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Autoentrepreneurs : un bilan mitigé, une réforme limitée

Le Monde.fr | 29.05.2013 à 15h03 • Mis à jour le 31.05.2013 à 20h39 | Par Jules Bonnard

 

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"Zéro chiffre d'affaires, zéro charges" : tel était le principe qui a motivé la création du statut d'autoentrepreneur par Nicolas Sarkozy en 2008. Quatre ans après son entrée en vigueur, ce régime, qui permet de créer son entreprise grâce à une simple déclaration sur Internet, a montré sa popularité, mais également son très faible impact économique. Le 23 mai, la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, Sylvia Pinel, a annoncé une future réforme de ce régime à la rentrée, conformément à ce qu'avait indiqué François Hollande le 28 novembre 2011 sur RMC.

La volonté principale du gouvernement est de "distinguer les deux finalités" de l'auto-entreprenariat : "ceux qui veulent tester un projet, se lancer dans l'entreprenariat et qui sont dans une activité à titre principal, et ceux, les plus nombreux, qui utilisent ce régime pour compléter leur revenu", explique la ministre. Tandis que ces derniers continueront à bénéficier d'un régime à durée indéterminée, les premiers verront leur statut limité dans le temps, de façon à "permettre aux entreprises de se développer". L'idée est en réalité de pousser vers le régime classique des entrepreneurs qui ont tendance à rester dans l'ordre de la micro-entreprise.

Les défenseurs de l'autoentrepreneuriat dénoncent une volonté de "tuer dans l'œuf" les auto-entreprises, selon la pétition des "Poussins", un collectif qui veut défendre ce statut. François Hurel, fondateur de l'Union des autoentrepreneurs, prédit dans Les Echos : "on va décourager ceux qui sont dans le système et ceux qui envisageaient d'y aller". Une crainte balayée par la ministre qui promeut ses "mesures d'accompagnement", parmi lesquelles "la vérification des qualifications et des attestations d'assurance au moment de la déclaration", "des formations préalables dispensées par les chambres de commerce" et "une transition aménagée avant le basculement dans le régime classique". "Le monde de l'entreprise obéit à des règles et plus d'accompagnement permettra de donner les armes pour créer des entreprises pérennes", affirme la ministre.

QUEL EST LE BILAN DE L'AUTO-ENTREPRENARIAT ?

Un rapport publié en avril 2013 permet de prendre la mesure de la déferlante d'auto-entreprises. Dès l'entrée en vigueur du statut le 1er janvier 2009, les déclarations ont progressé à un rythme très élevé, faisant chuter la création d'entreprises individuelles classiques par un effet de substitution et bondir la création totale d'entreprises. En prenant en compte les radiations du régime – pour cause de dépassement des seuils ou de chiffre d'affaires nul pendant 24 mois – 861 678 autoentrepreneurs étaient administrativement actifs à la fin de l'année 2012. Selon une enquête de l'Insee, cet engouement est en particulier dû à la simplicité de la procédure de déclaration puis de paiement des cotisations et contributions par un prélèvement proportionnel au chiffre d'affaires réalisé.

Seulement, depuis 2010, la part des autoentrepreneurs déclarant effectivement un chiffre d'affaires dépasse difficilement les 50 %. La moitié de ces entreprises n'ont donc aucune activité économique. Pour les autres, les revenus restent très modestes : "inférieurs au smic pour 90 % d'entre eux, à l'issue de trois années d'activité", expliquent l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales dans leur rapport. Au final, l'activité économique des autoentrepreneurs ne pèse que 0,23 % du PIB national et seuls "10 000 autoentrepreneurs pouvaient quitter le régime 'par le haut' en 2011".

DISTORSION DE CONCURRENCE ?

Régime très libéral, et qui permet de bénéficier d'avantages fiscaux, l'auto-entreprenariat dérange et est accusé de distorsion de concurrence par les fédérations d'artisans, qui souffrent du ralentissement économique. Par l'annonce de sa réforme, le gouvernement actuel se fait l'écho de ces craintes. Celles-ci résultent du fait que les autoentrepreneurs bénéficieraient de taux de prélèvements sociaux et fiscaux plus faibles. Depuis le relèvement de ces taux dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, les auteurs du rapport estiment que "le régime peut être plus ou moins favorable que le droit commun, en fonction des revenus et des charges générés par l'activité". Le régime d'autoentrepreneur est en réalité surtout avantageux fiscalement pour les très bas chiffres d'affaires. Plus le chiffre d'affaires se rapproche des seuils du régime d'auto-entreprenariat, plus les différences avec les autres régimes s'estompent.

Les autoentrepreneurs se positionneraient "de manière préférentielle" sur des micro-marchés délaissés par les autres entreprises (activités à faible valeur ajoutée du bâtiment ou service aux entreprises), quitte à devenir "sous-traitants d'entreprises ou de travailleurs indépendants". Le rapport parle plutôt de "complémentarité avec les autres régimes".

Le bâtiment est l'un des secteurs où les auto-entreprises sont les plus actives économiquement. Pourtant, les "67 000 auto-entreprises actives dans la construction génèrent un chiffre d'affaires de 847,5 millions d'euros, soit 0,7 % du chiffre d'affaires des entreprises du bâtiment de moins de 20 salariés, ou 1,1 % des entreprises artisanales du bâtiment", expliquent les auteurs du rapport. Pas vraiment de quoi expliquer le recul de l'activité économique du secteur, en crise depuis 2008.

UN ENTREPRENARIAT SECONDAIRE ?

La réforme annoncée par Sylvia Pinel séparera les activités principales des activités complémentaires. "Quand la gestion d'une entreprise nécessite toute notre énergie, c'est une activité principale", explique-t-elle. Aujourd'hui, les autoentrepreneurs sont incités à faire ce choix lors de la déclaration initiale de leur entreprise en ligne, mais ce paramètre est "non bloquant" – il est possible de valider le formulaire sans le renseigner. "L'indicateur 'principal' ou 'complémentaire' n'est pas fiable et c'est pourquoi je veux le rendre obligatoire", annonce la ministre.

Selon une extrapolation de données d'affiliation en assurance-maladie, on estime que 60 % des autoentrepreneurs le seraient à titre principal. Un ratio confirmé par l'enquête de l'Insee en 2010. Cette étude permet également de connaître leur répartition selon leur statut avant de créer leur entreprise : 32 % étaient des salariés stables et recherchent en majorité "un complément de leur activité qu'ils conservent". A l'inverse, pour les 41 % qui étaient sans activité professionnelle, l'auto-entreprise est une manière de créer son emploi et est donc exercée à titre principal.

 

Une auto-entreprise à titre principal ne sera pas nécessairement limitée à deux ans. "Pour certains métiers, deux ans sont suffisants. Pour d'autres, on m'a fait part de certaines difficultés. Tout cela est donc à l'étude", explique Sylvia Pinel. La réforme devrait être présentée en juillet en conseil des ministres et faire l'objet d'un projet de loi à la rentrée. D'ici là, la ministre clame sa volonté de "réconcilier les artisans et les autoentrepreneurs" et veut surtout "faire de la pédagogie"

 

Lire aussi : "La création d'entreprise est un outil de lutte contre le chômage"

autoentrepreneur.fr



14/10/2015
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