Portrait officielle du président de la République, Emmanuel Macron, réalisée par Soazig de la Moissonnière, sa photographe officielle. | SOAZIG DE LA MOISSONNIERE/PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
Une photo pour l’histoire. Emmanuel Macron a dévoilé, jeudi 29 juin, le portrait officiel qui ornera dès cet été les murs des bâtiments officiels. Le président de la République a posté lui-même le cliché sur son compte Twitter.
Photographié dans son bureau, au premier étage de l’Elysée, il pose de face, adossé à sa table de travail, les bras en arrière, les deux mains tenant le bureau avec fermeté.
A la fois décontracté et solennel, le jeune président au visage de cire esquisse un léger sourire et regarde droit devant lui, avec une détermination appuyée. D’acier, son regard clair a quelque chose d’hypnotique. Plusieurs fois retouchée, la photo respecte une symétrie parfaite Tiré à quatre épingles, le modèle est encadré par deux drapeaux, français et européen, et la fenêtre derrière lui est ouverte sur le parc, ajoutant une touche de douceur et de sérénité. Même si c’est davantage la maîtrise et le contrôle qui ressortent du cliché.
Attributs du pouvoir
Emmanuel Macron n’a suivi aucun chemin emprunté par ses prédécesseurs. Charles de Gaulle, Georges Pompidou, François Mitterrand et Nicolas Sarkozy avaient posé dans la bibliothèque de l’Elysée.
Valéry Giscard d’Estaing, qui voulait dépoussiérer la présidence et l’époque, s’était fait photographier devant un drapeau tricolore, comme pour une affiche électorale. Quant aux deux chefs de l’Etat « corréziens », Jacques Chirac et François Hollande, ils s’étaient placés dans le parc de l’Elysée, le premier avec ses larges épaules carrées, le second, en marche et les bras ballants.
En 2012, le portrait de François Hollande avait été abondamment commenté. En posant loin du palais, qui semble flouté, le chef de l’Etat socialiste avait fait un terrible aveu sur son rapport au pouvoir, sans le savoir. Refusant d’être représenté « enfermé » à l’Elysée, il s’était positionné au fond du jardin, dans l’ombre des arbres, comme fuyant son nouveau statut, refusant de l’incarner.
En posant dans le salon Doré, littéralement agrippé à cette table de travail où il signera les décrets et les ordonnances, et où se prendront la plupart des décisions, Emmanuel Macron prend le parti inverse, signifiant qu’il n’a nullement l’intention d’esquiver, qu’il entend au contraire se saisir pleinement des leviers et des attributs du pouvoir.
Ses prédécesseurs avaient tous choisi un photographe reconnu : Jean-Marie Marcel (De Gaulle), François Pagès (Pompidou), Jacques-Henri Lartigue (Giscard), Gisèle Freund (Mitterrand), Bettina Rheims (Chirac), Philippe Warrin (Sarkozy) et Raymond Depardon (Hollande). Emmanuel Macron a préféré demander cette photo à sa photographe officielle, Soazig de la Moissonière, en qui il a « confiance », dit-on à l’Elysée.
Contrôle de l’image
Ce portrait d’Emmanuel Macron est très proche de celui de Barack Obama, qui l’avait lui aussi confié à son photographe officiel, Pete Souza, en 2009. Passé maître dans l’art du contrôle de son image, le président américain posait lui aussi debout devant son bureau, encadré par deux drapeaux.
Portrait officiel du second mandat du président des Etats-Unis d’Amérique Barack Obama. La prise de vue date du 6 décembre 2012. | PETE SOUZA / THE WHITE HOUSE
« Il y a comme une fascination de Macron pour les Etats-Unis », constate l’ancien ministre Thierry Mandon, exégète amateur des portraits présidentiels. A ses yeux, cette photo officielle porte en elle une « affirmation », qui frôle la « provocation », le « défi physique ».« Il y a un côté conquête de l’Ouest, poursuit-il. Macron semble dire : “Ça y est, j’y suis ! Pour me déloger, il faudra me passer sur le corps.” »
Le cliché a été pris samedi 24 juin, en début de soirée, à l’issue d’une journée caniculaire. « Emmanuel Macron n’aime pas poser, cela s’est passé de manière très spontanée », assure-t-on dans son entourage.
La conseillère en communication de l’Elysée, Sibeth Ndiaye, a diffusé sur son compte Twitter un making of très maîtrisé de la séance. On y voit le président disposer lui-même les objets du décor sur son bureau : ses deux iPhones, l’horloge du conseil des ministres, un encrier rehaussé d’un coq doré, et trois livres de La Pléiade : Les Mémoires de guerre de Charles de Gaulle, que M. Macron a ouvert à une page précise, Les Nourritures terrestres de Gide et Le Rouge et le Noir de Stendhal.
Trois ouvrages qui disent « l’ambition, la transgression, le cynisme et l’épopée personnelle »,énumère l’ex-député socialiste de la Nièvre Christian Paul. Des livres qui comptent pour le chef de l’Etat, lui-même auteur de trois romans (non publiés) et de poèmes, et qui aime à se présenter comme un amoureux des lettres.
Pendant la campagne, Emmanuel Macron avait expliqué que la fonction présidentielle réclamait « de l’esthétique et de la transcendance ». Avec ces symboles, savamment disposés dans le cadre de la photo, il veut signifier qu’il est le « maître des horloges » – formule qu’il affectionne – et qu’il entend inscrire sa présidence dans le temps moderne, mais long.