'analyser comme une résistance au changement social

Le conflit défensif n’est pas nouveau. En Angleterre, de 1811 à 1817, les luddites, artisans du textile, armés et masqués, brisent les métiers à tisser accusés de détruire leurs emplois, et brûlent des usines. Ce mouvement violent, affaibli par les arrestations et quelques pendaisons, s’éteint progressivement avec la disparition de l’artisanat textile. En France, la révolte des Canuts lyonnais en 1831 avait été précédée en 1819, d’émeutes, écrasées par l'armée, à Vienne lors de l’introduction de nouvelles machines à tondre les draps. Les ouvriers du textile brisent les nouvelles machines à tisser, à l'image de celle inventée par Jacquard car ces machines les concurrencent et les privent de leur gagne-pain. 

 

 

 

 

 

Capture d'écran 2016-04-22 12.28.46.png

Capture d'écran 2016-04-22 11.21.15.png


Capture d'écran 2016-04-22 12.29.36.png

 

En 1990, 23% des jeunes de 18 à 29ans déclaraient dans une enquête sur les valeurs des français de l'INJEP qu'il fallait défendre courageusement notre société actuelle contre tous les changements. 

        Tous les conflits sociaux ne visent pas le changement social, un certain nombre d'entre eux visent à l'empêcher en cherchant à résister. 

Les mouvements sociaux qui cherchent à promouvoir le changement social font naître des contre-mouvements, c'est le cas notamment de la loi sur le mariage homosexuel qui a provoqué la mise en mouvement d'une population conservatrice peu habituée des manifestations. 

 

Capture d'écran 2016-04-21 13.46.45.png

 

     Les conflits du travail ont évolué, ils ont pendant longtemps comme l'a théorisé K.Marx porté sur des revendications visant à promouvoir un progrès social, mais face à l'offensive néo-libérale et sous l'effet du capitalisme actionnarial, les délocalisations et les plans sociaux se sont accélérés combien même les entreprises réalisaient des profits.  Les conflits du travail ont alors davantage porté sur le maintien de l'emploi dans un contexte défensif. Il faut néanmoins relativiser cette évolution dans la mesure où les conflits sociaux portant sur les salaires ou les conditions de travail sont encore majoritaire. 

Capture d'écran 2016-04-21 11.58.47.png

Par ailleurs définir les conflits du travail comme des formes de résistance au changement n'est pas anodin, car c'est une façon de le rendre moins légitime. Ainsi dans le conflit portant sur les retraites de 1995 face au plan Juppé, A.Touraine a diagnostiqué ce conflit comme un mouvement corporatiste porté par des salariés comme les cheminots et les conducteurs de la RATP porteurs de droits spécifiques à la retraite et cherchant à défendre leurs avantages acquis. Selon Touraine on ne peut pas parler de mouvement social car il n'y a pas de projet de société mais seulement un mouvement purement défensif. Cette analyse n'est pas partagée par P.Bourdieu qui a soutenu le mouvement et qu'il a analysé comme un mouvement de résistance au néo-libéralisme  précurseur des mouvements actuels alter-mondialisation. 

 

 

De nombreuses actions collectives visent à défendre défendre un environnement proche, un cadre de vie immédiat, c'est le cas des actions menées par les anti-éoliens ou les associations opposées au passage d'une autoroute proche de chez eux, de l'enfouissement de déchet, de ligne à haute tension ou de la construction d'un aéroport. Ces mouvements qualifié de NIMBY not in my back yard » : pas dans mon arrière cour) ont pour objectif de défendre la qualité de vie des riverains (protection du paysage, écosystème) face à une logique industrielle ou commerciale qui nie la vie et valorise le lien marchand.  

 

Capture d’écran 2016-04-21 13.40.54.png

 

 

 

B. Les conflits sociaux favorisent-ils la cohésion sociale ? 

1. Les conflits sociaux expriment une cohésion sociale défaillante 

Durkheim a cherché à comprendre le fonctionnement des sociétés où la solidarité organique produisait de l’anomie. Face aux nombreux conflits sociaux de son époque, il a mis l’accent sur le fait qu'une augmentation du nombre et de l'intensité des conflits signale une situation pathologique de la société. La grille de lecture qui voit dans les conflits sociaux une menace pour la société est contestable. D'une part on peut noter qu'un certain niveau de conflit est « normal » au sens où il est statistiquement constant, de la même façon que Durkheim dit que le crime est un fait social normal. Historiquement toutes les sociétés passent par de nombreux conflits sans pour autant disparaître. D'autre part, la lecture fonctionnalisme d'un trop grand nombre de conflits comme une forme pathologique du lien social revient à voir la société comme un corps biologique harmonieux dont chaque organe a une fonction. Cette métaphore organique met l'accent sur une vision trop consensuelle de la société est très éloignée de la réalité politique, il faut plutôt voir la société comme un ensemble de rapports de force entre des groupes sociaux qui cherchent à s'approprier les ressources matérielles et symboliques.  

Capture d'écran 2016-04-21 13.50.30.png

 

Les émeutes urbaines récurrentes en France depuis le début des années 80 sont des conflits qui ne trouvent pas de relais politique et médiatique susceptible de construire leurs revendications et d'organiser la protestation, ces conflits s'expriment plutôt par la violence. Les émeutes dans les banlieues, en 2005 ont été interprétées par certains sociologues   comme une difficultés d'intégration et de socialisation des jeunes (Hugues Lagrange), c'est-à-dire comme une anomie au sens de Durkheim. Cependant  l'anomie au sens de Merton a été un diagnostic  plus courant chez les observateurs de ces mouvements dans la mesure où les jeunes de banlieues désirent avoir le même mode de vie que les autres citadins alors  que les moyens économiques, culturels et sociaux leur font défaut. 

 

Les sociologues aujourd'hui ont largement rompu avec cette lecture purement fonctionnaliste du corps social. On peut néanmoins accepter l'idée de pathologie pour désigner un moment critique de rupture dans le niveau de conflictualité comme en 1968, 1995 ou crise des banlieue de 2005...  

Capture d'écran 2016-04-22 14.07.20.png

 

2. Les conflits comme facteur de cohésion sociale 

Il est possible de voir le conflit comme un facteur de cohésion sociale, le conflit est un type particulier de relation : être en conflit avec un individu ou un groupe, c'est en connaître et reconnaître l'existence plutôt que de l'ignorer, le conflit implique au moins un accord sur l'importance de l'enjeu. Il permet une plus grande cohésion sociale interne au groupe mobilisé mais aussi dans l'ensemble de la société dans la mesure où il permet de produire de nouvelles règles : 

       Le conflit renforce l’identité du groupe c'est-à-dire les façons dont les individus ou les groupes se définissent par eux-mêmes et sont définis par les autres. L’opposition avec un autre groupe social permet de mieux définir les traits caractéristiques du groupe et de mieux en délimiter les frontières. Ainsi, le conflit de 1936 a permis à la classe ouvrière d'affirmer son identité et de trouver sa place dans la société française. 

     Le conflit permet d’informer le système politique sur les demandes à satisfaire. A.O.Hirschman a théorisé les modalités de l'action. face à un problème, les groupes sociaux ont la possibilité de fuir le problème (exit), de conserver leurs affiliations avec les organisations qu'ils suivent ( loyalty) ou bien de s'exprimer ( voice). Les groupes en conflits, les mouvements sociaux fonctionnent comme des groupes de pression qui cherchent à faire entendre leurs revendications dans le champ politique. Même s'ils reposent de plus en plus sur des formes de participation politiques non conventionnelles, ils continuent à s'adresser principalement à l'Etat et aux institutions internationales et permettent un fonctionnement en continu des mécanismes démocratiques. L'élargissement du spectre d’action de la citoyenneté au-delà des échéances électorales plaide pour le passage vers une démocratie participative qui dépasserait la politique professionnelle et sa dérive technocratique ( tyrannie des experts). De plus, le mouvement social est aussi une possibilité de prise de parole des groupes qui ne s’identifient plus au jeu politique, qui ne sentent pas représentés.  

  

L'institutionnalisation des conflits,  le plus classique étant celui entre travail et capital dans le cadre du « dialogue social », permet aux groupes en conflit de devenir des partenaires sociaux. L'institutionnalisation des acteurs passe par la reconnaissance des institutions représentatives (syndicats, ministère des droits des femmes etc.), l'institutionnalisation des formes de l'actions passe par la mise en place de répertoire de l'action collective reconnus ( préavis de grèves, manifestation République Bastille etc) et l'institutionnalisation des objets passe par la mise en place des produits de la négociation dans le droit du travail et les conventions collectives. 

Capture d'écran 2016-04-22 14.10.23.png

 

Les syndicats jouent un rôle importants dans le dialogue social. En effet, les pays qui sont les syndiqués ont des relations entre salariés et patrons moins conflictuelles. En Suéde et au Danemark, 70% des salariés sont syndiqués, ce qui permet des relations employeurs-employés plus coopératives.  

 

 dialogue social et conflit.PNG

 

Q1. Pourquoi selon Marx, le conflit social est-il inéluctable dans toute société ?

Q2. Quelles sont les caractéristiques des nouveaux mouvements sociaux ?

Q3. Les conflits du travail ont-ils disparu ? Pourquoi ?

Q4. Quelles sont les limites de la représentation organiciste de la société ?

Q5. En quoi la théorie de A.O.Hirschman permet-elle de rendre compte d’une fonction positive des mouvements sociaux ?

Q6. Définir nouveaux mouvements sociaux, institutionnalisation des conflits sociaux, émeutes urbaines, anomie, pathologie

Q7. Faîtes un tableau (ou une carte mentale) où vous rendrez compte des éléments positifs et négatifs des mouvements sociaux



 

 

 





02/04/2016
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 348 autres membres