LA BANLIEUE EST-ELLE UN LIEU DE DESINTEGRATION SOCIALE ?
1 – Au niveau des quartiers prévaudrait une solidarité mécanique, c’est-à-dire reposant sur la similitude sociale des habitants, leur proximité physique et la pression d’un conformisme local : "On habitait un quartier populaire parce qu’on était ouvrier. On y vivait entre ouvriers, avec des manières d’être similaires qui contribuaient à donner à chacun le sentiment d’une identité collective, d’une force propre dans la société, dans la ville". Au niveau inter-quartiers, c’est de solidarité organique dont il sera question.(Source : Jean-Samuel Bordreuil, "La Ville desserrée", Coll. L’état des savoirs, La Découverte, 2000)
Q1 – Quels sont les deux types de solidarité qu’engendre le fait d’habiter en ville
2 – Sur le papier, l'idée paraissait comme frappée au coin du bon sens : rapprocher l'habitat des usines. C'est sur ces bases que le quartier de la Rose-des-Vents fut édifié, à partir de 1969, dans la partie nord du territoire d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis). Ce « grand ensemble » germa sur d'anciennes terres agricoles. Sa vocation : donner un toit aux ouvriers et aux cadres d'une nouvelle unité de production de Citroën, qui devait être implantée à quelques centaines de mètres de là. A l'époque, l'entreprise « importait » d'Afrique des ouvriers par convois entiers.
Les premiers arrivants. Belkacem Bellakhal, 47 ans, garde un souvenir précis de l'époque où sa famille emménagea. Son père avait quitté le Maroc en 1958 pour devenir mineur dans le Nord, avant d'être ouvrier chez Simca, en région parisienne. Au milieu des années 1960, les Bellakhal vivaient dans une cave louée par un compatriote indélicat : « C'était atroce. On a fait une demande de logement à la mairie. Quand la Rose-des-Vents s'est bâtie, on nous a donné un quatre- pièces. J'avais 11 ans. Pour moi, c'était le paradis. On se roulait dans la salle à manger de bonheur. On a dû appeler le gardien pour qu'il nous explique comment fonctionnaient les toilettes. C'était tout neuf, tout beau. Et dès qu'on sortait, on se retrouvait dans les champs de blé. » Le quartier comptait alors « plus de Français que d'immigrés », poursuit M. Bellakhal, qui travaille chez Citroën depuis vingt-neuf ans (pour 1 700 euros par mois) : « Il y avait aussi des Italiens et des Espagnols. Je ne ressentais aucun racisme. » Philippe Prévost, 47 ans, est né à Aulnay. En 1969, ses parents, boulangers dans le centre-ville, décident de s'installer sur ce qui n'était encore que la dalle du centre commercial Surcouf. « Les boutiques se sont peu à peu développées. Il y avait aussi des banques, des assureurs... Les gens étaient contents de quitter des logements insalubres pour des appartements fonctionnels. » Débarquaient des ménages de toutes origines. Des gendarmes du Bourget et de Roissy, des agents des PTT s'étaient vus réserver deux ou trois tours.
(Bertrand Bissuel, Sandrine Blanchard, Benoît Hopquin, Catherine Rollot et Xavier Ternisien, Le Monde du 18 novembre 2005)
3 – Jusque dans les années 60, il existait une continuité entre les composantes du tissu urbain. Non pas que les zones résidentielles des classes aisées se mêlaient allègrement aux cités d’habitat social, mais chaque niveau apparaissait accessible à ceux de l’étage inférieur. Le modèle ségrégatif était supportable parce qu’il reposait sur sa lisibilité et sa fluidité. Chacun pouvait à la fois se situer « socialement » et spatialement dans la ville puis, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, prendre l’ascenseur, gravir les marches de l’échelon social. (Source : Yazid Sabeg et Laurence Mehaignerie, Les oubliés de l’égalité des chances, Institut Montaigne, Janvier 2004)
Q2 – En quoi les « grands ensembles » des banlieues étaient-ils des liens d’intégration sociale ?
Q3 – Pour quelles raisons la ségrégation spatiale ne remettait pas en cause la cohésion sociale
4 – Voici des "jeunes de banlieue" qui ne brûlent pas de voitures et dont on ne parle jamais. Des ambitions plein la tête, aux antipodes des caricatures à cagoule qui ont occupé l'espace médiatique ces dernières semaines, ils veulent devenir magistrats, chefs d'entreprise, enseignants, traders, experts comptables, commissaires de police. Cette jeunesse nombreuse des quartiers populaires a eu son baccalauréat et peuple aujourd'hui les amphithéâtres de l'université Paris -13, à Villetaneuse, au cœur de la Seine-Saint-Denis.
Ces jeunes témoignent de la pression parentale sur les résultats scolaires. On leur a inculqué, dès le plus jeune âge, un profond respect de l'école. Et l'obligation d'obtenir des diplômes pour avoir une chance de s'insérer. Le salut a aussi pu ve nir des enseignants rencontrés dans les collèges ou les lycées. Conséquence logique de ce profond désir de réussite, ils rejettent toute idée de discrimination positive. Même si leur parcours doit être difficile, même si tous craignent des
discriminations au moment de l'entrée sur le marché du travail, ils revendiquent une insertion pleine et entière, mais liée à leurs seules capacités. Car, fondamentalement, ils estiment ne pas avoir à s'intégrer dans la société. Mokrane Hamadouche
: « Mes parents venaient de l'étranger et ont eu à s'intégrer. Mais moi, je suis autant français que Sarkozy. Je suis né ici, je parle français, je consomme français. Qu'est-ce que je dois faire de plus ? » Le jeune homme, qui se voit travailler dans
l'assurance ou devenir professeur en ZEP, met en avant la réussite familiale : une grande soeur qui effectue un mastère à l'université de Barcelone, une autre devenue agent d'escale, un frère qui prépare le bac S et deux autres, au collège, « qui ont régulièrement des félicitations ».
Dans un environnement difficile, le spirituel apporte un cadre. Notamment aux garçons, moins tenus par les parents.
Mokrane Hamadouche parle de l' « hygiène de vie » qui découle de la pratique religieuse. Mustapha Boutoula insiste sur sa fonction sociale dans des quartiers de la « banlieue rouge » qui ont longtemps été structurés par le Parti communiste : "Elle remplace un peu les institutions qui sont défaillantes."(Source : Luc Bronner, Le Monde du 25 décembre 2005)
5 – Dans les quartiers populaires plus qu’ailleurs les jeunes ont besoin de se retrouver entre eux par affinités musicales, sportives ou vestimentaires, ils constituent des groupes qui se font ou se défont au gré des "embrouilles". Ils développent assez souvent un tribalisme de quartier ou un nationalisme de cage d’escalier, mais ils ne forment pas pour autant des bandes structurées menaçant en permanence l’ordre public. Ces bandes, quand elles existent, sont pluriethniques à l’image de nos banlieues populaires ; elles sont à analyser comme mode de structuration primaire d’une jeunesse à la recherche de repères stables. Elles peuvent dévier, elles peuvent même donner lieux à des conduites délictuelles et criminelles, mais elles ne sont pas exclusivement portées vers cette orientation. Elles sont le plus souvent des lieux de retrouvailles, de fêtes, d’amitié, de chaleur humaine dans un univers froid, bétonné, exclu, à la marge. (Source : A.Jazouli, Les Années banlieues, Seuil, 1992)
6 – Dans l'univers populaire traditionnel, les conduites marginales des jeunes bénéficient de certains espaces de déviance tolérée. Certains débordements juvéniles sont acceptés car "il faut bien que jeunesse se passe" et, avant d'entrer dans la vie adulte, les jeunes ont le droit de "s'amuser". En fait, les conduites déviantes des jeunes - bagarre, petite délinquance - ne menacent pas l'intégration de la collectivité qui manifeste certaines capacités de régulation autonomes. Les bandes de "Blousons noirs" elles-mêmes participaient largement de ces déviances tolérées, elles étaient les ultimes manifestations d'une autonomie avant de se "perdre" dans le travail et dans le mariage. (Source François Dubet, La Galère, jeunes en survie, Regards sur l'actualité, n° 172, Juillet 1991)
Q4 – Quelles sont les institutions qui participaient à la socialisation et à l’intégration dans les banlieues?
Q5 – Expliquez la phrase soulignée du dernier document.
Doc 8
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