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les formes de l'échange

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Document 1 : Le don, une forme d’échange non marchand

Dans les économies et dans les droits qui ont précédé les nôtres, on ne constate jamais de simples échanges de biens, de richesses et de produits au cours d’un marché passé entre les individus. D’abord, ce ne sont pas des individus, ce sont des collectivités qui s’obligent mutuellement, échangent et contractent (…) : clans, tribus, familles, qui s’affrontent et s’opposent soit en groupes se faisant face sur le terrain, soit par l’intermédiaire de leurs chefs, soit de ces deux façons à la fois.

De plus, ce qu’ils s’échangent,  ce n’est pas exclusivement des biens et des richesses (…) des choses utiles économiquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché n’est qu’un des moments et où la circulation des richesses n’est qu’un des termes d’un contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent. Enfin, ces prestations et contre-prestations s’engagent sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux, bien qu’elles soient au fond rigoureusement obligatoires. (…)

[le potlatch est une forme particulière de don qui était pratiqué par les indiens de la côte Nord-Ouest de l’Amérique ; les chefs de clans s’échangent de la nourriture et des biens précieux dans une sorte de compétition où sera réputé gagnant celui qui aura été le plus généreux]

L’ obligation de donner est l’essence du potlatch. Un chef (…) ne conserve son autorité (…) qu’en dépensant sa fortune, en la distribuant, en humiliant les autres (…) L’obligation de recevoir ne contraint pas moins. On n’a pas le droit de refuser un don. Agir ainsi, c’est manifester que l’on craint d’avoir à rendre (…) L’obligation de rendre est tout le potlatch (…) on perd la « face » à jamais si on ne rend pas, ou si on ne détruit pas des valeurs équivalentes (…)

Une partie considérable de notre morale et de notre vie elle-même [se situe] toujours dans cette atmosphère du don, de l’obligation et de la liberté mêlés. Le don non rendu rend encore inférieur celui qui l’a accepté (…) L’invitation doit être rendue (…) Ainsi telle famille villageoise de notre enfance, en Lorraine, qui se restreignait à la vie la plus modeste en temps courant, se ruinait pour ses hôtes à l’occasion de fêtes patronales, de mariage, de communion (…) Il faut être « grand seigneur » dans ces occasions.

Source originale: Marcel Mauss, "Essai sur le don", 1923
Source numérique: Les Classiques des sciences sociales

 

Q1 Expliquer : En quoi le don se rapproche t-il des échanges marchands ?


Q2. Distinguer :   En quoi est-il radicalement différent ?


Q3. Analyser : A partir de l’exemple des cadeaux que l’on se fait entre amis : dans quels cas en fait-on ? Qu’est-ce qui guide le choix du cadeau ?


Q4. Distinguer : Recensez les multiples manifestations des échanges sous forme de don, aujourd’hui. Y retrouve-t-on toujours les trois « obligations » décrites par Marcel Mauss ?

 

Document 2 - Echange marchand, redistribution et réciprocité

[L'économiste hongrois Polanyi distingue] une pluralité de modes de circulation de biens et services, que les sociétés combinent de manières diverses à travers le temps et l'espace : l'échange – et son modèle de marché – la redistribution – qui requiert le modèle institutionnel de la centralité –, la réciprocité – encouragée par le modèle institutionnel de la symétrie [...]. Ces [modèles] désignent les interactions au travers desquelles sont acheminés les biens et ressources dans une société, et la façon dont les groupes d'individus, en raison de ces circuits symboliques, sont liés entre eux, intégrés à la société dans son ensemble. (...)

Prenant pour exemple la société des Trobriandais de Mélanésie, Polanyi met en évidence deux principes de comportement qui ne sont généralement pas associés à l'économie : la réciprocité et la redistribution. Chez les Trobriandais, la réciprocité touche les relations entre individus issus d'une même famille tandis que la redistribution touche les individus qui dépendent d'un même chef. La réciprocité réside dans le fait que l'entretien de la famille est assuré par les parents [de la famille de la mère]. Cet entretien fonctionne sur le principe du don-contre-don mais entre membres différents au sein d'un même groupe : les frères pourvoient aux besoins des sœurs et de leur famille, en échange de quoi ils reçoivent, à travers les produits reçus par leur épouse de leur propre famille, la subsistance. La redistribution est assurée par le chef de l'île qui se voit attribuer une partie de la production et la redistribue ensuite, la production non ponctionnée étant principalement affectée aux évènements festifs de la communauté. (...) L'enseignement que tire Polanyi de l'étude de ce type de sociétés porte sur l'existence de principes organisateurs de l'économie différents de ceux décrits et « universalisés » par les économistes classiques et en particulier par Adam Smith, et qui sont basés sur la recherche du gain et la propension au troc (...)

On retrouve bien entendu dans nos économies des relations marchandes. Dans l'économie marchande, c'est au marché qu'incombe la responsabilité de la circulation des biens et services. La redistribution (principe par lequel la production est collectée par une autorité centrale dont la responsabilité est de la répartir) est fondamentale dans nos économies contemporaines puisque l'État social s'organise autour de ce principe, moyennant des règles de taxation et de transfert. Il redistribue les ressources en étant soumis au contrôle démocratique. La réciprocité, décrivant un mode spécifique de circulation des biens et services exprimant un lien social particulier entre les groupes ou les individus recevant des dons et supposés offrir librement un contre-don, s'exprime aujourd'hui principalement au sein de l'économie non-monétaire. Mais un certain nombre de relations réciprocitaires adoptent des formes monétaires, telles que les donations monétaires.

Florence Degavre et Andreia Lemaître, « Approches substantives de l'économie : des outils pour l'étude des organisations d'économie sociale », Revue Interventions économiques [En ligne], 38 | 2008,

Q5. Définir - quelles sont les 3 formes de l'échange selon Polanyi ?


Q6. Distinguer - quelles différences pouvez-vous faire entre la réciprocité et la redistribution chez les trobriandais ?


Q7. Expliquer - expliquez la phrase soulignée.


Q8. Illustrer - Donnez un exemple d'échange réciproque, d'échange marchand et de redistribution dans les sociétés modernes.



17/11/2014
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