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la sécu à l'heure du big data

 

LE MONDE ECONOMIE | 06.04.2015 à 11h34 | Par Philippe Escande

C’est un sujet explosif qui se cache derrière un petit numéro. L’article 47 du projet de loi santé, débattu cette semaine au Parlement, ouvre une nouvelle ère dans la politique de santé publique, celle de l’évaluation. Une bombe tellement dangereuse que depuis vingt ans, tous les gouvernements ont pudiquement refermé le dossier. Il s’agit de rendre publiques les milliards d’informations détenues par la Caisse d’assurance-maladie sur tous les Français : feuilles de soins, données hospitalières, causes de décès, informations médico-sociales…

Trop dangereux. Pour la protection de la vie privée, pour la liberté des médecins qui se voient déjà « fichés » par la Sécu, pour les hôpitaux qui ne veulent pas être notés, pour les laboratoires qui craignent les études gênantes… Pour la puissance publique aussi, inquiète d’avoir à rendre des comptes.

Tous avaient à perdre à la transparence. Tous, sauf la santé elle-même. Le scandale du Mediator aurait ainsi pu être décelé plus tôt, de même que la progression d’épidémies. Sans parler de la mesure des effets des réformes publiques ou de l’efficacité des médicaments. A l’heure des économies tous azimuts et de la paupérisation de l’Etat providence, il devenait criminel de s’asseoir sur un tel trésor. D’autant que l’avènement de l’analyse de données massives, le fameux big data, ouvre une opportunité unique.

 Les mots qui fâchent

Bien sûr, pour réussir l’exploit de mettre tout le monde d’accord, il a fallu multiplier les concessions. Au risque de créer une usine à gaz qui empile les filtres et les contrôles. Mais le coup est parti. Et cette fois, la France n’est pas en retard d’une guerre, même si le Royaume-Uni, l’Europe du Nord et l’Amérique ont déjà engagé le mouvement.

Un regret cependant. Si cette réforme tant attendue bénéficiera assurément aux gestionnaires politiques, aux chercheurs et aux industriels, quid des patients ? Le projet évacue soigneusement les mots qui fâchent : évaluation des médecins, notation des hôpitaux… Témoin, le triste sort réservé à la presse, qui aura, c’est un comble, moins de liberté qu’avant pour publier sa propre évaluation des hôpitaux et cliniques…

Attention, car la révolution numérique va bouleverser les systèmes de soins en donnant à l’usager le pouvoir de court-circuiter les messages officiels, de se fabriquer son propre carnet de santé, de partager ses informations, de savoir. Comme il note l’hôtel de ses vacances ou la qualité de son entreprise, il commence à s’exprimer sur son médecin ou sa clinique.

L’arrivée des objets connectés qui mesurent en continu ses propres paramètres de santé va aussi générer une masse considérable de données. Qui va gérer tout cela ? Si la puissance publique s’en désintéresse, ce sera le secteur privé, et notamment les grandes plateformes Internet américaines. Il est urgent d’anticiper cette lame de fond pour éviter qu’elle ne nous emporte.

 



15/05/2015
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