cours terminale
La mobilité sociale est tombée en panne
Il s'agit ici d'un résumé de l'article "La mobilité sociale est tombée en panne", disponible dans le numéro de mars 2017 d'Alternatives Économiques, n°366. On peut le lire en ligne sur le site de la revue d'Alternatives Economiques en activant le lien ici. Yves Besançon
Après une phase de progrès durant les Trente Glorieuses, au demeurant modestes, l’ascenseur social au sein de la société française s'est figé depuis une vingtaine d'années. Résumé des évolutions majeures de la mobilité sociale en France depuis le début des années 50.
Dans nos sociétés démocratiques fondées sur le principe d’égalité des droits, l'égalité des chances à la naissance est un leurre, les statuts sociaux étant acquis dans le cadre d’une compétition scolaire et sociale "non libre et faussée", faisant la part belle à l’hérédité sociale dans le destin des individus. Pour autant, l'intensité de l'inégalité des chances et de la reproduction sociale qui lui est associée peut évoluer dans le temps. Qu'en est-il pour la France depuis le début des années 50 ?
L'étude de la mobilité sociale intergénérationnelle, à partir des tables de mobilité fournies par l'Institut national de la statistique et des études économiques, permet de rendre compte de cette question, en comparant la position sociale des enfants à celle de leurs parents. La notion de mobilité sociale intergénérationnelle est complexe. Il faut tout d'abord distinguer les flux de mobilité ascendante des flux de mobilité descendante. Par ailleurs, il est nécessaire de distinguer dans les flux de mobilité observée (mobilité brute), ceux "contraints" qui relèvent des transformations structurelles économiques ou socio-démographiques (la mobilité structurelle) - par exemple l'impact de la modernisation de l'agriculture sur la raréfaction des emplois dans l'agriculture expliquant pour une part la mobilité sociale des enfants d'agriculteurs - du reste des autres flux (mobilité nette). Les premières études sociologiques sur le sujet interprétaient l'évolution de cette mobilité nette comme un indicateur des progrès réalisés en termes d'égalité des chances à la naissance.
Néanmoins, les sociologues lui préfèrent maintenant la notion plus pertinente de fluidité sociale, mesurée à partir des "rapports de chance" d'accès aux différentes positions sociales (odds ratios en anglais). Par exemple, si l'on s’intéresse à la situation respective des enfants d'ouvriers et des enfants de cadres, le rapport de probabilités se lit de la façon suivante : les enfants de cadres ont, statistiquement parlant, X fois plus de chances que les enfants d’ouvriers de devenir cadre plutôt qu'ouvrier.
Les principaux résultats de la compilation des tables de mobilité masculine, établies depuis 1953, sont présentés de façon synthétique par le tableau suivant.
Le premier constat fait état d'une amélioration durant les Trente Glorieuses. On notera le rôle important de la mobilité structurelle dans la hausse de la mobilité sociale, en lien, entre autres, avec la tertiarisation de l'économie entraînant une progression importante des emplois qualifiés de cadres et mettant les générations nées avant 1955 dans une situation très favorable sur le marché du travail. La démocratisation scolaire des années 1970 et 1980 va permettre, quant à elle, de réduire certaines inégalités scolaires, notamment celles concernant l’accès au baccalauréat (près de 80 % d'une génération obtiennent le BAC aujourd'hui contre moins de 20 % au début des années 70), contribuant ainsi à rendre plus fréquentes les trajectoires de mobilité ascendante pour les jeunes de pères ouvriers ou employés.
Le tableau s'assombrit en revanche depuis une vingtaine d'années sous l'influence de la dégradation de la situation de l'emploi (développement du chômage de masse et précarisation de l'emploi) et des effets de la mondialisation en termes de dualisme sociétal : diminution depuis le milieu des années 80 du ratio mobilité ascendante/mobilité descendante selon les travaux du sociologue Louis-André Vallet (1), déclassement scolaire (défini comme la dévalorisation du titre scolaire) selon la chercheuse Marie Duru-Bellat (2), spirale du déclassement selon le sociologue Louis Chauvel (3), stabilisation à un niveau encore élevé du "rapport de chances" entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers (en 2012, un fils de cadre avait ainsi près de trente fois plus de "chances" qu’un fils d’ouvrier de devenir cadre plutôt qu’ouvrier), etc.
En conclusion, les évolutions de long terme de la mobilité sociale en France depuis le début des années 50 font apparaitre des progrès bien modestes vus sous le double angle, d'une part, du lien entre l'origine et la destinée sociale et, d'autre part, du déterminisme social dans la réussite scolaire qui reste encore élevé (plus de 20 % des enfants d'ouvriers et d'employés sortent du système scolaire sans diplôme contre seulement 7 % des enfants de cadres), avec l'émergence de nouvelles dynamiques ces deux dernières décennies favorables aux forces de la reproduction sociale.
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(1) Voir "Mobilité observée et fluidité sociale en France de 1977 à 2003", par Louis-André Vallet, Idées économiques et sociales no 175, mars 2014, et "Quarante années de mobilité sociale en France. L’évolution de la fluidité sociale à la lumière de modèles récents", Revue française de sociologie no 1, 1999.
(2) Voir L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie, Le Seuil, 2006.
(3) Voir La spirale du déclassement, par Louis Chauvel, Le Seuil, 2016. Fiche de lecture disponible ici.
Le fait inégalitaire, des origines à l’aube du XXIe siècle
Le fait inégalitaire est une signature sociologique des sociétés humaines qui apparaît comme relativement "jeune" à l’échelle de l’histoire, si l’on en juge par les travaux anthropologiques des plus récents. En effet, les inégalités économiques et sociales commencent à se développer significativement à partir des débuts de l’ère du Néolithique (- 5000 ans av. J-C), dès l’instant que les sociétés se structurent autour d’une activité agricole sédentaire, et de son corollaire, l’appropriation privée des terres (1).
Le fait inégalitaire est une signature sociologique des sociétés humaines qui apparaît comme relativement "jeune" à l’échelle de l’histoire, si l’on en juge par les travaux anthropologiques des plus récents. En effet, les inégalités économiques et sociales commencent à se développer significativement à partir des débuts de l’ère du Néolithique (- 5000 ans av. J-C), dès l’instant que les sociétés se structurent autour d’une activité agricole sédentaire, et de son corollaire, l’appropriation privée des terres (1). Dans l’histoire de l’humanité, des premiers regroupements humains jusqu‘à aujourd’hui, le fait inégalitaire ne couvre donc qu’un petit dixième de cette histoire, et vient ainsi marquer un point de rupture fondamental avec les micro-sociétés organisées autour de l’économie de la cueillette où le mode de vie ne rendait guère possible et n’encourageait pas, afin de préserver l’unité des groupes, la hiérarchisation sociale et l’accumulation privée des richesses.
Des premières grandes organisations sociales jusqu’à nos sociétés modernes et complexes, l’histoire des inégalités de droit et/ou de fait, liées aux différences de statuts, de privilèges et de niveaux dans la détention des richesses matérielles, est donc courte, mais d’une densité exceptionnelle, avec des repères historiques décisifs dans la compréhension du fait inégalitaire. On retiendra, au préalable, l’apparition de sa forme la plus sordide et monstrueuse qui soit, en tout cas la plus antinomique avec le respect de la dignité de la personne humaine, avec la naissance des premières sociétés esclavagistes repérées vers les 3000 ans avant notre ère. Un deuxième repère historique apparaît fondamental avec les révolutions politiques à partir de la fin du XVIIIième siècle où les inégalités en droit sont condamnées par les textes fondateurs de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour instaurer, enfin, l’égalité en droit à la naissance pour tous les citoyens. Mais, cette égalité juridique, qui devra parcourir encore un long chemin au cours des deux siècles suivants (par exemple, les femmes devront attendre 1944 en France pour acquérir le droit de vote !), ne signifie nullement une disparition des inégalités économiques et sociales de fait, dont certaines d’entre elles, par leur cruelle indécence, posent toujours l’éternelle question de leur illégitimité éthique, en dépit d’un régime en droit, faisant de l’égalité, la règle.
Les inégalités de fait, assises sur une égalité en droit, représentent ainsi un des signes majeurs des sociétés modernes qui émergent à partir de la fin du XVIIIième siècle, par opposition aux sociétés aristocratiques, où elles étaient légitimées en droit à la naissance par l’hérédité. Au cours des deux derniers siècles, ces inégalités ont connu, dans leurs formes et leur degré d’intensité, des évolutions dont certaines d’entre elles ont été remarquablement éclairées par les réflexions des premiers sociologues du XIXième siècle. Ainsi, la violence extrême et l’illégitimité des inégalités dont sont victimes les ouvriers au XIX siècle, et qui traduisent l’exploitation d’une classe sociale par une autre, sont remarquablement analysées par Karl Marx (1818-1883) dans "Le capital" (1867). En revanche, c’est avec une approche radicalement différente, qu’Alexis de Tocqueville (1805-1859), dans "De la démocratie en Amérique" (1835 et 1840), montre que l’épanouissement de la démocratie est irrévocablement porteur d’un processus d’égalisation des conditions de vie, du fait notamment des possibilités de mobilité sociale ascendante pour tous les individus, indépendamment de leurs origines sociales, et selon le principe même de la méritocratie "à chacun selon ses mérites". Ces deux visions de l’histoire ont chacune des pouvoirs explicatifs intéressants. L’exploitation de l’homme par l’homme dans le cadre du rapport salarial propre au système capitaliste explique, sans conteste, des aspects essentiels de la réalité économique du XIXième siècle, notamment du point de vue des luttes sociales et politiques que vont provoquer les nouvelles inégalités associées à l’industrialisation du monde moderne. Une exploitation qui rend toujours compte parfaitement de certaines configurations du monde du travail contemporain, tout d’abord dans les pays du tiers monde, où le travail des enfants, et plus globalement, les conditions de travail "esclavagistes" du travail déqualifié, sont des réalités prégnantes et insupportables dont tirent toujours profit, en toute impunité, les firmes multinationales des pays nantis, en collusion d’intérêts avec les minorités possédantes au pouvoir dans les pays en développement. Dans les pays riches également, où la réalité sociologique du suicide au travail vient nous rappeler que l’aliénation de la force de travail est toujours d’actualité, et dans lesquels l’explosion contemporaine des inégalités nous ramène à une société bipolaire et conflictuelle. Néanmoins, le processus d’égalisation des conditions, envisagé de façon prophétique par Alexis de Tocqueville, a lui aussi caractérisé indéniablement certaines évolutions sociétales au cours du XXième siècle, et en France, tout particulièrement durant les fameuses "Trente glorieuses" (1945-1975), avec une réduction importante de certaines inégalités économiques et sociales et l’existence d’une véritable mobilité sociale. Pour autant, depuis le début des années 80, alors que les inégalités commencent à s’atténuer entre les pays riches et les pays en développement, une nouvelle dynamique d’accroissement des inégalités est en marche, tant au sein des pays riches que des pays pauvres. Quel regard peut-on alors porter sur cette nouvelle dynamique des inégalités pour la France en particulier ?
L’économie française, comme toutes les autres économies insérées dans l’économie mondiale, subit les effets de l’accélération de la mondialisation qui est à l’œuvre depuis plus d’une trentaine d’années, pour le meilleur….et pour le pire ! Car, la mondialisation, tout du moins dans sa version dérégulée et non contrôlée par des instances supranationales garantes de l’intérêt général de tous les peuples, a eu des effets négatifs destructurants sur le tissu social de notre économie, dans la mesure où, dans le même temps, des choix politiques se sont faits clairement dans le sens d’une remise en cause des solidarités sociales mises en place à partir du lendemain de la Seconde guerre mondiale dans le cadre de l’Etat-providence. A cette remise en cause, en particulier sur les fronts de la sécurité sociale, des droits à la retraite et de l’indemnisation chômage (cf. les différentes réformes durant ces dernières années pénalisant malades, retraités et chômeurs), s’est ajoutée, tout aussi clairement, et ce depuis le début des années 90, une politique fiscale particulièrement généreuse à l’égard des strates sociales les plus aisées de la société (2). Dans un contexte où la fragilisation des plus faibles par la nouvelle phase libérale de la globalisation aurait dû appeler un renforcement de la régulation étatique, bien au contraire, ces choix politiques, en laissant triompher le moins-disant social, ont contribué à l’apparition de nouvelles fractures sociales importantes dans notre société "d’opulence" qui, tout en voyant ses inégalités prospérer de façon importante, n’a pourtant jamais été aussi riche dans son histoire, tout du moins si l’on en juge par le niveau de son PIB par habitant ! Enfin, au-delà de ces orientations politiques qui répondent à la défense "habilement" dissimulée des intérêts des plus favorisés dans notre société, il faut aussi lire dans les fissures actuelles de la cohésion sociale, les difficultés de la transition d’un modèle productiviste en pleine crise écologique, et surtout, en perte profonde de sens éthique sur sa capacité à produire du bien-être.
Approcher ces nouvelles fractures sociales qui délitent le lien social n’est pas une tâche aisée pour les sociologues. Néanmoins, nous disposons d’instruments statistiques et de nombreuses données issues d’enquêtes sérieuses et approfondies permettant d’en rendre compte, à l’aide, en particulier, de la mesure de l’évolution des inégalités dans les très nombreux domaines des sphères économique et socio-démographique : revenus, patrimoines, chômage, conditions de travail, logement, espérance de vie, accès aux soins, réussite scolaire, etc. Une première vision de l’augmentation importante des inégalités en France depuis le milieu des années 80 peut être donnée par l’évolution d’indicateurs synthétiques, comme le baromètre des inégalités et de la pauvreté, le BIP40 (3). Mais, ce genre d’information synthétique ne saurait se dispenser d’éclairages plus précis dans les différents domaines où les inégalités sont de plus en plus indécentes. A commencer par l’aggravation des inégalités de revenus : ainsi, selon l’Insee, après prélèvements obligatoires et prestations sociales, la part des revenus reçue par les 10 % les plus riches passe de 22,5 % en 1998 à 24,3 % en 2008, la part des 10 % les plus pauvres passant, quant à elle, de 3,8 % à 3,6 %. Comme le montre l’Observatoire des inégalités (4), il ne s’agit pas d’un phénomène propre à la France où il apparaît d’ailleurs moins sensible que dans les pays anglo-saxons, mais aboutit, au demeurant, à un niveau historiquement élevé de la pauvreté en France avec 8,2 millions de pauvres en 2009 (13, 5 % de l’ensemble de la population), entendez, des personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté (5). Enfin, ces inégalités de revenus sont beaucoup moins révélatrices du renouveau du fait inégalitaire dans nos sociétés que celles portant sur la détention des patrimoines qui représentent une remarquable photographie de l’histoire des revenus du passé (du travail et de l’épargne !…et des héritages !!). Et selon les dernières statistiques en la matière (6), en 2010, les 10 % des ménages les plus riches détiennent à eux seuls 48 % de la masse totale du patrimoine en France !…..une concentration qui s’est accentuée au cours de la décennie 2000, même si le phénomène reste en deça, par son ampleur, aux évolutions constatées au pays de l’oncle Sam où, sur la période 1995-2011, le patrimoine médian des 40 % des ménages les plus pauvres a fondu de 35 %, alors que celui des 10 % des plus nantis a littéralement explosé avec une hausse de 140 % !
Dans leur irrésistible mouvement d’ascension depuis le milieu des années 80, en France, les inégalités économiques, sociales et culturelles, se reproduisent par hérédité sociale et ont tendance à se cumuler pour un même individu, comme le montrent les différentes enquêtes de terrain. L’échec scolaire, tout d’abord, aboutissant à l’absence de diplôme et/ou de qualification suffisamment élevée, et significativement plus marqué dans les milieux sociaux défavorisés, réduit l’accès à l’emploi, accentue l’exposition à la précarité et affaiblit les chances de retour à l’emploi après une période de chômage pour les jeunes actifs issus de ces milieux (7). En effet, si les jeunes sont globalement plus exposés au chômage que les autres catégories d’âges (un jeune de moins de 25 ans sur cinq ! ), il n’en demeure pas moins que la quasi-totalité des 160.000 jeunes qui sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme - dont 60.000 sans aucune formation-, sont issus des rangs des strates les plus modestes de la société. Plus globalement, chômage récurrent et précarité de l’emploi frappent les mêmes types de populations (jeunes, mais également femmes et catégories socioprofessionnelles d’ouvriers et d’employés), aboutissant à des inégalités croissantes dans l’accès aux soins, au logement, à l’éducation, aux loisirs et à la culture. De fait, de nouvelles fractures sociales apparaissent, en donnant des visages d’un autre siècle à la pauvreté en France, avec ses travailleurs pauvres…..et ses enfants pauvres. Car, en matière de pauvreté infantile, selon l’Unicef, si la France se situe dans la moyenne des pays riches, en limitant les dégâts grâce à son système de protection sociale, elle affiche néanmoins, en 2009, la préoccupante statistique que 8,8 % des enfants français vivaient dans des ménages dont le revenu est inférieur à la moitié du revenu médian (par comparaison cette part est de l’ordre de 5 % dans les pays nordiques, de 15 % au Royaume-Uni, et dépasse les 20 % aux Etats-Unis). C’est donc à une véritable spirale des inégalités débouchant sur la pauvreté et l’exclusion sociale à laquelle on assiste pour les franges les plus vulnérables de la société, comme l’ont particulièrement bien analysé, en particulier, dans leurs travaux respectifs, les sociologues Serge Paugam et Gianluca Manzo (8). Et, une spirale des inégalités menant aussi assez rapidement à une autre inégalité de fait majeure qui se développe de façon inquiétante dans notre démocratie et la fragilise, celle à l’égard du droit de vote. Car, si dans nos sociétés "démocratiques", il y a bien une égalité en droit devant le vote, il apparaît de plus en plus évident que cette égalité disparaît socialement, à en juger par le constat selon lequel les taux d’abstention aux élections sont d’autant plus forts que les catégories d’individus sont défavorisées des points de vue socioculturel et économique (faible niveau de diplôme, surreprésentation du chômage et de la précarité, etc.). Comme l’a très bien étudié le politologue Daniel Gaxie, il y a, en effet, un véritable comportement d’auto-déshabilitation (9) de la part de ces strates "oubliées" de la République et fragilisées par l’ampleur du double choc de la mondialisation désindustrialisante et néolibérale, et de l’actuelle crise des dettes publiques en Europe.
Et demain ? Une seule chose est bien sûre : l’humanité a encore un long chemin à parcourir pour sortir de l’"Ancien régime" et de son cortège d'injustices économiques et sociales, si tant est qu’elle veuille en sortir un jour. En attendant, le combat associatif, syndical et politique des insoumis et résolus contre l’illégitimité de certaines inégalités continue. Aux armes, citoyens !
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Article paru également dans la revue Idées du Centre national de documentation pédagogique (CNDP), n°170, décembre 2012. YVES BESANÇON
LA THÉORIE DU CAPITAL HUMAIN DE GARY BECKER
Gary Becker a placé l’humain au cœur de l’économie, et insisté sur le rôle de l’investissement dans le capital humain, en particulier l'éducation. Retour sur un concept économique majeur.
The Economist
Pourquoi les familles ont-elles moins d’enfants dans les pays riches ? Pourquoi les entreprises des pays pauvres offrent-elles souvent des repas à leurs salariés ? Pourquoi chaque nouvelle génération passe-t-elle plus de temps sur les bancs de l’école que les précédentes ? Pourquoi le salaire des travailleurs très qualifiés a-t-il augmenté alors même qu’ils étaient toujours plus nombreux ? Pourquoi les universités devraient-elles prélever des frais de scolarité ?
Voilà un éventail incroyablement large de questions. Certaines réponses paraissent intuitives, d’autres plus troublantes. Pour Gary Becker, cet économiste américain décédé en 2014, un fil rouge reliait toutes ces questions entre elles : le capital humain.
“Tout comme l’investissement dans le capital technique peut être payant pour une entreprise, l’investissement dans le capital humain s’avère aussi payant pour les individus”
En termes simples, le capital humain désigne les aptitudes et les talents qui rendent les individus productifs. Le savoir en est la composante essentielle, mais d’autres facteurs comptent aussi, du sens de la ponctualité jusqu’à l’état de santé. L’investissement dans le capital humain correspond donc principalement à l’éducation, mais intègre aussi d’autres éléments, comme par exemple la transmission de valeurs parentales, ou encore le régime alimentaire. Tout comme l’investissement dans le capital technique (qu’il s’agisse de construire une nouvelle usine ou de moderniser du matériel informatique) peut être payant pour une entreprise, l’investissement dans le capital humain s’avère aussi payant pour les individus. Les revenus des travailleurs instruits dépassent généralement ceux de la population générale.
Capital humain spécifique et générique
Tout cela peut sembler évident. Au XVIIIe siècle déjà, l’économiste Adam Smith avait remarqué que la production ne dépendait pas seulement de l’équipement et du terrain, mais aussi des aptitudes des travailleurs. Pourtant, avant que Gary Becker n’examine les rapports entre éducation et revenus dans les années 1950, peu d’attention était accordée au lien entre ces aptitudes et la théorie économique ou les politiques publiques.
Les économistes avaient au contraire pour habitude de concevoir le travail comme une masse indifférenciée de travailleurs, amalgamant travailleurs qualifiés et non qualifiés. Au point que certains sujets, comme la formation, étaient abordés sous un angle pessimiste. Arthur Pigou, l’économiste anglais auquel est attribuée la paternité du terme “capital humain”, anticipait une pénurie de travailleurs qualifiés : il prévoyait que les entreprises ne verraient pas d’intérêt à former leurs salariés à de nouvelles compétences, au risque qu’ils soient ensuite débauchés par leurs concurrents.
Après la Seconde guerre mondiale et la loi “GI Bill” finançant la formation des soldats démobilisés, l’éducation a commencé à attirer l’attention des économistes, parmi lesquels Gary Becker. Ses parents n’ayant jamais dépassé le collège, mais l’ayant abreuvé de discussions politiques dans son enfance, Gary Becker a voulu étudier la structure de la société. Les cours de Milton Friedman à l’Université de Chicago, où Gary Becker a obtenu son diplôme en 1955, lui ont permis de découvrir le pouvoir analytique de la théorie économique. Son doctorat en poche, Gary Becker, alors âgé d’environ 25 ans, a été recruté par le National Bureau of Economic Research pour travailler sur un projet consistant à calculer les retombées économiques de l’éducation. Ce qui semblait être une question simple l’a amené à réaliser que personne n’avait encore étoffé le concept de capital humain. Au cours des années suivantes, il a développé une théorie complète, susceptible de s’appliquer à tout type de domaine, et, assez vite, à des sujets généralement considérés comme étrangers à l’économie, telles que le mariage ou la fertilité.
Une des premières contributions de Gary Becker a consisté à distinguer le capital humain spécifique du capital humain générique. Le capital spécifique émerge quand les travailleurs acquièrent des connaissances directement liées à leur entreprise, par exemple sur la façon d’utiliser les logiciels propriétaires. Les entreprises financent volontiers ce type de formations, car elles ne sont pas transférables. Au contraire, comme Arthur Pigou l’a suggéré, les entreprises sont souvent réticentes à investir dans le capital humain générique : apprenez aux salariés à devenir de bons programmeurs de logiciels, et ils pourraient simplement quitter le navire pour rejoindre une entreprise offrant un meilleur salaire.
“Le capital spécifique émerge quand les travailleurs acquièrent des connaissances directement liées à leur entreprise, par exemple sur la façon d’utiliser les logiciels propriétaires”
Mais ce n’était que le début de son analyse. Gary Becker a remarqué que les individus acquéraient bien un capital humain générique, mais généralement à leurs propres frais, et non aux frais de leur employeur. C’est le cas à l’université, où les étudiants s’endettent pour financer leurs études avant d’entrer sur le marché du travail. C’est aussi vrai dans la plupart des secteurs : la faible rémunération des internes, des stagiaires et des salariés débutants est une façon de leur faire partager les coûts de leur rodage professionnel.
L’éducation et l’investissement dans le capital humain
Gary Becker a émis l’hypothèse que les individus calculeraient scrupuleusement combien investir dans leur propre capital humain. Ils compareraient les profits escomptés liés à différents choix de carrière et estimeraient le coût de l’éducation nécessaire pour entreprendre ces carrières, en prenant en compte le temps passé sur les bancs de l’école. Il savait que la réalité était beaucoup plus confuse, les décisions minées par l’incertitude et les motivations complexes, mais il a décrit son modèle comme “une façon économique de voir la vie”. Ses hypothèses simplificatrices, supposant des individus aux décisions rationnelles, ont posé les jalons d’une théorie élégante du capital humain, qu’il a exposée dans plusieurs articles fondateurs et dans un livre au début des années 1960.
“Les individus calculeraient scrupuleusement combien investir dans leur propre capital humain. Ils compareraient les profits escomptés liés à différents choix de carrière et estimeraient le coût de l’éducation nécessaire pour entreprendre ces carrières”
La théorie du capital humain a permis d’expliquer pourquoi les jeunes générations passaient de plus en plus de temps à s’instruire : l’allongement de l’espérance de vie a augmenté la rentabilité de l’éducation. Cette théorie a aussi éclairé les causes de la généralisation de l’éducation : les progrès technologiques ont accentué les avantages de l’acquisition de compétences, qui à leur tour ont nourri la demande d’éducation. Elle a montré que le sous-investissement en capital humain constituait un risque constant : étant donné la longue période nécessaire pour rentabiliser leurs études, les jeunes gens peuvent manquer de visibilité à long terme ; et les créanciers hésitent à les soutenir à cause de leur manque de garanties – car les attributs comme le savoir demeurent la propriété de celui qui les a acquis, contrairement aux biens physiques qui peuvent être saisis. Cette approche a aussi suggéré que la quantité d’emplois de qualité n’était pas limitée a priori, et que les emplois très rémunérateurs se multiplieraient à mesure que les économies produiraient plus de diplômés qualifiés, générant plus d’innovation.
La notion de capital humain pouvait aussi s’appliquer à des sujets qui dépassent les bénéfices de l’éducation au niveau individuel. Le concept de capital humain est une variable puissante pour expliquer pourquoi certains pays tiraient bien mieux que d’autres leur épingle du jeu : pour promouvoir la hausse des revenus à long terme, l’investissement massif dans l’éducation est une nécessité. La notion de capital humain a aussi éclairé les raisons pour lesquelles les entreprises des pays pauvres tendent à être plus paternalistes, dotées de dortoirs et de cantines : elles réalisent des gains de productivité immédiats grâce à des travailleurs reposés et bien nourris. Ce concept a également éclairé les causes de l’augmentation des effectifs de femmes en études de droit, de finance et de sciences depuis les années 1950 : l’automatisation d’une grande partie du travail domestique a permis aux femmes d’investir davantage dans leurs carrières. Le concept a en outre aidé à expliquer le rétrécissement des familles dans les pays riches : une valeur croissante étant accordée au capital humain, les parents doivent investir davantage dans chaque enfant, ce qui rend les familles nombreuses plus coûteuses.
Les controverses
Mais une théorie qui tente d’expliquer des phénomènes aussi divers est condamnée à rencontrer des résistances. De nombreux détracteurs se sont indignés face à la logique de Gary Becker : centrée sur le marché, elle semblait réduire les individus à de froides machines calculatrices. Malgré la grossièreté de terme “capital humain” (en 2004, un jury de linguistes allemands a élu le vocable “humankapital” mot le plus inapproprié de l’année), c’est le rôle des sciences sociales d’identifier et d’affiner des concepts qui pourraient autrement être flous. Le cadre de pensée de Gary Becker a été nécessaire pour expliciter l’importance de l’éducation, et placer l’humain au cœur de l’économie.
Au sein de la discipline, certains ont objecté que Gary Becker avait surestimé l’importance de l’apprentissage. L’éducation importe, non pas parce qu’elle transmet des savoirs, mais en raison de ce qu’elle signifie au sujet des individus qui terminent l’université : ils sont disciplinés et donc plus susceptibles d’être productifs. De toute façon, les personnes qui ont le plus d’aptitudes sont aussi celles qui ont le plus de chances d’obtenir des diplômes de haut niveau.
“Une théorie qui tente d’expliquer des phénomènes aussi divers est condamnée à rencontrer des résistances”
Pourtant, des analyses empiriques de plus en plus sophistiquées ont révélé que l’acquisition de connaissances est bien une part importante de l’expérience étudiante. Gary Becker lui-même a mis en avant des études montrant qu’un quart de l’augmentation du revenu moyen par habitant entre 1929 et 1982 aux États-Unis s’expliquait par la démocratisation de l’éducation. Pour l’essentiel, le reste de l’augmentation découlait de gains en capital humain plus difficiles à mesurer, comme la formation en milieu de travail et l’amélioration des conditions de santé.
Comme preuve de l’importance de l’investissement dans le capital humain – et en particulier la construction de systèmes éducatifs – Gary Becker aimait aussi mettre en avant le succès de certaines économies asiatiques comme celles de la Corée du Sud ou de Taïwan, dotées de peu de ressources naturelles en dehors de leur population. L’analyse initiale de Gary Becker se concentrait sur les bénéfices individuels pour les étudiants, mais les économistes qui lui ont succédé ont étendu leur champ de recherche aux avantages sociaux plus larges découlant de l’instruction des populations.
L’importance du capital humain est aujourd’hui tenue pour acquise. Mais la façon dont il doit être cultivé est plus controversée. Les partisans d’un État fort interprètent la théorie de Gary Becker pour en conclure que le gouvernement doit investir dans l’éducation et la rendre accessible au plus grand nombre à bas coût. Les conservateurs en revanche peuvent en conclure que les bénéfices individuels de l’éducation sont si importants que les étudiants doivent prendre en charge leurs frais de scolarité.
“Bonnes” et “mauvaises” inégalités
Les travaux universitaires de Gary Becker s’aventuraient rarement sur le terrain des propositions politiques, mais ses écrits populaires (un éditorial mensuel dans Businessweek amorcé dans les années 1980, puis des billets de blog les dernières années) offrent un aperçu de son point de vue. Tout d’abord, il parlait de “mauvaises inégalités” mais aussi de “bonnes inégalités”, une idée qui a aujourd’hui mauvaise presse. Les revenus plus importants des scientifiques, des docteurs et des programmeurs informatiques motivent les étudiants à affronter ces disciplines ardues, ce qui pousse la connaissance vers l’avant ; de ce point de vue, les inégalités contribuent au capital humain. Mais quand les inégalités deviennent trop extrêmes, l’éducation et même la santé des enfants de familles pauvres en souffrent, leurs parents s’avérant incapables de subvenir à leurs besoins. Les inégalités de ce type nuisent au capital humain, et donc à la société.
Quant au débat sur la légitimité pour les universités publiques de prélever des frais de scolarité, Gary Becker estimait que ce n’était que justice, puisque les diplômés pouvaient espérer profiter de revenus plus importants tout au long de leur vie. Il soutenait qu’il était plus constructif pour les gouvernements de financer la recherche et le développement plutôt que d’aider financièrement des étudiants destinés à devenir banquiers ou avocats. Néanmoins, concerné par la montée des inégalités aux États-Unis, il estimait qu’il fallait investir davantage dans l’éducation durant la prime enfance et améliorer l’état des écoles.
L’économie de la connaissance
Gary Becker a employé ses propres réserves prodigieuses en capital humain bien au-delà de l’éducation. Il a utilisé son “approche économique” pour tout analyser, des mobiles des criminels et des toxicomanes jusqu’à l’évolution des structures familiales, en passant par les discriminations envers les minorités. En 1992, il a reçu un prix Nobel reconnaissant à son œuvre le mérite d’avoir étendu l’analyse économique à de nouvelles sphères du comportement humain. Il reste l’un des économistes les plus cités des cinquante dernières années.
L’approche économique de Gary Becker, qui était au départ une remise en question radicale des conventions, a été attaquée lorsqu’elle s’est démocratisée. En mettant l’accent sur les limites de la rationalité, l’avènement de l’économie comportementale a remis en cause la description des individus comme des agents rationnels, cherchant à optimiser leur bien-être. Les progrès de la collecte et de l’analyse des données ont aussi suscité des recherches empiriques plus détaillées, qui ont remplacé les concepts généraux privilégiés par Gary Becker.
“L’allongement de l’espérance de vie accroît l’intérêt de la formation continue. Il est à la fois nécessaire et possible de renouveler le capital humain en imaginant de meilleurs systèmes de formation continue”
Mais c’est précisément parce que l’analyse de Gary Becker touche à tant de domaines qu’elle a encore beaucoup à offrir. Prenez par exemple le débat sur la façon dont les gouvernements devraient réagir aux progrès technologiques disruptifs. Du point de vue du capital humain, une réponse est évidente. Les avancées technologiques rendent plus rapidement obsolètes les connaissances acquises à l’école. Dans le même temps, l’allongement de l’espérance de vie accroît l’intérêt de la formation continue. Il est à la fois nécessaire et possible de renouveler le capital humain en imaginant de meilleurs systèmes de formation continue.
Ce n’est qu’un élément de réponse à la disruption technologique, mais c’est un élément essentiel. Avec sa théorie du capital humain, Gary Becker n’a jamais eu l’intention d’expliquer tous les phénomènes économiques ; il souhaitait seulement qu’elle explique partiellement beaucoup de choses. De ce point de vue, son travail demeure indispensable.
correction l'école favorise t-elle la mobilité sociale ?
L’école favorise-t-elle la mobilité sociale?
.Introduction
principe méritocratique ascenseur social
mobilité sociale : ensemble des changements de position des individus dans l’espace social, est estimée par leur position socioprofessionnelle, soit au cours de leur vie active (mobilité intragénérationnelle), soit d’une génération à lʼautre (mobilitéintergénérationnelle).
Ecole : fonction de transmission culturelle, de socialisation, de séléction
I l’école favorise la mobilité sociale
A. L’école joue un rôle essentiel dans la mobilité sociale...
Fournit les qualifications qui permettent d’avoir un emploi .
mutations du système éducatif : massification et démocratisation scolaire.
Les enfants des catégories populaires accédent aux diplômes du second degré puis du supérieur. Ainsi plus de 50% des enfants dʼouvriers et dʼemployés nés entre 1983 et 1987 obtiennent le baccalauréat contre seulement 21% pour la génération née entre 1964 et 1968 doc 4
29%des bacheliers en 2011 sont fils dʼouvriers, 21%sont fils de professions intermédiaires et 23% fils de cadres. (doc 2)
B. ... et participe donc à la mobilité sociale verticale intergénérationnelle ascendante
•
On constate, grâce au document 3, que17% des fils dʼouvriers appartiennent en 2003 à la catégorie «professions intermédiaires» et que par exemple 26% des fils de «profession intermédiaires» appartiennent en 2003 à la catégorie «cadres et professions intellectuelles supérieures». On imagine
certes qu
ʼ
une partie de ces cas de mobilité verticale ascendante s
ʼ
explique par les changements de la
structure socioprofessionnelle (mobilité structurelle). Toutefois, ces «mobiles sociaux» le sont devenus
aussi grâce à leur réussite scolaire. L
ʼ
école favorise donc la mobilité sociale verticale ascendante.
•
L
ʼ
école accompagne la mobilité structurelle. En répondant aux besoins croissants del’appareil productif en main-dʼœuvre qualifiée par la création de nouveaux diplômes, lʼécole facilite les possibilités de mobilité liées à lʼévolution de la structure socioprofessionnelle dʼune génération à lʼautre. Prendre des exemples de
catégories en déclin, dʼautres en expansion (document
3).Si lʼécole joue, à lʼévidence, une fonction importante dans la mobilité sociale, il faut admettre toutefois que son influence demeure limitée.
II. ...quʼil convient cependant de nuancer
A. Une réussite scolaire sous influence
•
Le niveau de diplôme des parents influence la réussite scolaire et joue encore un rôle décisif dans lʼobtention du baccalauréat. Ainsi, les enfants nés entre 1983 et 1987 dont le père est ouvrier ou employé ont 52% de chances dʼobtenir le baccalauréat. Ce taux monte à 85% si leur père est cadre ou profession
intermédiaire (cf cours). Or, on vient de le voir, le diplôme est déterminant pour accéder à un statut professionnel élevé.
Autre illustration (doc 2)
: 38% des élèves de 6° en 1995 sont fils dʼouvriers, 16% sont fils de «cadres et de
professions intellectuelles supérieures». En revanche, 9% des élèves inscrits en classe préparatoire aux grandes écoles sont fils dʼouvriers, 55% sont fils de «cadres et de professions intellectuelles supérieures.
•
Cela montre comment lʼécole participe à la reproduction sociale. Les enfants de parents diplômés héritent, selon Pierre Bourdieu, dʼun capital culturel en adéquation avec les attentes de lʼécole. Lʼinégalité sociale à lʼécole sʼexplique donc par la proximité entre la culture des milieux les plus favorisés et la culture scolaire.
Ne disposant pas des codes culturels (maîtrise de la langue, culture générale...) propices à la réussite scolaire, les enfants des catégories populaires (peu diplômées) sont plus souvent en échec scolaire. Cette inégalité sociale à lʼécole contribue fortement à la reproduction sociale.
B. Le marché de lʼemploi reflète les inégalités scolaires
•
Le rendement social des diplômes est lui aussi inégal selon le sexe et le milieu social dʼorigine. Lʼaccès à une profession de cadre ou de profession intermédiaire pour les diplômés du baccalauréat est marqué par des inégalités selon le sexe et le milieu dʼorigine. Ainsi, 30% des hommes diplômés du baccalauréat accèdent à une profession de cadre ou de profession intermédiaire, contre seulement 27% des femmes.
Lʼinégalité est encore plus forte selon le milieu dʼorigine puisque si 37% des personnes dont le diplôme le plus élevé est le baccalauréat et ayant un père cadre ou profession intermédiaire deviennent cadre ou profession intermédiaire, ce pourcentage baisse à 25% lorsque le père est ouvrier ou employé
(document1).Cela peut sʼexpliquer par les stratégies des acteurs (Boudon) et le K social (Bourdieu). Les enfants des milieux les plus favorisés ont ainsi tendance à sʼinscrire dans des réseaux sociaux pré-établis par leurs parents qui leur permettent de valoriser leur diplôme scolaire.
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Certains effets pervers de la démocratisation scolaire limitent le rôle de l
ʼ
école dans la mobilité sociale. Premièrement, si le nombre de diplômés augmente plus rapidement que le nombre de postes qualifiés, alors une partie de ces diplômés nʼaura pas accès à ces emplois qualifiés. Deuxièmement, la généralisation de certains diplômes contribue à les dévaloriser sur le marché du travail, leur obtention nʼest donc plus suffisante pour permettre la mobilité sociale(On retrouve encore la stratégie des acteurs de Boudon). Le document4 illustre ce paradoxe mis en évidence par Charles Anderson (à développer en
reprenant le DUT par rapport aux études du père).
Conclusion
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En définitive, il apparaît que lʼécole, en promouvant lʼégalité des chances, enaccompagnant les mutations de la structure sociale, en participant par lʼobtentiondʼ
un diplôme à lʼinsertion professionnelle, joue un rôle important dans la mobilité sociale. Ce rôle demeure cependant limité par le maintien de profonds
déterminismes dans la réussite scolaire (effet du capital culturel) et dans les conditions dʼinsertion professionnelle (effets du capital social) et par les stratégies des acteurs. À lʼextrême, certains considèrent que lʼécole, en ne garantissant pas pleinement lʼégalité des chances participe à la reproduction sociale.