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8.2 Les formes institutionnelles de l'ordre politique

Dossier 8.2. Quelles sont les formes institutionnelles de l’ordre politique ?

A. Le développement de l’Etat de droit

Lors de son émergence, l’Etat était avant tout un instrument efficace de gestion des ressources du territoire et de la population : lever l’impôt et organiser l’armée. La progressive démocratisation des institutions politiques va inciter les gouvernants à développer des mécanismes qui encadrent le caractère oppressif de l’Etat (garanties en matière de droits de l’Homme) et assurent aussi que les institutions étatiques ne peuvent échapper aux règles de droit.

 

En effet, si nous sommes supposés égaux devant la loi, l’Etat lui-même et ceux qui lui donnent corps (gouvernements, hauts fonctionnaires) doivent se plier aux exigences de la Constitution et de la loi.

 

C’est pour cela que se sont développées des institutions, normes et procédures en charge de garantir les droits des citoyens contre une éventuelle oppression étatique ou encore ayant pour but de vérifier que l’Etat prend des décisions qui se conforment aux propres règles qu’il édicte:

 

a) Il en va ainsi du contrôle de constitutionnalité, pratiqué dans de nombreux Etats. Il consiste à vérifier que les lois sont en conformité avec la norme suprême, la Constitution. Adopté tardivement en France (Constitution de 1958), ses modalités ont évolué avec le temps. En effet, il ne pouvait à l’origine s’exercer qu’avant la promulgation d’une loi (une loi déjà promulguée et anti-constitutionnelle ne pouvait être abrogée par les juges constitutionnels). Seules des autorités politiques (Président de la République, Premier ministre, Président du Sénat, Président de l’Assemblée nationale) avaient le droit d’effectuer la saisine du Conseil, ce droit ayant été ouvert aux minorités parlementaires et sénatoriales en 1974. Le citoyen ne peut donc pour l’instant intervenir dans le processus de contestation d’une loi non promulguée.

 

Cependant, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a mis en place la « question prioritaire de constitutionnalité ». Ainsi, le nouvel article 61-1 dispose que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur le renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ». Le deuxième alinéa de l’article 62 prévoit désormais qu’une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

Ce rappel des transformations du contrôle de constitutionnalité en France montre de quelle manière l’Etat de droit semble s’y étendre.

 

b) Par ailleurs, de nombreuses autres institutions existent, qui ont pour but premier la protection des citoyens contre les abus des pouvoirs publics. Ainsi la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), instituée par la loi du 6 janvier 1978 est chargée de veiller à ce que l’informatique soit au service du citoyen et qu’elle ne porte atteinte ni à l’identité humaine ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Elle examine les projets de lois et de décrets qui émanent de l’exécutif et ont trait à l’usage des données personnelles. Elle permet aussi aux citoyens qui le désirent d’accéder aux fichiers intéressant la sûreté de l’Etat, la défense et la sécurité publique, notamment ceux des renseignements et de la police judiciaire.

 

Cependant, le processus de construction de l’Etat de droit ne peut être considéré comme achevé. En effet, il reste de nombreuses procédures qui font des détenteurs de positions d’autorité politique des justiciables particuliers. Le cas de l’ « immunité présidentielle » en cours de mandat en est une illustration forte.

B. Des organisations territoriales variées

L’organisation territoriale du pouvoir au sein d’un Etat peut connaître d’importantes variantes. Nous examinerons dans un premier temps la distinction entre Etats fédéraux et Etats unitaires, avant de nous pencher dans un second temps sur les différences entre Etats unitaires centralisés et Etats unitaires décentralisés.

 

a) Un Etat fédéral reconnaît en son sein l’existence d’entités territoriales (Etats fédérés pour les Etats-Unis d’Amérique, Länder pour l’Allemagne par exemple) pouvant légiférer. En effet, dans un Etat fédéral, la Constitution fédérale définit des domaines de compétences dans lesquelles il revient soit à l’Etat central de voter les lois, soit à l’échelon local.

                Prenons le cas de l’Allemagne. L’Etat fédéral (le Bund) légifère de manière exclusive (c’est-à-dire, sans partager sa compétence avec une entité locale) en matière de défense, de politique étrangère, de droit de la nationalité, de commerce international. Les Länder légifèrent exclusivement dans les domaines de l’éducation, de la culture et de l’organisation communale.

 

Pourquoi certains Etats ont-ils opté pour une organisation fédérale ? Deux grandes voies mènent au fédéralisme : l’association ou la dissociation. Dans le cas de l’association, on assiste historiquement au processus de rapprochement d’Etats anciennement souverains qui acceptent de transférer une part de leur souveraineté à un échelon territorial supérieur. La Suisse et les Etats-Unis d’Amérique ont connu ce mode de construction. Dans le cas de la dissociation, l’organisation fédérale résulte de la transformation d’un Etat anciennement unitaire, qui finit par transférer des pans de souveraineté à des échelons locaux. On retrouve ici le processus à l’œuvre en Belgique.

 

b) Un Etat unitaire est donc, par opposition, un Etat qui maintient l’indivision territoriale de l’exercice du pouvoir législatif. Mais si tous les Etats unitaires se caractérisent par le monopole étatique de la fonction législative, l’organisation territoriale des pouvoirs peut tout de même y prendre des formes diverses.

 

Deux grandes catégories d’Etats unitaires existent : les Etats unitaires centralisés (de plus en plus rares) et les Etats unitaires décentralisés. Pour comprendre la différence entre ceux-ci, il nous faut revenir à la définition de ce qu’est le pouvoir réglementaire.

 

Il existe de nombreuses règles de droit. Toutes n’ont pas la même force juridique : il y a donc hiérarchisation de ces règles.

                En laissant de côté la question des traités internationaux, la norme suprême du droit est la Constitution. Elle organise le fonctionnement général des institutions politiques et établit notamment les conditions dans lesquelles la loi doit être élaborée.

                Les lois constituent, en termes de force juridique, le deuxième échelon des normes juridiques. Elles font toujours intervenir dans leur conception les assemblées parlementaires (Assemblée nationale et Sénat), si l’on exclut le cas particulier du référendum. Au-dessous de la loi, subordonné à elle, s’étend le champ du règlement.

                Les règlements sont des actes juridiques pris par le pouvoir exécutif (il peut s’agir par exemple de décrets).


 

Dans un Etat unitaire centralisé, le pouvoir réglementaire est uniquement aux mains de l’Etat. Dans un Etat unitaire décentralisé, le pouvoir réglementaire est divisé entre l’Etat et d’autres entités, comme par exemple les collectivités territoriales. Celles-ci disposent donc d’une autonomie de décision, mais toujours dans la limite du respect de la loi.

 

La France est un cas typique d’Etat unitaire très fortement centralisé s’étant transformé en Etat décentralisé.

                Héritière d’une tradition monarchique fortement centralisatrice, perpétuée par le jacobinisme républicain, la France n’a pendant longtemps connu qu’un système unitaire et fortement centralisé. Cela a fortement évolué depuis les lois de décentralisation, qui ont organisé un transfert d’attributions du pouvoir central au profit d’entités locales, juridiquement distinctes de l’Etat et dotées d’organes élus par les citoyens concernés.

                Ainsi, la loi du 2 mars 1982 permet aux communes, départements et régions de disposer de leurs propres organes délibérant et exécutif élus, de leur propre budget. Les décisions prises par les collectivités locales sont exécutoires de plein droit : l’Etat central ne peut les autoriser ou interdire a priori.

C. Au-delà de la démocratie représentative

Selon le philosophe Jean-Jacques Rousseau, il ne peut y avoir de démocratie véritable que par le truchement d’un gouvernement direct. En effet, la souveraineté appartient au peuple qui ne doit pas la déléguer. Si nous suivons Rousseau, il ne peut y avoir démocratie que lorsque que le peuple prend directement les décisions politiques. Le philosophe considère donc le principe de la représentativité (selon lequel le peuple souverain délègue son pouvoir de décision à des représentants) incompatible avec celui de la démocratie comme il l’entend.

 

Cependant, Rousseau comprend lui-même que la démocratie directe qu’il évoque dans Du Contrat social (1762) est impossible à mettre en place pour des ensembles humains importants, et qu’encore, il faudrait avoir affaire à un « peuple de dieux » pour qu’elle fonctionne.

 

La démocratie représentative est le modèle de démocratie pragmatique qui va se développer au cours des XIXème et XXème siècles. Le principe en est simple : les citoyens choisissent, par le biais du vote, des représentants. Ces derniers siègeront effectivement dans les organes décisionnels. Ils sont contrôlés par les citoyens en remettant en jeu leur siège de manière régulière.

 

Cependant, cette approche, qui a constitué la base de la construction des régimes politiques démocratiques tels que nous les connaissons, fait l’objet de critiques de plus en plus en nombreuses. Par le biais de sondages, par la montée de l’abstention aux élections politiques, il a été diagnostiqué que choisir des mandataires ne comblait pas entièrement les attentes citoyennes. En effet, des reproches ont été adressés à l’impression de reproduction du milieu des élus, au détachement de ces professionnels du politique vis-à-vis des problèmes « réels » des citoyens.

En réaction, un certain nombre de mesures ont été expérimentées :

 

a) La plus ancienne est celle du recours à des formes de démocratie directe, d’appel à l’expression du citoyen, sans en passer par les élus. C’est le cas du référendum, qui consiste à poser une question fermée aux citoyens. Seulement, le texte sur lequel les individus sont appelés à voter n’a pas été élaboré par le peuple, il n’y a pas de changements, d’amendements qui puissent y être apportés. La pratique référendaire a ainsi été à plusieurs reprises critiquée pour son aspect démagogique : ce qui est recherché, c’est la légitimation par l’onction populaire.

 

Ainsi, d’autres procédures sont en train de se développer, qui visent à renouer un lien plus nourri entre le citoyen et la prise de décision. Quelles sont les modalités de cet « adoucissement » de la logique représentative ?

 

b) La démocratie participative emprunte à la fois à la démocratie directe et à la démocratie représentative. A la démocratie directe, elle reprend l’idée d’une intervention sans intermédiaire du peuple dans la prise de décision politique. A la démocratie représentative, elle emprunte la capacité à formuler des projets construits. En effet, contrairement aux procédures de démocratie directe, souvent protestataires et limitant l’intervention du peuple à un simple acquiescement/rejet d’un projet présenté « clé en mains » par les pouvoirs publics, la démocratie participative met l’accent sur la délibération.

 

Pour le philosophe Alain, « ce qui définit la démocratie, ce n’est pas l’origine des pouvoirs, c’est le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants ». La démocratie participative permet d’éviter que les citoyens  se contentent de n’intervenir sur les gouvernants qu’au moment des élections. Les citoyens sont en effet incités à agir dans la sphère publique de manière régulière, sans tomber dans le travers du « Vote et tais-toi ! » inhérent à la démocratie représentative.

 

Quels intérêts peuvent trouver les gouvernants à organiser des procédures de prise de décision qui les dépossèdent d’une part de leurs pouvoirs ?

Les procédures relevant de la démocratie participative permettent en premier lieu d’aboutir à des décisions dont la légitimité est peu contestable. En effet, si le peuple élabore sans intermédiaires un projet, ce dernier ne pourra être considéré comme ayant été bâti sans son accord. En second lieu, cela permet ainsi de réduire les risques de contestation populaire.

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27/10/2014
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