la dette grecque
Comment la dette grecque est devenue un fardeau européen ?
Cinq étapes et une série de graphiques pour tout comprendre sur la dette grecque, devenue l'une des clefs de l'avenir de l'euro et de l'Europe.
"Réduisez la dette. Dehors le FMI!". Slogan à Athènes. ALKIS KONSTANTINIDIS © REUTERS
La dette grecque est à nouveau au coeur des discussions européennes. Cinq jours après sa victoire aux élections, Alexis Tsipras rencontre vendredi le président de l’eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, et lundi son ministre de l’Economie viendra en France pour rencontrer Michel Sapin, le ministre des Finances français. Ce dernier a déclaré jeudi qu’il «fallait alléger le fardeau de la dette, sans pour autant l’annuler». Mais de quoi parle-t-on ? Quel est l'état de la dette du pays, d’où provient-elle, qui a prêté et comment le pays peut-il s’en sortir? Réponses à ces question cruciales pour l'avenir de l'euro et de l'Europe en cinq étapes et une série de graphiques.
1. La crise s'emballe : la Grèce ne peut plus emprunter
Quand la crise a éclaté en mai 2010 en Grèce, l'Etat, comme dans tous les autres pays, émettait des bons du trésor. Ils étaient achetés sur les marchés financiers. Par qui? Par des fonds d'investissement, des gérants des fortunes privés ou des assurances-vie, des fonds de pension gérant des retraites, ou encore des banques. Fin 2009, selon la Banque des Règlements Internationaux, les banques françaises étaient celles qui détenaient le plus de dette grecque dans leur portefeuille (57 milliards d’euros), devant les banques allemandes (34 milliards d’euros).
Face au risque que la Grèce ne rembourse plus cette dette, ceux qui en possédaient ont voulu vendre leurs bons du trésor grecs. Les prix de ces bons se sont effondrés, ce qui a fait exploser les taux d’intérêt. Car bien sûr, quand la Grèce est venue demander de l’argent sur les marchés financiers, comme elle le faisait sans problème auparavant, plus personne n’a voulu lui prêter, sauf à des taux exorbitants (les taux d’intérêt grandissent avec le risque que l’emprunteur ne rembourse pas).
2. L'Europe à l'aide : la dette passe du secteur privé au public
En mai 2010, les banques européennes ne sont pas tout à fait remises de la faillite de Lehman Brothers. Les potentielles pertes que représente le non remboursement par la Grèce d’une partie de sa dette font craindre de nouvelles faillites bancaires dans la zone euro.
La première phase des plans d'aide a donc consisté en une chose très simple : faire passer cette dette des mains, ou plutôt des tiroirs caisses, du privé à ceux du public. Les créanciers privés ont renoncé à 107 milliards d'euros, et pour éviter que le cours ne s'effondre, la Banque centrale européenne (BCE) s'est mise à acheter des titres de dette grecque.
De leur côté, le FMI et les états de la zone euro ont prêté à la Grèce l'argent qui lui manquait pour rembourser ses échéances. La dette a donc changé de structure. Elle était constituée à 100% par des bons du trésor échangeables sur les marchés financiers. Aujourd'hui, ils représentent 25% de la dette (soit 79.9 milliards d'euros), le reste (241.8 milliards d'euros) est constitué de prêts. Au total, la dette de la Grèce s'élève à 321.7 milliards d'euros.
Répartition de la dette grecque entre prêts et titres de marché ©
3. Qui a prêté de l'argent à la Grèce ?
Le FMI a prêté 32 milliards d'euros. Les Etats de la zone euro ont prêté le reste : 226.9 milliards (soit 70% du total), mais par deux canaux différents :
- Le premier canal est le prêt bilatéral simple. Avec 11,4 milliards d'euros, la France est le deuxième prêteur après l'Allemagne, selon les derniers chiffres de la Commission Européenne.
Prêts bilatéraux à la Grèce: principaux pays concernés ©
- le second canal de prêt est un fonds spécialement créé pour l'occasion, le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Aujourd'hui, ce fonds -qui a aussi prêté à l'Irlande et au Portugal- détient 141,8 milliards d'euros de dette grecque. C'est presque la moitié du total. Au sein du FESF, chaque pays de la zone euro participe à hauteur de son poids économique.
FESF:principaux pays exposés via le Fonds européen de solidarité financière © RADIO FRANCE
Quand le prêteur emprunte. Mais pour prêter cet argent, le Fonds européen de stabilité financière a lui-même dû emprunter. La France n'a donc pas vraiment prêté à la Grèce 31 milliards d'euros, mais elle a garanti cette somme sur les 141.8 milliards empruntés par le Fonds européen de stabilité. Si la Grèce ne rembourse pas cet argent, la France devra donc le faire elle-même.
Au total, si on ajoute le prêt bilatéral et la garantie pour le fonds européen de stabilité, la France a prêté plus de 42 milliards d’euros à la Grèce. A titre de comparaison, le budget de l’enseignement scolaire, qui est le premier budget de l’Etat (hors paiement des intérêts de la dette) sera de 47 milliards d’euros en 2015.
4. Que peut-il se passer en cas de renégociation?
Il y a trois façons de renégocier (on dit aussi restructurer dans le jargon financier) une dette : en annuler une partie, modifier les taux d’intérêt consentis ou rééchelonner la durée du prêt.
En 2012 tous ces moyens ont déja été utilisés. Les créanciers privés ont effacé 107 milliards d’euros de dette, les taux d’intérêt des prêts bilatéraux ont été revus à la baisse, le Fonds européen de stabilité a accordé à la Grèce un moratoire de dix ans avant tout paiement des intérêts.
Aujourd’hui, les marges de négociation sont donc faibles. Il va falloir sans doute passer par une annulation pure et simple d’une partie de la dette grecque. Ce sont les créditeurs de la Grèce qui y perdront, donc les contribuables des pays de la zone euro, l’Allemagne et la France en particulier.
Il y a urgence. En juillet, la Grèce doit rembourser 12 milliards à la BCE et au FMI. Sans assistance financière, elle n’y arrivera pas. S’il n’y a pas de renégociation, une nouvelle crise grecque se profile. Et la valeur de la dette en pourcentage du PIB du pays continuera de s'envoler, comme elle le fait depuis le début de la crise.
L'explosion de la dette grecque (versus France & Allemagne) depuis 2007 ©
5. Pour le moment la Grèce rapporte de l’argent à la France
Les 226.9 milliards d’euros prêté par les pays de la zone euro à la Grèce ne l’ont pas été à taux zéro. En moyenne, le Fonds européen de stabilité financière prête à un taux de 1,5%, mais pendant dix ans encore la Grèce ne rembourse pas les intérêts.
Concernant les prêts bilatéraux, les taux varient en fonction des pays. Pour la France, Bercy préfère donner un chiffre global. Depuis 2010, sur quatre ans, les prêts à la Grèce lui ont rapporté 729 millions d’euros, qui sont rentrés comme des recettes dans le budget de l’Etat. C’est peu ou prou le montant prévu au budget français en 2015 pour le ministère de la Culture.
Quand à la BCE, elle reverse à la Grèce les intérêts qu’elle gagne avec ses achats de dette grecque.
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