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La révolution du Web collaboratif

La révolution du Web collaboratif, ou Web 2.0 Serge Tisseron LES NOUVEAUX RÉSEAUX SOCIAUX SUR INTERNET 2011 Serge De Boeck

  1. Une nouvelle définition des liens

Dans la société traditionnelle, les liens sont absents ou présents et, s’ils existent, ils sont réputés sécurisants ou non sécurisants. Au contraire, avec le web collaboratif, les liens sont élastiques et ils se définissent surtout par leur caractère d’« activabilité ». Ce qui est important, ce n’est pas que les liens soient forts mais qu’ils puissent être utilisés en cas de besoin. C’est ce que Mark Granovetter (1973) appelait la «force des liens faibles». Quand un individu est confronté à certaines tâches comme la recherche d’un emploi, les stratégies qui s’appuient sur des « amis d’amis » sont souvent plus efficaces que les relations de grande proximité. L’existence de ces liens nouveaux définit du même coup de nouveaux réseaux. Les individus connectés entre eux appartiennent à un réseau qu’on peut appeler « glocal » parce qu’il est à la fois « global » et « local ». Il est en effet possible de toucher de la même manière des personnes géographiquement et socialement lointaines et d’autres géographiquement ou socialement proches. La distance ne fait pas obstacle au contact, et inversement entrer en contact ne fait pas obstacle à l’éloignement. Sur Facebook, la création de ces nouveaux liens amène à une nouvelle définition de l’amitié : le friendling. Il s’agit du lien entre deux profils de telle façon que les friends sont des gens dont le profil m’intéresse mais qui ne sont pas forcément mes amis. Je peux avoir envie de télécharger leur fichier MP3, de lire leur billet de blog, de voir leur photo… Le friendling est un acte déclaratif qui permet l’échange d’informations. Il n’a donc rien à voir avec l’amitié qui est un lien entre deux personnes qui se définit par le fait d’avoir du plaisir à être et à échanger ensemble et qui naît de l’habitude et de la fréquentation pour constituer une forme de relation forte. Dans les nouveaux réseaux sociaux, l’important n’est pas d’avoir de très nombreux amis, mais plutôt des contacts susceptibles d’être facilement « activés » en cas de nécessité. Le nombre de tels contacts est en fait peu élevé, moins de dix en moyenne (Cardon D.)

  1. 2.       Une nouvelle définition du capital social 

L’expression de capital social a été créée au XXe siècle sur le modèle du « capital économique ». Celui-ci est l’ensemble des ressources matérielles qui permettent à une entreprise de prospérer sur le marché. De la même manière, le capital social est l’ensemble des relations humaines qui permettent à un individu ou à un groupe d’améliorer sa position. L’idéologie d’internet est que le web collaboratif pourrait créer un nouveau capital social constitué à travers des connexions multiples et susceptible de se substituer au capital social traditionnel appuyé sur des connexions fortes avec les pouvoirs en place, et organisées autour des liens familiaux et sociaux du milieu d’origine. C’est l’idée développée par le film de David Fincher, The Social Network. Mais il s’agit plus d’une mythologie du Web que d’une réalité. En fait, le nouveau capital social du web collaboratif n’annule pas l’importance du capital social traditionnel. L’un et l’autre se potentialisent. Il n’en reste pas moins que ces nouveaux réseaux modifient les façons d’entrer en contact avec les autres. La prise de contact y est beaucoup plus rapide, et c’est la fiabilité du lien qui importe.

  1. 3.       Une nouvelle définition des identités

 Le Web 2.0, encore appelé web collaboratif, a accentué cette tendance aux identités multiples. Dans la sociabilité traditionnelle, l’identité de chacun est le résultat d’une construction individuelle dans laquelle chacun exprime ce qu’il pense ou veut être. C’est ce que le sociologue Erving Goffman appelait la «mise en scène de soi» (1959). Au contraire, sur internet, et notamment dans des espaces comme Facebook, l’identité de chacun est le résultat d’une activité collective : ce sont les échanges permanents de chacun avec tous les autres qui construisent les diverses identités. Et celles-ci ne s’organisent pas seulement autour des informations déposées par chacun sur son actualité, ou bien par d’autres à son sujet ; elles s’organisent aussi autour des éléments du passé individuel et collectif de chacun, et également des projets d’avenir argumentés au carrefour des diverses interactions. Il en résulte une différence majeure entre l’identité dans la sociabilité traditionnelle et celle qui se construit dans le web collaboratif : dans la sociabilité traditionnelle, en cas d’identités multiples, l’une est censée être authentique, tandis que les autres sont considérées comme des masques. Par exemple, si une personne est réputée méchante en famille et «gentille» à son travail (ou le contraire), deux opinions sont possibles: certains pensent que cette personne est un « vrai méchant » qui se comporte de manière hypocrite dans son activité professionnelle de façon à y bénéficier d’une promotion ; tandis que d’autres pensent qu’il s’agit d’un « vrai gentil », comme en attestent d’ailleurs tous ses collègues de travail, mais qu’il est « méchant » chez lui, parce que, par exemple, sa femme peut le malmener, voire le tromper… Mais sur le web collaboratif, cette distinction n’est plus de mise. Toutes les identités d’une même personne définies au carrefour des réseaux multiples sont considérées comme également justes. Aucune identité en ligne n’est perçue plus authentique qu’une autre.

Q1. Définir Capital social, force des liens faibles, mise en scène de soi, sociabilité

Q2. Comparer les liens dans les sociétés traditionnelles avec les liens dans les sociétés de réseaux sociaux. Quelle différence entre le friendling et l’amitié ?

 

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04/05/2017
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