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Q3. Quelles sont les remèdes proposées au chômage ?
Q4. Qu'est ce que le chômage conjoncturel ?
Q5. Quels sont les remèdes au chômage conjoncturel ?
Q6. Quelle est la théorie dominante aujourd'hui concernant le chômage ? Quelles sont les solutions proposées par cette théorie ?
A. Les politiques de soutien à la demande pour lutter contre le chômage keynésien.
Keynes a construit une théorie qui vise à réfuter la loi de Say selon laquelle l'offre devrait créer sa propre demande. En effet selon lui, les classiques et les néo-classiques ne peuvent expliquer les crises de surproduction et notamment la crise des années 30 qui a vu gonfler le taux de chômage dans des proportions impressionnantes. Selon lui, le travail n'est pas une marchandise et il ne faut pas l'envisager uniquement sous l'angle du marché, le salaire n’est pas un prix comme un autre. L’offre de travail se cale sur le salaire nominal et non pas sur le salaire réel. Or Le niveau des salaires nominaux est rigide à la baisse. Il dépend des institutions, des négociations et des rapports de force entre employeurs et salariés. L’emploi n’est donc pas déterminé par la rencontre de l’offre et de la demande mais par la demande effective qui commande le niveau de production et d’emploi. Le niveau de l'emploi dépend de la demande de biens, qui peut se situer à un niveau ne permettant pas d’employer toutes les personnes qui souhaitent travailler. Le marché du travail ne sert qu'à fixer le niveau du salaire. L’idée néoclassique selon laquelle la baisse des salaires permet de réduire le chômage lui semble négliger l’équilibre général de l’économie : le salaire est aussi la base de la demande.
La demande de travail dépend du salaire réel
L’offre de travail est victime de l’illusion monétaire et dépend du salaire nominal.
Le niveau des salaires nominaux est donc rigide à la baisse.
L'emploi est déterminé par la demande effective ( anticipée)
Le chômage est involontaire tant que l’économie n’est pas au plein emploi.
Pour Keynes, le pessimisme des entrepreneurs peut les conduire à sous-estimer la demande, d’où un équilibre de sous-emploi. Alors que, pour les classiques, le niveau de l’emploi se détermine sur le marché du travail par la confrontation entre l’offre et la demande de travail, chez Keynes, le niveau de l’emploi est fixé unilatéralement par les chefs d’entreprise en fonction du niveau de demande effective (consommation et investissements anticipés). Il se détermine donc sur le marché des biens et des services. Il y a équilibre entre l’offre et la demande globale, mais le niveau de production qui en découle n’est pas suffisant pour absorber la main-d’oeuvre disponible, prête à travailler pour un salaire égal à sa productivité. C'est une situation de chômage keynésien.
L’Etat peut alors soutenir la demande effective par des politiques budgétaires. Celles-ci peuvent prendre la forme de politique de revenus (vers les salariés du secteur public), de redistribution (augmentation des prestations sociales), de politiques de grands travaux (investissements publics) ou de politiques fiscales (baisse des impôts). Par une augmentation des dépenses publiques, l’Etat fait jouer le multiplicateur, la relance de la croissance permet d’augmenter l’emploi et engendre des recettes qui permettent de rembourser les dettes. Selon Keynes, la politique monétaire est un outil complémentaire, la baisse des taux d’intérêts rend le crédit plus accessible et relance la consommation et l’investissement.
B. Les politiques d’allègement du coût du travail et de flexibilité pour lutter contre le chômage classique.
Les analyses libérales et néo-classiques définissent un chômage classique à partir de l'analyse du marché du travail. Pour les néoclassiques, le chômage vient d’abord de ce que le salaire réel en vigueur est supérieur au salaire d’équilibre. Résoudre le problème du chômage passe par la réduction de tous les coûts du travail ainsi que par la déréglementation des salaires et des contrats.
Le coût du travail provient des salaires, des cotisations sociales, des coûts d’embauche et de licenciement ainsi que des coûts de formation. Les entreprises multinationales comparent le coût du travail entre les pays. Par ce biais, les réglementations salariales et les systèmes de protection sociale sont mis en concurrence. Pour le patronat comme pour les économistes classiques, néo-classiques et nouveaux classiques, il n'y a pas de problème de débouché, car selon la loi de Say, toute offre crée sa propre demande. En revanche, le coût du travail trop élevé augmente les coûts par la dégradation de la compétitivité-prix et les entreprises perdent des marchés, elles n'embauchent pas et cela d'autant que les réglementations sur les contrats de travail empêchent de licencier facilement. Il faut donc réduire les salaires ou les charges sociales pesant sur le travail, quitte à subventionner les emplois peu qualifiés pour donner aux salariés un revenu décent. La demande de travail des peu qualifiés va augmenter puisque les entreprises estiment que le coût du travail des salariés non qualifiés est trop élevé au regard de leur productivité. D’autre part, la réduction du coût du travail peu qualifié améliore la rentabilité globale des entreprises bénéficiant des allègements de charges. Leur compétitivité s’améliore, elles gagnent des parts de marché et recrutent donc à la fois des travailleurs non qualifiés et qualifiés.
De telles politiques ont été menées en France dès 1982 avec la désindexation des salaires de l'inflation puis à partir de 1993 avec les politiques d'allègements de cotisation sociales pour les travailleurs proches du SMIC. En Allemagne, la politique salariale menée depuis les années 2000 a consisté dans une baisse des charges. Selon les données du Bureau of Labor Statistics du ministère du Travail américain, les coûts unitaires dans l'industrie (en monnaies nationales) ont baissé au total de 0,3 % en Allemagne entre 2000 et 2011, alors qu'ils progressaient de 7,8 % en France. Mais l'augmentation a été plus forte dans la plupart des autres pays européens. Gauthié alter eco
On peut émettre de sérieuses réserves sur la théorie d'un coût du travail trop élevé. Tout d'abord, les écarts de salaire entre les pays doivent être relativisés par "le coût unitaire de main-d'oeuvre", c'est-à-dire ce que coûte en main-d'oeuvre chaque unité produite. Ce coût unitaire se calcule simplement en divisant le salaire par la productivité du travail. Les écarts de salaire entre pays s'atténuent alors. De plus, mettre l’accent sur le coût du travail paraît peu stratégique quand la mondialisation implique pour les pays développés, une montée en gamme et une recherche de compétitivité structurelle.
Par ailleurs, on n'a pas observé de corrélation entre taux de chômage et coût du travail.
Selon les libéraux, la flexibilité du travail est une condition du bon fonctionnement du marché du travail. Les institutions qui encadrent le marché du travail ( syndicats, conventions collectives, protection contre le licenciement etc.) doivent être modifiées de façon à mettre en place un mode de gestion de la main d'oeuvre qui permet d'adapter rapidement la production, et l'emploi correspondant, aux fluctuations de la demande. Les politiques de flexibilisation du travail ont été promue par le FMI avant la crise de 2008. Il faut distinguer la flexibilité quantitative, la flexibilité qualitative et la flexibilité salariale :
La flexibilité quantitative repose sur la possibilité pour l'entreprise de faire varier le nombre d'heures de travail dont elle a besoin, soit en interne en annualisant le temps de travail ou en externe en embauchant et débauchant des contrats plus souples.
La flexibilité qualitative repose sur la possibilité de recourir à la sous-traitance (flexibilité qualitative externe) ou bien de développer la polyvalence de salariés bien intégrés et formés. Cette forme de flexibilité qualifiée de flexibilité fonctionnelle se développe particulièrement dans les nouvelles formes d'organisation du travail (toyotisme).
Enfin, la flexibilité salariale repose sur la recherche de dérogations à la législation en matière de salaires et du Smic afin d'adapter le salaire à la situation financière de l'entreprise et/ou à la productivité du salarié.
Les politiques destinées à lutter contre le chômage classique ont été menées dans de nombreux pays alors que l'on n'a pas établi de corrélation entre degré de flexibilté du marché du travail et chômage.
La flexibilité a en revanche de nombreuses limites :
La flexibilité salariale peut déprimer la croissance de la demande et déboucher sur de profondes inégalités, elle contribue alors à produire un chômage keynésien.
La flexibilité horaire ou quantitative interne rend plus flou les emplois du temps des collectifs de travail et des familles,ce qui complique l’engagement associatif et affecte les pratiques de sociabilité.
La flexibilité quantitative externe favorise la segmentation ou le dualisme du marché du travail. Dans l'entreprise, elle individualise les relations de travail par la diversification des contrats et place parfois les membres d’un collectif de travail dans des situations si différentes qu’il leur est difficile d’éprouver une identité et des intérêts communs, et a fortiori de s’engager dans une action collective. De plus elle empêche l'intégration des salariés dans l'entreprise ce qui peut engendrer des comportements de retrait, de repli sur soi, et n’incite pas à la formation ce qui contribue à former un chômage structurel.
Toutefois, la précarité n’est pas nécessairement la contrepartie de la flexibilité du marché du travail. Le modèle dit de « flexicurité » ou « flexsécurité », inspiré de l’expérience danoise, combine une faible protection de l’emploi, une indemnisation généreuse du chômage et des politiques actives de l’emploi axées sur la formation des demandeurs d’emploi. Ce modèle permet une réallocation très dynamique des emplois et un fort sentiment de sécurité professionnelle des salariés exprimé dans les enquêtes d’opinions.
C. Les politiques de lutte contre le chômage structurel
Le chômage structurel est lié à des changements de structures économiques dans un pays, provoquant une inadéquation qualitative entre l’offre et la demande de travail. L'évolution des qualifications dues aux évolutions techniques conduit à rendre inemployable une partie de la population active qui ne trouve plus d'emplois correspondant à ses qualifications.
Selon, Schumpeter, l’introduction des innovations engendre des phénomènes de destructions et de créations d’emplois, et de secteurs d’activité. Ainsi l’introduction d’innovations majeures comme le numérique pour les appareils photo a entraîné tout un ensemble de mutations de l’activité : fermeture de magasins de photographes, moindre production de pellicules photo, mais aussi création de nouvelles activités : développement en ligne des photos, création de nouveaux appareils photo, d’imprimantes. Tout cela a donc créé du chômage dans le secteur de l’argentique mais a contribué à de nouvelles activités dans le secteur du numérique.
La thèse du déversement établit que l'emploi diminue dans un secteur d'activité quand la productivité augmente plus rapidement que la demande pour les produits de ce secteur, et réciproquement l'emploi augmente quand la productivité augmente moins vie que la demande. C’est de cette façon que l’emploi a diminué au cours du 20ème siècle dans le secteur primaire, puis à partir de 1970 dans l’industrie, les faibles gains de productivité dans les services ainsi que l’augmentation de la consommation de service expliquent que les emplois se déversent désormais dans le tertiaire.
Ce déversement a des conséquences importantes sur le chômage structurel dans la mesure où il détruit des qualifications en même temps qu’il détruit les emplois et requiert des politiques de formation. Ce sont les catégories les moins qualifiées qui vont alors souffrir d'un fort taux de chômage. Une politique de l'emploi doit donc mettre l'accent sur la formation afin de requalifier les travailleurs qui voient leurs compétences se dégrader avec le progrès technique. Par ailleurs l'éloignement de l'emploi dégrade le capital humain, la subvention de certains emplois par l'Etat ( emplois aidés : contrats jeunes, contrats de qualification ) empêche cette obsolescence des qualifications en permettant aux individus de continuer et d'approfondir leurs expériences professionnelles.
On distingue les politiques actives et les politiques passives de l’emploi. Les politiques actives mettent en place des dispositifs qui ont pour but d’enrichir la croissance en emplois. Cela peut prendre la forme d’incitation à l’embauche par des exonérations de charge ou bien d’emplois aidés et favoriser la formation professionnelle. Les politiques passives ont pour objectif de rendre le chômage supportable ou bien de réduire la population active (indemnisation des chômeurs, pré-retraite etc.). Le chômage structurel rend nécessaire une politique active de formation afin de requalifier les travailleurs qui voient leurs compétences se dégrader avec le progrès technique. Les subventions de certains emplois par l'Etat (emplois aidés : contrats jeunes, contrats de qualification) peuvent empêcher ou retarder l’obsolescence des qualifications en permettant aux individus de continuer et d'approfondir leurs expériences professionnelles.
Q1. Comment Keynes rejette t-il la théorie néo-classique du marché du travail ?
Q2. Quels sont les déterminants de l’emploi selon Keynes ?
Q3. Faîtes le schéma de l’impact d’une hausse des coûts du travail sur la compétitivité-prix : salaires, cotisations, coûts de formation, compétitivité-prix, réglementation des contrats de travail, emploi
Q4. Faîtes une carte mentale sur types, portée, limites des politiques de flexibilité
Q5. Qu’est ce que le modèle de flexicurité ?
Q6. Définir chômage structurel, chômage conjoncturel, politique active de l’emploi
Q7. Quels sont les effets du progrès technique sur l’emploi (quantité et qualité) ?
Q8. Pourquoi la formation doit-elle être un axe majeur des politiques de l'emploi ?
Raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire (10points)
A l'aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez par quels moyens les pouvoirs publics mettent en œuvre la redistribution.
DOCUMENT 1
Montants moyens des prélèvements et des prestations en 2010 (en euros)
Revenus moyens par unité de consommation(1) par quantile(2)
Q1
Q2
Q3
Q4
Q5
Revenu avant redistribution (A)
7 400
15 489
21 191
28 243
53 582
PRELEVEMENTS
- 440
- 1 258
- 2 466
- 4 129
- 10 621
Financement de la protection sociale
- 521
- 1 204
- 2 021
- 2 989
- 5 803
Dont
Cotisations sociales
- 366
- 846
- 1 429
- 2 158
- 3 979
Impôts directs (3)
81
- 54
- 446
- 1 140
- 4 817
Dont
Impôts sur le revenu et Prime pour l'Emploi (4)
136
131
- 153
- 764
- 4 273
PRESTATIONS
4 332
1 418
1 067
819
600
Dont
Prestations familiales
1 522
851
834
705
543
Aides au logement
1 284
269
102
42
20
Minima sociaux
1 237
175
73
46
25
Revenu disponible (revenu après redistribution) (B)
11 293
15 649
19 792
24 933
43 561
Taux de redistribution (B-A)/A en %
52,6
1,0
- 6,6
- 11,7
- 18,7
Source : D'après « France Portrait social 2011 », INSEE.
(1)Revenu moyen qui tient compte de la composition des ménages.
(2)L'ensemble des ménages a été réparti dans cinq catégories de taille égale (20% des ménages) ordonnées selon le revenu. Q1 : 20% des plus modestes. Q5 : 20% des plus riches.
(3)Les impôts directs sont les impôts payés directement par le contribuable.
(4)Les ménages à bas revenu ne payant pas d'impôts sur le revenu peuvent bénéficier de versements au titre de « crédits d'impôts » et de la « prime pour l'emploi » versée aux actifs occupés ayant perçu des revenus professionnels en dessous d'un certain seuil de revenu.
DOCUMENT 2
L'enseignement est le domaine le mieux documenté pour évaluer les effets redistributifs de la fourniture de biens [collectifs] financés par l'impôt. Nous connaissons en effet la scolarisation au sein des familles, et les dépenses d'éducation sont facilement identifiables au sein des administrations publiques. Qu'observe-t-on ?
Les dépenses d'éducation opèrent évidemment une redistribution horizontale, des ménages sans enfants vers les ménages avec enfants, à niveau de revenu équivalent.
Mais elles opèrent également une redistribution verticale entre les familles, selon le niveau de revenu. En effet, le nombre moyen d'enfant par famille, et la durée moyenne de scolarisation diffèrent singulièrement selon le niveau de revenu. Si l'on découpe les ménages par niveau de revenu, on trouve plus de familles avec enfants en bas âge dans les déciles inférieurs. Les raisons sont multiples. Les revenus d'activité sont généralement croissants avec l'âge ainsi que les revenus du patrimoine. Les hauts déciles comportent ainsi davantage de ménages plus âgés. Par ailleurs, notamment pour les retraités, les enfants ne sont plus à charge. (...)
II s'y ajoute le fait qu'à même niveau de revenu initial, les familles avec enfants seront, mécaniquement, placées plus bas en termes de revenu par équivalent adulte. La scolarisation étant obligatoire, et les dépenses d'éducation étant relativement fortes en France dans le primaire et le secondaire, il apparaît que les dépenses d'éducation liées à la scolarisation jusqu'à 16 ans sont plutôt redistributives. (...)
Par le même jeu d'effets de structure, (...) il apparaît à l'inverse que les dépenses d'éducation post-obligatoire(1) et en particulier les dépenses d'enseignement supérieur sont plutôt anti-redistributives, les enfants de ménages pauvres ayant un accès à l'enseignement supérieur beaucoup plus faible que ceux des ménages riches. Les dépenses prises dans leur ensemble, enseignements primaire, secondaire et supérieur, sont néanmoins en définitive, plutôt redistributives.
Source : « Comment fonctionne vraiment la grande machine à redistribuer ? », LANDAIS Camille, Regards croisés sur l'économie, 2007.
(1) Éducation post-obligatoire : formation au-delà de l'âge de scolarisation obligatoire (16 ans).
A. Le marché du travail est un marché encadré par des institutions : code du travail, conventions collectives et Etat
Le droit du travail doit respecter la constitution. La gestion de l’emploi peut reposer sur d’autres institutions si les résultats des négociations sont plus favorables aux salariés que celles inscrites dans le droit du travail. Ces améliorations peuvent provenir des conventions collectives puis des accords d’entreprises ou même directement des contrats de travail.
Le code du travail (TEST) règlemente le contrat de travail, les procédures de licenciements et la représentation des salariés dans l ‘entreprise. Le contrat de travail est une convention selon laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre moyennant rémunération et en respectant les droits et obligations de chacun, ce contrat précise la rémunération, le contenu du poste, les conditions de travail et engage le salarié dans une relation de subordination par rapport à l’employeur. Dans la société du XIXeme siècle, le salarié était au départ soumis au patron et vivait dans l'insécurité et précarité, le contrat de travail a permis peu à peu de réglementer cette activité. En 1864, le droit de grève est reconnu, les syndicats en 1884, en 1910, la loi institue le code du travail, le SMIG créé en 1950 sera transformé en SMIC en 1970, entre 1998 et 2000 sera établie la réforme des 35h...
En France, les pouvoirs publics jouent un rôle majeur dans la régulation du salaire et dans la mise en place des conditions de possibilité des négociations entre les syndicats salariés et patronaux. Ils définissent le salaire minimum (Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance), ils agissent directement sur la fixation des salaires en tant qu'employeurs de six millions de fonctionnaires. Les pouvoirs publics définissent des grilles de salaires, attribuent telle ou telle échelle de revenu aux différentes professions de fonctionnaires et des salariés des entreprises publiques, fixent le niveau des primes, procèdent ou non à la revalorisation des salaires de certaines catégories de fonctionnaires, peuvent geler les salaires ou au contraire procéder à des augmentations de pouvoir d'achat. Ils définissent aussi la valeur des cotisations sociales : le coût salarial payé par les employeurs intègre le montant des cotisations sociales, celles directement payées par les employeurs, mais aussi celles acquittées par les salariés sur leur salaire brut. Or, depuis 1993, à peu près tous les gouvernements ont cherché à abaisser le coût du travail en réduisant le montant des cotisations. Cette réduction a surtout concerné les bas salaires et a été rendue possible par le basculement de ces baisses de cotisations sur un nouvel impôt, la contribution sociale généralisée (CSG).
Les pouvoirs publics ont aussi imposé dans le travail peu à peu une représentation des salariés dans l’entreprise : en 1936 les délégués du personnel, en 1945 le comité d’entreprise, en 1968 les délégué syndical et en 1982 le comité d’hygiène, de sécurité et et des conditions de travail. La co-gestion ou gestion démocratique de l'entreprise est en France beaucoup plus limitée que dans les pays comme l'Allemagne ou la Suède où les salariés sont associés au comité de surveillance des entreprises.
Contrairement aux présupposés de l'analyse néoclassique, le mode de fixation du salaire n'est pas toujours individualisé. Les relations de travail sont aussi modelées par des conventions collectives qui résultent d’accords entre partenaires sociaux. Les conventions collectives sont des accords écrits relatifs aux conditions de travail et aux grilles de rémunérations conclues entre les organisations d'employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales au niveau d'une branche.
Le principe de construction de ces grilles consiste à associer des niveaux de qualification reconnue et attestée par un diplôme à un niveau de rémunération minimale. Par exemple, un ouvrier professionnel dans une usine automobile, selon son ancienneté, sera assuré de percevoir une rémunération clairement encadrée par la convention. C'est une façon d’administrer la fixation du salaire indépendamment de l'état du marché du travail. Ces accords s'appliquent à tous les salariés et s'imposent à tous les employeurs de cette branche. Le rôle des conventions collectives est essentiel pour le patronat, parce qu'elles organisent des règles sociales communes à toutes les entreprises d'une même branche, ce qui empêche une concurrence sauvage, à coup de moins-disant social. Les conventions collectives permettent aux salariés d'être eux-mêmes en concurrence sur le marché, tout en leur reconnaissant des qualifications. Ces qualifications, définies comme ensemble des savoir-faire et connaissances requis pour occuper un emploi donné, sont cependant associées aux postes de travail et non pas aux personnes. Un salarié peut cependant se prévaloir compte tenu des postes occupés d'une certaine expérience professionnelle.
Les inégalités de salaire sont stables en France, alors que dans d’autres pays développés, notamment aux Etats-Unis ou en Allemagne, elles ont considérablement augmenté : l’intervention de l’Etat par la fixation d’un salaire minimum légal et le degré de centralisation des négociations collectives ont été décisives.
B. L'évolution du rapport de force entre les partenaires sociaux
L’institutionnalisation des syndicats a structuré le compromis fordiste. Pendant les 30 glorieuses, l’Etat et les syndicats de salariés puissants ont construit un marché du travail autour de la norme de l’emploi en contrat à durée indéterminée, à temps plein, associé à des droits syndicaux, au droit à la formation et à une protection sociale en expansion.La croissance soutenue du pouvoir d’achat des salariés par la revalorisation du salaire minimum, la sécurité de l'emploi et les revenus de transferts ont permis de soutenir la consommation de masse.
A partir des années 70, la montée du chômage et les transformations de l'organisation du travail ont conduit à une modifications du rapport de force en défaveur des salariés. La crise du syndicalisme et la baisse des conflits sociaux relâchent la pression des salariés sur le partage de la valeur ajoutée. Nous allons voir comment ont évolué les règles concernant la protection du contrat de travail, le temps de travail et la formation des salaires :
a) Les employeurs et leurs syndicats réclament une diminution du poids de la réglementation concernant le contrat de travail. En France depuis les années 60', les employeurs doivent verser des indemnités de licenciement, ils doivent aussi justifier les circonstances des licenciements et favoriser le reclassement de leurs salariés. Quand il y a conflit sur le licenciement, les salariés ont la possibilité de recourir aux prud'hommes. En 2008, la rupture conventionnelle a permis de simplifier le droit du licenciement répondant ainsi aux souhaits des organisations patronales. La loi Macron a assoupli les règles concernant le travail le dimanche. Le projet de loi El Khomri cherche à encadrer la réglementation et la justification de licenciement économique alors qu'auparavant la prérogative appartenant aux juges des Prud'hommes.
b) Depuis le début du siècle le temps de travail a été divisé par deux, grâce à l'obtention de congés payés et à la diminution du temps de travail. Il paraît logique que les gains de productivité conduisent à une baisse sur le long terme du temps de travail.
Les lois sur les 35h représentent le moment ultime de cette diminution. Cependant depuis son instauration, les pressions patronales aboutissent à ce que cette loi se vide peu à peu de sa dimension contraignante par les possibilités offertes de recourir plus facilement aux heures supplémentaires sans que le coût soit trop pénalisant.
La loi el Khomri intervertit les normes du droit car dans le domaine de la durée du travail (nombre maximum d’heures quotidiennes et hebdomadaires, temps de repos, congés payés, etc.), elle permet que l’accord d’entreprise soit « moins disant » que l’accord de la branche d’activité et elle ne permet plus aux branches d’empêcher les entreprises de négocier des majorations d’heures supplémentaires inférieures à 25 % (jusqu’à 10 %). Enfin, elle étend aux entreprises en bonne santé la possibilité de demander par accord des efforts aux salariés en termes de rémunération et de temps de travail.
c) Les négociations sur les salaires sont de plus décentralisées au niveau de l'entreprise. En 1982, les lois Auroux, en instaurant une obligation annuelle de négocier dans l'entreprise, sur les salaires, la durée et l'organisation du travail avaient renforcé la présence des syndicats dans les entreprises et donc la négociation à ce niveau. Les réformes sur la réduction du temps de travail ont aussi relancé la négociation d’entreprise et de branche non seulement sur la flexibilité horaire, mais aussi sur l’emploi, les salaires, l’organisation et les conditions de travail. Au fil du temps, c’est de plus en plus au niveau des établissements que se conduisent les conflits et les négociations liés aux restructurations industrielles. Les grilles de classification des conventions collectives élaborées en 1945 (Parodi) se sont transformées en grilles à critères classant intégrant une logique de compétences individuelles requises pour occuper une fonction. La compétence contrairement à la qualification a pour caractéristique d'être plus subjective donc plus difficilement évaluable, elle est attachée à l’individu, et traduit donc une individualisation des évolutions de carrière qui se négocie alors davantage au niveau de l'entreprise qu'au niveau de la branche. Les syndicats ne contrôlent donc plus la totalité de l’augmentation des salaires.
d) L’instabilité et la mobilité des salariés s’inscrit dans une tendance générale à laquelle certains pays ont répondu par la notion de « flexicurité ». L'idée est d'attacher des droits aux individus et non plus aux emplois. La loi el Khomri va dans ce sens, en 2017, les salariés auront accès à un compte personnel d'activité qui regroupera les droits acquis au cours de leur carrière: formation, pénibilité ou encore chômage.
Q2. Donner un exemple pour montrer que la loi protège les plus faibles
Q3. Comment les pouvoirs publics peuvent-ils agir sur le coût du travail ? ( vous pouvez faire un schéma)
Q4. Quels sont les intérêts des conventions collectives ?
Q5. Comment a évolué le rapport de force entre les forces patronales et les forces syndicales salariées depuis 1945 ?
Q6. Faîtes un tableau représentant en ligne : protection du contrat de travail, temps de travail, négociation salariale et formation des salaires ; et en colonne : acquis sociaux, remise en question des acquis sociaux.
Il y a de nombreuses similitudes entre la pensée Internet et le mouvement de la place de la République.
Comme l’écrit Amaëlle Guiton ce matin dans Libé, Nuit Debout utilise à plein les outils numériques et trouve son prolongement naturel sur le web. Mais j’irais plus loin : Nuit Debout n’utilise pas seulement Internet — d’ailleurs, tout le monde utilise Internet — mais Nuit Debout EST Internet.
Pour mieux comprendre Nuit Debout, peut-être faut-il le penser comme un outil, comme une technologie de démocratie. Le mouvement n’accouchera sûrement de rien, la loi El Khomri passera et la révolution sera repoussée au #1500mars. Une fois les tentes repliées, il faudra néanmoins constater que peut-être quelque chose s’est passé : il restera cette façon de faire démocratie.
«Qu’est-ce que le mouvement va devenir ? Je n’en sais rien. Je ne suis pas sûre qu’on puisse rester très longtemps. Un des buts, ça pourrait être de développer des outils qui permettent que le débat se déplace», explique dans Libé une occupante de la place.
INTERNET, PREMIÈRE PLACE À SE SOULEVER
«The process is the message», répondaient les militants d’Occupy Wall Street à ceux qui leur demandaient quels étaient leurs buts. Au fond, il n’y a rien à demander. Car tout est là présent sur la place : le modèle de société qui rendra possible la réalisation d’un monde meilleur.
En 1996, bien avant Nuit Debout, Occupy Wall Street ou les Indignés, une place se soulevait et proclamait unilatéralement son indépendance : Internet. «Vous n’avez pas de souveraineté où nous nous rassemblons», proclamait John Barlow, auteur de la Déclaration d’indépendance du cyberespace.
Ce fameux texte pourrait se lire aujourd’hui comme un manifeste de Nuit Debout:
«Nous n’avons pas de gouvernement élu et nous ne sommes pas près d’en avoir un, aussi je m’adresse à vous avec la seule autorité que donne la liberté elle-même lorsqu’elle s’exprime. Je déclare que l’espace social global que nous construisons est indépendant, par nature, de la tyrannie que vous cherchez à nous imposer. [...] Nous sommes en train de créer un monde où chacun, où qu’il soit, peut exprimer ses convictions, aussi singulières qu’elles puissent être, sans craindre d’être réduit au silence ou contraint de se conformer à une norme.»
UN WIKIPEDIA À CIEL OUVERT
Si l’Internet a pu devenir une promesse d’exil, une utopie néo-hippie, c’est que son principe même portait les germes d’un nouveau type d’organisation humaine : un réseau décentralisé dont la gouvernance est la responsabilité de chacun, sans aucun noeud central. C’est quasi exactement la définition de Nuit Debout, mouvement sans tête, toile d’araignée démocratique tissée sur la place de la République.
Qu’est ce que Nuit Debout, sinon un Wikipedia à ciel ouvert qui cherche par la collaboration et l’horizontalité à élaborer sa propre Constitution ? Nuit Debout est un Wikipedia de lui-même, un mouvement qui tente perpétuellement de s’écrire, de se décrire, de trouver les mots pour continuer. Il n’en restera peut-être rien mais il restera l’outil. The process is the message.
L’AG, LE THREAD PRINCIPAL
Il est très logique de retrouver la génération Internet à Nuit Debout, qui a grandi avec ces idéaux d’horizontalité, de partage et d’auto-régulation. Wikipedia, l’encyclopédie de notre temps, ne s’est pas écrite dans une assemblée de gens de lettres, mais dans un lent et laborieux processus, ouvert à tous, soumis aux vents contraires de la démocratie directe.
La place de la République est organisée comme un grand forum, avec son fil de discussion principal, l’AG, et une myriade de sous-forums, les commissions. Pour rendre visibles les prises de parole les plus intéressantes dans ce grand bordel que constituent les AG, des forêts de main s’agitent, comme autant de likes. Sur la place, des chercheurs se baladent avec des pancartes «Je suis physicien, posez-moi des questions !», déclinaison des fameuses sessions AMA (Ask me anything) de Reddit.
LA LIBERTÉ D’EXPRESSION COMME SEUL COMBAT
Pour le sociologue Dominique Cardon, auteur de La démocratie internetque j’ai interrogé à ce sujet, «il est difficile de dire que Nuit Debout descend directement de la pensée Internet, parce qu’il y a plein de choses d’Internet qui viennent du monde social. C’est une immense boucle qui recycle dans les deux sens. Mais il y a des proximités, c’est évident.L’expérience de l’échange numérique a sans doute rendu très sensible à ces formes auto-organisées. Mais n’oublions pas que le phénomène Nuit Debout est aussi lié à des processus parallèles d’individuation de la société, à la crise des systèmes d’identification partisans, médiatiques, catégoriels.»
Dominique Cardon perçoit les limites de Nuit Debout à travers les limites déjà bien connues de la «pensée Internet»:
«Le grand problème des valeurs de l’Internet, c’est qu’elles ont tout misé sur la question de la liberté d’expression, mais rien sur la question de la justice. Du coup, la pensée Internet est complètement handicapée pour penser la question de la justice. Le risque est que le type de justice mise en oeuvre soit uniquement une justice procédurale pour permettre la prise de parole de chacun.»
Pour Cardon, si Nuit Debout ne peut transformer le monde tout de suite, il transforme les individus qui le font:
«Le mouvement a un impact sur les gens qui le vivent. Et en ce sens, c’est très Internet, très do it yourself, il faut le vivre, il faut l’expérimenter. Ça ne change pas le monde mais ça change ceux qui le font. Et ça peut avoir des conséquences sur le monde plus tard.»
LES RISQUES DE LA MASSIFICATION
Les limites de l’utopie Nuit Debout peuvent se lire dans cette description de l’échec de l’utopie Internet par Dominique Cardon, dans son introduction au livre Aux sources de l’utopie numérique de Fred Turner:
«Cette fiction « communautaire » de l’Internet a aujourd’hui explosé sous l’effet de la diversification des publics. Alors que les pionniers rêvaient d’un monde réunifié par une circulation plus fluide, plus ouverte et plus tolérante, la massification d’Internet a inévitablement conduit à la multiplication des enclaves communautaires regroupant, sur la base de la proximité sociale, géographique et culturelle, des individus partageant des traits communs.»
L’aristocratie d’Internet, celle qui l’a pensé comme une utopie, a toujours été critiquée pour son homogénéité sociale : plutôt des hommes blancs éduqués. Il est toujours plus facile de faire communauté et de rêver ensemble à un monde meilleur quand on se ressemble. Nuit Debout souffre exactement du même problème.
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